Maurice Gorgy : Maître du temps

Maurice Gorgy : Maître du temps

S'abonner
Homme posé et malicieux, Maurice Gorgy a su bâtir une PME de renommée internationale, en innovant dans le métier de ses aïeuls, l'horlogerie. Aujourd'hui, il se prépare à passer le flambeau à ses enfants. Anne-Gaëlle Metzger
— Photo : Le Journal des Entreprises

«J'ai été désigné. Je n'ai pas choisi, mais c'est devenu une passion!» Maurice Gorgy, fondateur de Gorgy timing, explique ainsi son entrée dans le métier familial. Fils et petit-fils d'horlogers bijoutiers grenoblois, il se devait de prendre la suite car «les enfants faisaient la retraite des parents». Il arrête très tôt l'école mais souhaite se former. «Autodidacte, j'ai dû travailler plus que les autres pour rattraper le manque d'études.» À tel point qu'il devient le plus jeune maître horloger de France, quelques semaines avant ses 25 ans.




Saga familiale

Quelques années plus tard, en 1974, il crée Gorgy timing avec son épouse, Monique. À partir de là, sa vie et celle de sa famille se confondent avec celle de la société. Le choix même de la dénomination «sert à être plus engagé; mais c'est une lourde responsabilité sur votre nom... Tout était mélangé, la famille et le travail. Nous avons eu une belle vie, même si elle a été pleine de soucis. Nous avons débuté avec 10.000€, à peine, se rappelle le dirigeant. Quand on commence si petit, on croise toutes les embûches... Nous avons perdu un fils âgé de quatre ans; ça s'est répercuté sur la vie de l'entreprise: les banquiers en ont profité pour nous couper les crédits... Passer une telle épreuve demande du courage et une famille très unie. L'avantage de travailler en couple, c'est de pouvoir s'épauler. Mais travailler dans la même entreprise, ce n'est pas être ensemble dans la journée! Ma femme a la partie ingrate: l'administratif, les finances. Je m'occupe des filiales, en Espagne, Allemagne et Chine; je voyage beaucoup. Je ne m'ennuie jamais, donc je tiens le coup!» Aujourd'hui, la saga se poursuit avec ses deux enfants: Nicolas, 30ans, directeur opérationnel, et Amandine, 31ans, responsable marketing et communication. «Je n'ai jamais eu de problème avec mes gamins. Nous avons une bonne complicité et du respect. Si je raisonnais financièrement, j'aurais eu intérêt à vendre la société. Mais c'est leur choix de la reprendre.» Le leur, mais sans doute aussi le sien car il apprécie que la société n'ait que des capitaux familiaux. «Je ne souhaite pas faire appel à des financiers qui détruisent l'emploi et l'innovation, affirme Maurice Gorgy. Je préfère rester plus petit mais indépendant. La deuxième génération mènera l'entreprise plus loin; mes enfants feront certainement différemment de moi.» Car à 68 ans, Maurice Gorgy prépare sa succession. «Mon épouse a 65ans et prendra sa retraite cette année, elle sera moins présente. Je suis moi-même à la retraite depuis 2002, même si je cumule avec la direction de l'entreprise; mais je m'éloigne de plus en plus. Ça ne me pèse pas trop pour l'instant et ça rassure les enfants...» Actuellement, la société embauche un directeur technique et un gestionnaire pour «avoir des bases solides et que les enfants se consacrent à leur métier. Ils ont 30ans, mais pour être crédibles, ils doivent atteindre 35ans!» Maurice Gorgy se consacre principalement au développement de la Chine, où il est va tous les deux mois. «Je continuerai tant que je peux voyager. D'autant plus que les cheveux blancs sont bien vus là-bas!»




Reconnaissances

Il lui est sans doute également très difficile de quitter «l'horlogerie, un secteur passionnant à la base de beaucoup d'innovations». D'autant plus quand on croise ses propres horloges dans les gares et aéroports du monde entier. «La première fois, à Madrid, nous avons eu un choc avec ma femme, ça fait quelque chose. Maintenant, on n'y fait plus attention; il devrait même y en avoir plus, partout!» Cet engagement et cette passion pour l'horlogerie ont valu deux reconnaissances à Maurice Gorgy. «La norme Afnor a été impulsée par Gorgy timing, se rappelle le dirigeant. C'est une vraie reconnaissance de mes pairs, d'autant plus qu'à l'époque, les professionnels ne voulaient pas de normalisation. Quant à la Légion d'honneur, j'ai été surpris. La demande vient du Comité Richelieu. Je l'ai acceptée, mais je ne sais pas si je l'ai méritée...»