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Novasep : « Le partenariat autour du vaccin d'AstraZeneca est la cerise sur le gâteau »
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Michel Spagnol PDG de Novasep Novasep : « Le partenariat autour du vaccin d'AstraZeneca est la cerise sur le gâteau »

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Le groupe lyonnais Novasep, spécialiste de la production de vecteurs viraux, a conclu mi-juin un partenariat avec le groupe pharmaceutique AstraZeneca pour fabriquer la substance active du candidat vaccin contre le Covid-19. Le 12 juin, quatre pays européens dont la France ont signé un accord de principe pour garantir la fourniture à l’ensemble de l’Union Européenne de plusieurs centaines de millions de doses de ce futur vaccin.

Le groupe Novasep, dirigé par Michel Spagnol, va contribuer à la production de la substance active dans le cadre du candidat vaccin contre le Covid-19 développé par AstraZeneca et l'université d'Oxford — Photo : Nicolas Robin

Le groupe Novasep (CA 2019 : 300 M€ / 1 520 salariés) vient de signer un partenariat avec le géant pharmaceutique AstraZeneca pour fabriquer la substance active de son futur candidat vaccin contre le Covid-19. Quel est l’objet de ce partenariat ?

Michel Spagnol : Au travers de l’alliance européenne guidée par AstraZeneca et quatre pays européens (Allemagne, France, Italie et Pays-Bas, NDLR), l’objectif est d’avoir plusieurs partenaires fabriquant la matière active du vaccin ainsi que plusieurs partenaires pour faire la mise en flaconnage. Ce partenariat est un très bel exemple d’une collaboration public-privé à la fois entre l’université d’Oxford et AstraZeneca dans la recherche d’un vaccin contre le Covid-19 et avec les partenariats industriels engagés dans la production de ce candidat vaccin.

AstraZeneca évoque près de 400 millions de doses à produire. Quels sont les contours de cet accord pour Novasep ?

Michel Spagnol : Nous ne communiquons pas sur les chiffres. Néanmoins, il s’agit d’un contrat tout à fait significatif pour Novasep. Je vois cet accord comme la cerise sur le gâteau pour le groupe après tous les efforts financiers et humains consentis. Depuis le rachat de l’entreprise en 2013, nous avons initié un très fort mouvement pour focaliser l’entreprise sur ses activités pharmaceutiques en mettant en avant le service, le marché que l’on sert et la technologie. L’objectif est de se différencier en allant sur des métiers très technologiques. Si nous souhaitons rester compétitifs face aux autres marchés, et en particulier face à l’Asie, nous devons créer des barrières technologiques.

Pourquoi le site de Seneffe, en Belgique, a-t-il été choisi pour produire la substance active du candidat vaccin ?

Michel Spagnol : Sur les dix sites industriels* que nous avons, celui de Seneffe détient une compétence extrêmement forte en virologie et en immunothérapie. On a fait le pari à l’époque, audacieux, d’investir sur ce site en essayant de couvrir une demande du marché que nous pressentions comme forte : celui des médecines personnalisées et de la thérapie génique, qui connaît aujourd’hui un essor très important.

C'est sur le site Novasep de Seneffe (Belgique) que la substance active du candidat-vaccin d'Astra Zeneca sera produite. Deux lignes de production vont être installées et cent nouveaux salariés vont être recrutés — Photo : Novasep

Des investissements sont-ils nécessaires pour mettre à niveau votre site de Seneffe ?

Michel Spagnol : Notre programme d’investissement pour répondre à ce partenariat est d’ores et déjà prévu. Ils déboucheront sur la création de deux lignes de production supplémentaires nous permettant de délivrer la matière vaccinale du candidat vaccin. En parallèle, nous allons être face à un défi d’embauche de personnes qualifiées dans un délai très court. Nous tablons sur une centaine de personnes supplémentaires à terme. De 40 personnes, il y a quelques années, le site emploie aujourd’hui 300 salariés et donc 400 à terme.

Où en sont aujourd’hui les études de ce candidat-vaccin ?

