Saint-Étienne
« Haulotte n'a pas attendu la crise pour s'organiser en bassins économiques »
Interview Saint-Étienne # Industrie

Alexandre Saubot directeur général d'Haulotte et vice-président de France Industrie « Haulotte n'a pas attendu la crise pour s'organiser en bassins économiques »

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Comme l'ensemble des entreprises industrielles, le fabricant ligérien de matériels d’élévation Haulotte a été contraint de s'adapter aux nouvelles règles sanitaires. Une nouvelle organisation qui pour son directeur général, également vice-président de l'organisation professionnelle France Industrie, est difficilement compatible avec une reprise à plein régime de l'activité.

— Photo : Haulotte

Au premier trimestre 2020, Haulotte Group (2 000 salariés ; 610 M€ de CA en 2019) a enregistré une baisse de 19 % de son chiffre d’affaires. Un recul imputable en partie à la crise sanitaire. Comment vivez-vous cette période un peu délicate ?

Alexandre Saubot : Nous nous en serions bien passé. Cela étant, nous avons la chance ou la malchance d’être sur un métier cyclique qui connaît régulièrement des crises. Cette crise sanitaire n’est donc finalement qu’une de plus pour Haulotte. Une crise qui a nécessité un ralentissement de la production vu que nos ventes ont très fortement baissé dans le courant du mois d’avril. Mais nous avons su ajuster ce qui devait l’être et aujourd’hui, nous accompagnons le redémarrage comme on le fait à chaque crise. Et le principal enjeu à venir, c’est de savoir à quelle vitesse nous allons revenir à un niveau d’activité le plus proche possible de ce qu’il était avant le confinement.

Vos usines ne tournent-elles pas encore à plein régime ?

A. S. : Non. Toutes nos usines ont repris à la mi-avril, mais nous sommes encore à des niveaux d’activité sensiblement inférieurs à ce qu’ils étaient avant la crise. Mais c’est le cas de bon nombre d’entreprises industrielles en France. Globalement, l’industrie ne s’est pas arrêtée. Au plus bas, nous sommes descendus à 50 % d’activité et aujourd’hui le niveau d’activité des entreprises industrielles est remonté entre 65 et 70 %.

Est-ce valable pour tous les secteurs ?

A. S. : Certains secteurs ont été plus impactés et le sont toujours. Je pense à l’aéronautique ou à l’automobile, où le niveau de la demande est bien inférieur à ce qu’il était avant le confinement. À cette problématique des commandes, il faut ajouter la question du respect des règles sanitaires qui, même si elles sont une priorité légitime, pèsent sur le nombre de personnes que l’on peut remettre au travail, sur l’organisation même du travail et donc sur la productivité et la capacité des entreprises à redémarrer leur activité.

Pensez-vous que ces règles sanitaires puissent freiner la reprise ?

A. S. : Cela va dépendre de la vitesse à laquelle va aller le redémarrage et de la vitesse à laquelle le virus va s’éloigner. Au fur et à mesure que les contraintes sanitaires vont s’alléger, il va falloir amender certaines règles pour être le plus productif et capacitaire possible afin de faire face à la remontée des commandes.

Cette crise ne va-t-elle pas engendrer un changement en profondeur de l’organisation du travail ? Certaines mesures prises pour remédier aux problématiques sanitaires ne vont-elles pas, au final, induire de nouveaux modèles d’organisation ?

A. S. : L’essentiel de ce que l’on a fait, c’est de se rajouter des contraintes… Légitimes, pour assurer la sécurité de nos collaborateurs. Mais cela reste des contraintes. Et plus de contraintes, c’est rarement plus d’opportunités. C’est parce que nous avons des espaces de liberté que l’on va trouver les bonnes solutions. Or, quand on doit limiter la proximité des gens, organiser des flux, étaler les départs d’équipes, on ne va pas dans le sens d’une plus grande efficacité et d’une meilleure productivité.

Pourtant bon nombre de chefs d’entreprise ont dit avoir pris conscience de la nécessité de revoir leur mode de sourcing. Certains ont même évoqué des relocalisations de production. N’est-ce pas crédible pour vous ?

A. S. : À partir du moment où une crise met en lumière certaines fragilités, il est normal que les entreprises s’interrogent sur la manière dont elles peuvent réduire leur exposition aux risques. Et cela aura forcément des effets sur l’organisation des entreprises. Chez Haulotte, nous n’avons pas attendu cette crise pour adopter une organisation en bassin économique. Nous privilégions des fournisseurs européens pour nos usines européennes et des fournisseurs asiatiques pour nos usines en Asie. Il ne faut pas perdre de vue que certains composants ne sont pas produits partout dans le monde et que l’on n’a pas toujours le choix des sources. La souveraineté c’est bien mais pour qu’elle soit durable, elle doit être compétitive. Et en la matière, le gouvernement doit passer à l’action.

Qu’entendez-vous par là ?

A. S. : Le gouvernement doit défendre la compétitivité des entreprises industrielles en réduisant le taux d’imposition des impôts de production. Pour rappel, les impôts de production en France sont trois fois supérieurs à la moyenne européenne et sept fois plus importants qu’en Allemagne. La souveraineté est une préoccupation que nous partageons chez France Industrie et que je défends en tant qu’industriel. Mais elle ne peut se réaliser de manière significative et durable que si la terre d’accueil qu’est la France est compétitive par rapport à ses voisins.

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