Haute-Savoie
Patricia Ludi, hôtelière et restauratrice : "Nous ne demandons pas d'aides mais une contrepartie financière"
Témoignage Haute-Savoie # Hôtellerie

Patricia Ludi, hôtelière et restauratrice : "Nous ne demandons pas d'aides mais une contrepartie financière"

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Hôtelière et restauratrice à Châtel, en Haute-Savoie, un des villages du domaine skiable des Portes du Soleil, Patricia Ludi dit accepter la fermeture administrative de ses établissements en raison de la pandémie de coronavirus mais relève l’inadéquation des aides du gouvernement à l’arrêt forcé de son outil de travail. Sans revenus depuis près d’un an, la gérante voit sa situation se compliquer jour après jour.

Pour Patricia Ludi, gérante de l'hôtel Chalet d'Alizée et du restaurant Antoine dans la station de ski de Chatel (Haute-Savoie), les aides de l'Etat ne sont pas suffisantes.
— Photo : Hôtel Chalet d'Alizée

"Nous sommes installés depuis 2002 à Châtel, en Haute-Savoie, où nous possédons l’hôtel Chalet d'Alizée de 24 chambres et le restaurant Antoine, qui dispose de 178 couverts (sous la SARL Alizan, qui emploie deux salariés gérants à l'année, jusqu'à 15 salariés saisonniers, et réalise 500 000 euros de chiffre d'affaires annuel en moyenne, NDLR). Depuis le 17 mars 2020, nous n’avons plus aucune activité. Au départ, nous avons accepté cette situation en raison de la crise et nous avions de quoi tenir. Aujourd’hui, la situation est beaucoup plus compliquée.

Lorsque le gouvernement a annoncé que les remontées mécaniques ne redémarraient pas début décembre, nous avons revu nos plans pour démarrer à l’occasion des fêtes de Noël. Les 24 chambres de l’hôtel étaient réservées pendant les vacances. Il a ensuite fallu gérer l’annulation des réservations et rembourser les arrhes versées alors que nous n’avions reçu aucune aide. En 24 heures, la totalité des clients avaient fait leur demande d’annulation ou demandé à décaler leur venue en février et mars. Le plus douloureux est de voir nos clients réserver un studio dans une résidence à Chatel afin d’avoir une cuisine. Aujourd’hui, nous n’avons plus aucune réservation prévue jusqu’en avril", décrit Patricia Ludi, la gérante, âgée de 53 ans.

Rationalisation des charges

"Nous n’avons plus de revenus depuis un an. Aujourd’hui, nous avons quasiment épuisé nos économies et nous commençons à puiser dans le prêt garanti par l’État de 100 000 euros. Jusqu’à quand allons-nous pouvoir tenir ? Comment est-il possible que l’État n’apporte pas son soutien aux gérants ?

Nous avons décidé d’être très attentifs aux charges. Je viens par exemple de renvoyer le terminal carte bancaire pour ne plus payer l’abonnement mensuel de 70 euros. De même, nous avons fortement limité les dépenses de chauffage mais nous sommes malgré tout obligés de continuer à chauffer le bâtiment. La dernière facture de fioul s’élève à 7 300 euros. Ce sont autant de dépenses que les aides ne permettent pas d’assurer.

D’autant que nous ne demandons pas d’aides, nous souhaitons une contrepartie aux pertes que l’on subit. Cette situation est anormale. Le gouvernement ne prend pas ses responsabilités et n’assume pas la logique du 'quoi qu’il en coûte'. Comment expliquer que l’État continu de nous prélever près de 2 500 euros de taxe audiovisuel ou les droits de la Sacem alors que les télévisions ne sont pas utilisées, et que nous ne diffusons pas de musique ?

Prise de responsabilité

Aujourd’hui, nous sommes dans l’impasse. Nous avons pris nos responsabilités en acceptant de fermer et en jouant le jeu. Désormais, se pose sérieusement la question de céder l’affaire. C’est un projet sur lequel nous avançons, nous n’avons plus le choix… En une année, nous avons perdu l’équivalent de cinq ans d’investissement.

En attendant, les banques non plus n’ont pas pris leurs responsabilités puisqu’elles n’ont rien fait de plus pour accompagner leurs clients. Pour le prêt garanti par l'Etat, il a fallu attendre trois mois pour qu’elles acceptent de reporter d’un an le remboursement après l’autorisation du gouvernement. Il y a une inertie entre l’annonce des décisions et l’effectivité des aides.

Aujourd’hui, nous n’avons pas le choix, il faut que les aides en place soient prolongées jusqu’à la fin de l’année afin de limiter les pertes. Nous aimerions aussi que les banques autorisent des découverts plus importants afin de pouvoir gérer au jour le jour. Certains financements arrivent près d’un mois après l’échéance des charges. De même, il nous faudrait un crédit de trésorerie remboursable sur le long terme afin de pouvoir échelonner et assurer les prochaines saisons.

Finalement, ce qu’on ne dit pas c’est que la crise actuelle et ses conséquences sur notre activité aujourd’hui vont se traduire dans les prochaines années par une hausse des prix afin de supporter cette année blanche. Les premiers à pâtir de cette situation seront les clients", estime Patricia Ludi.

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