Michel Spagnol : Le candidat vaccin est actuellement testé en phase 1 en Angleterre, et en phase 3 en Angleterre, aux États-Unis et bientôt au Brésil. À l’automne, 50 000 patients seront concernés par ces tests. La phase 3 vise l’efficacité et la sécurité du vaccin. À l’automne, nous serons capables de dire si, oui ou non, nous sommes parvenus à une solution thérapeutique crédible.

« La crise du Covid-19 a montré qu’il était pertinent de se poser la question de la relocalisation de l’industrie pharmaceutique sur le territoire français, en concertation avec l’Europe. »

En fonction des résultats des études, si aucune efficacité du candidat vaccin n’était perçue, cela représenterait-il un risque pour Novasep ?

Michel Spagnol : Si effectivement le candidat vaccin n’est pas concluant, les activités s’arrêteront. Il n’y a pas de risque pour Novasep. Nous continuerons à produire sur notre activité. Ce partenariat n’aura pas d’effets négatifs sur nos clients actuels. Nous avons mis en place une organisation spécifique qui est isolée de l’organisation en place pour s’assurer que les équipes restent focalisées sur les clients historiques. C’est une absolue nécessité. En revanche, si le candidat vaccin est un succès, nous augmenterons l’activité en termes de capacité de production sur le site de Seneffe. L’effet collatéral de ce partenariat nous apportera de toute évidence une notoriété.

Le Président de la République a annoncé le 16 juin, lors de sa visite sur le site Sanofi-Pasteur dans le Rhône, sa volonté de voir la France « recouvrer une indépendance technologique, industrielle et sanitaire ». Quel jugement portez-vous sur ces déclarations ?

Michel Spagnol : Je ne peux qu’applaudir les annonces du Président de la République. En tant que CDMO (sous-traitant pharmaceutique, NDLR), nous sommes en deuxième ligne, mais la crise sanitaire du Covid-19 a montré qu’il était pertinent de se poser la question de la relocalisation de l’industrie pharmaceutique sur le territoire français, en concertation avec l’Europe. Il serait illusoire de penser indépendamment que chaque pays va développer ses activités sur son territoire. On risque de créer de la surcapacité, ce qui nécessite une coordination européenne sur ce sujet.

L’annonce par Emmanuel Macron d’une enveloppe de 200 millions d’euros pour financer des infrastructures de recherche et de production de vaccins en France peut-elle vous amener à réinvestir prochainement sur le territoire ?

Michel Spagnol : Notre objectif est d’investir pour sécuriser et flexibiliser nos sites existants. Nous pensons profondément qu’on ne pourra répondre à des crises sanitaires de cette ampleur et faire face aux manques de certains médicaments que si nous avons des sites de production le plus flexibles possible et qui peuvent donc s’adapter très rapidement à une demande inédite. Qu’il y ait des aides qui permettent aux sociétés sous-traitantes de moderniser leurs assets industriels est une excellente chose parce que nous sommes en retard en France en matière d’investissement. De même, cette dynamique doit aller dans le sens de la création d’un écosystème de formation qui nous permettra d’innover et de créer de nouvelles barrières technologiques en France.

Des investissements sont-ils prévus ?

Michel Spagnol : Il est un peu tôt pour le dire. Chez Novasep, nous avons beaucoup investi sur des activités biologiques depuis 2013 dans nos sites en France. Nous avons par exemple fait un investissement de 34 millions d’euros sur notre site de Mourenx (Pyrénées-Atlantiques) il y a six ans ou engagé aussi engagé 12 millions d'euros sur notre site du Mans (Sarthe) en 2017. Nous continuons d’avoir cette volonté de différenciation technologique pour le groupe. Évidemment, nous aurons à cœur de développer et flexibiliser notre outil industriel. Il est évident que si nous obtenons des subventions pour le faire, nous le ferons encore plus vite et ce sera bénéfique pour tout le monde.

*Les sites français de Novasep situés à Lyon, Saint-Maurice de Beynost (Ain), Chasse-sur-Rhône (Isère), Le Mans, Mourenx (Pyrénées-Atlantiques) et Pompey (Meurthe-et-Moselle).

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