Bio-impression : Poietis peaufine son modèle économique
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Bio-impression : Poietis peaufine son modèle économique

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A Pessac, la start-up Poietis, spécialisée dans l'impression en 3D de peau humaine, vise la rentabilité à horizon 2021. Pour y arriver, elle diversifie ses sources de revenus. Et n'exclut pas une introduction en bourse pour se financer. En attendant, elle vient de boucler un nouveau tour de table de 5 millions d'euros.

Photo : Poietis

Actualisation le 27/03/2018 : Poietis vient de boucler un nouveau tour de table de 5 millions d'euros, via la plateforme de financement participatif Wiseed (1,1 million d'euros) et le fonds de Nouvelle Aquitaine Co-investissement (Naco). Poietis a également reçu une aide financière après avoir remporté le Concours Mondial d'Innovation Phase 2 dans la catégorie « médecine personnalisée ». Cette opération lui permettra de financer des développements techniques pour la fabrication de lots cliniques. Les premières implantations de tissu bio-imprimé chez un patient pourraient intervenir dès 2021.

En plein cœur du Bioparc de Pessac, niché à l'étage d'un immeuble appartenant à la Caisse des Dépôts, ce laboratoire ne paye pas de mine. Et pourtant, il abrite une véritable révolution. Un trésor de technologie, développé pendant dix ans dans les laboratoires de l'Inserm par Fabien Guillemot, et régulièrement distingué par la communauté scientifique. Dernier honneur en date : le prix de l'innovation décerné par l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi). La start-up Poietis, créée en septembre 2014, développe une machine capable d'imprimer en 3D du tissu humain. Des échantillons pour le moment destinés à des industriels, en phase de R&D.

Mais l'ambition des deux dirigeants de l'entreprise est d'apporter leur technologie dans les hôpitaux. "Nous voulons qu'elle serve à soigner des gens", raconte Bruno Brisson, cofondateur et directeur général de Poietis. Des tissus qui pourraient un jour être implantés en somme. Mais la start-up et ses 25 salariés n'aura pas les reins assez solides pour franchir cette étape seule, elle devra forcément passer par des accords de codéveloppement. "Nous sommes à la recherche de partenaires", commente Bruno Brisson. D'autant plus que la start-up multiplie les expérimentations. Elle a commencé à travailler sur d'autres tissus et a d'ores et déjà réussi à imprimer des cellules de foie et du cartilage de genou. "Nous avons 4-5 personnes qui travaillent à temps plein sur la peau. Il en faudrait autant pour le foie, pour le cartilage, etc.", détaille le cofondateur.

L’hypothèse de l’entrée en bourse

Or être une "deep tech" - ces technologies de rupture reposant sur une découverte issue d’un laboratoire de recherche - a un coût… non négligeable. Poietis a dégagé environ 400 000 euros de chiffre d’affaires en 2017 mais est encore loin de la rentabilité qu’elle espère toutefois atteindre en 2021. Pour se financer, elle devrait boucler une deuxième levée de fonds d'ici à fin février. Cela lui permettra notamment d’embaucher une dizaine de collaborateurs supplémentaires en 2018. La jeune pousse n’exclut pas non plus de se jeter un jour dans le grand bain de la bourse. "Cela fait partie des options possibles, on serait susceptible de le faire d’ici deux ans. Pour la deuxième fois, nous avons levé des fonds via Wiseed (une plateforme de financement participatif, ndlr). C’est un bon test pour l’introduction en bourse car cela témoigne de l’appétence des investisseurs pour notre entreprise", analyse Bruno Brisson. Poietis a d’ailleurs été sélectionnée par Enternext pour intégrer TechShare, un programme européen censé accompagner les dirigeants de sociétés technologiques à mieux comprendre le rôle et le fonctionnement des marchés financiers.

Collaborations avec BASF et L'Oréal

Mais à plus court terme, Poietis cherche surtout à diversifier ses sources de revenus et serait même prêt à opérer un demi-pivot. Dans un premier temps, la start-up va commercialiser dès cette année PoieSkin, un modèle de peau en 3D, complètement bio-imprimé dans son laboratoire pessacais. "Nous sommes en phase de validation de ce modèle", assure Bruno Brisson. L’intérêt immédiat ? Dégager du chiffre d’affaires. Poietis vendra ses tissus sous forme de plaques, dans une sorte de petite boîte de pétri. Des laboratoires pharmaceutiques, des industriels de la cosmétique achèteraient les modèles, notamment pour leur phase de recherche et développement. "On voudrait surtout s’en servir comme d’un démonstrateur, d’une plateforme qui pourrait être complexifiée. Chaque client pourrait personnaliser sa peau en ajoutant certains critères selon ses besoins", précise le dirigeant. La start-up a par ailleurs signé deux gros contrats : avec BASF pour automatiser les modèles manuels qui avaient été développés par le chimiste allemand ; et avec L’Oréal pour un modèle de cheveu imprimé en 3D.

Vers une 4e génération de machine

Le véritable pivot émanerait d’une demande même du marché. "Nous recevons pas mal de requêtes concernant la vente de machines", confie Bruno Brisson. Car sa machine d’impression assistée par laser est développée et fabriquée en interne. Outre rapporter du cash, cela permettrait aussi à Poietis de faire connaître sa technologie. "D’ici la fin de l’année, on pourrait être capable d’envoyer une imprimante à un client", estime Bruno Brisson. "Il s’agit aujourd’hui de la 3e génération d’imprimante et nous avons déjà pas mal d’idées d’améliorations qui pourraient servir de base à une 4e génération pour faire des tissus précliniques", s’enthousiasme-t-il. Tout vient à point à qui sait innover !

Photo : Poietis
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