Biolait inquiet face à la surproduction de lait bio
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Biolait inquiet face à la surproduction de lait bio

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Si la production de lait bio a explosé, la consommation stagne. Une équation douloureuse pour le Costarmoricain Ludovic Billard, président de Biolait (Loire-Atlantique), le leader hexagonal du marché, qui lance une campagne de communication pour inciter les ménages français à soutenir la filière.

Ludovic Billard, président de Biolait depuis 2018, est installé dans les Côtes-d’Armor — Photo : Matthieu Leman

C’est une crise de croissance inattendue dans le contexte général de développement des préoccupations environnementales et de l’offre de produits "verts". Le groupement de producteurs Biolait (166 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020, 100 salariés), leader du marché hexagonal avec 30 % de la production, tire la sonnette d’alarme : il y a toujours plus de lait bio produit en France tandis que la consommation stagne. L’effet ciseau est inévitable, comme les pertes pour les producteurs obligés, pour le vendre, de "déclasser" leur lait bio en lait conventionnel. Le premier se vend aujourd’hui 450 euros les 1 000 litres contre 330 euros pour le second.

Biolait a donc lancé une campagne de communication baptisée #1packdelaitbio pour inciter chaque ménage à acheter un pack de six litres en plus de ce qu’il consomme habituellement. Avec 28 millions de foyers en France, cet achat permettrait d’écouler la surproduction attendue en 2022 de 200 millions de litres pour l’ensemble de la filière.

Volume doublé en cinq ans

Comment en est-on arrivé là ? Du côté de l’offre, la production n’a cessé de grimper ces dernières années, le volume produit par les 1 400 fermes du leader hexagonal du secteur ayant même doublé depuis 2016, à 310 millions de litres. "Cette très grosse croissance, nous l’avons voulue et nous en sommes fiers car notre but est de développer le lait bio", assure Ludovic Billard, le président de Biolait, exploitant dans les Côtes-d’Armor. Cette augmentation des volumes s’explique par la crise du lait conventionnel, dont le prix est en berne, par "une société en demande de naturalité et d’une agriculture différente" et par une volonté politique exprimée de développer le bio dans la restauration hors domicile.

De l’autre côté, si l’augmentation de la consommation permettait d’absorber cette croissance de la production, ce n’est plus le cas depuis l’année dernière. "On a eu un coup de boost pendant la période du Covid puis la croissance est tombée à zéro", témoigne celui qui se définit comme un "paysan ayant voulu répondre par l’entreprise à ses convictions environnementales". L’homme âgé de 46 ans y voit plusieurs explications. "Le label bio donne de la confiance mais les gens ont oublié ce que ça représente. Il nous faut nous démarquer des démarches comme Bleu Blanc Cœur, qui reste un label prônant du lait conventionnel, ou de l’appellation Haute Valeur Environnementale, qui se situe entre le conventionnel et le bio mais qui n’interdit pas les pesticides." Quant aux politiques publiques, elles n’ont pas permis d’atteindre l’objectif des 20 % de bio et de local dans la restauration hors domicile. La crainte pour l’avenir et des habitudes de consommation qui entraînent des courses moins fréquentes et donc des caddies plus chers, ont fait le reste.

Le lait bio déclassé

"Nous sommes déjà entre 20 % et 30 % de déclassement du lait produit alors qu’on ne dépasse habituellement pas 10 %", s’inquiète Ludovic Billard. "Avec 70 millions de litres déclassés, nous en sommes déjà à près de dix millions d’euros de chiffre d’affaires perdus pour Biolait cette année." Le groupement collecte le lait et le revend à des transformateurs, du distributeur (marques distributeur de U, Biocoop, Auchan) aux petits artisans en passant par les industriels comme l’entreprise d’entremets Marie Morin installée à Quessoy. Basé à Saffré (Loire-Atlantique), là où tout a commencé en 1994, Biolait redistribue entièrement son résultat aux producteurs, les coûts de commercialisation et les charges étant mutualisés (50 000 euros de résultat pour 133 millions d’euros de redistribués en 2020).

Avec la crise actuelle, la crainte de Ludovic Billard est que les conversions bio s’arrêtent et même que des "convertis" reviennent au conventionnel. "Si c’était mon cas et que je devais revenir au conventionnel, j’arrêterais", conclut le Costarmoricain.

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