Vents porteurs en Bretagne pour la filière composite
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Vents porteurs en Bretagne pour la filière composite

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Que pèse la filière des composites en Bretagne ? Une étude a passé à la loupe les 147 acteurs bretons qui constituent l'écosystème autour de ces matériaux hybrides, devenus incontournables dans l'industrie. Très présente en Bretagne-Sud, la filière reste portée par le nautisme, mais son expertise s’ouvre désormais à bien d'autres secteurs.

Le bateau Banque Populaire, construit en matériaux composites, est sorti du chantier Keroman Technologies, filiale de CDK, à Lorient. — Photo : © ETICHA-BP/ CDK Technologies

« La filière composite en Bretagne est très particulière, note d’emblée Yann Dollo. Elle s’est beaucoup construite autour de la course au large ». Le directeur général adjoint du chantier naval finistérien CDK Technologies (70 salariés, 6,5 M€ de CA) est bien placé pour le savoir. Avant de rejoindre CDK et sa filiale lorientaise Keroman Technologies, il dirigeait la technopole Eurolarge Innovation et a contribué à la création du réseau de la filière, Compositic, qui regroupe fabricants de pièces en composites, constructeurs d'équipements de fabrication, prestataires de services, utilisateurs finaux et distributeurs. Au contraire d’autres territoires, où les composites ont émergé grâce à de gros donneurs d’ordre – comme l’aéronautique dans la région nantaise –, les composites en Bretagne ont plutôt l’image de l’artisanat et de la haute performance. À l’image des navigateurs-bricoleurs qui l’ont fait émerger à partir des années 80.

Aujourd’hui, la filière est en pleine croissance, selon une étude réalisée par Bretagne Développement Innovation (BDI) présentée lors du dernier salon international du composite à Paris. Et elle est aussi majoritairement composée de PME. CDK technologies à La Forêt-Fouesnant (Finistère) et Lorient, Multiplast à Vannes, ou encore Pogo Structures à Combrit (Finistère) sont des chantiers navals reconnus qui font office de donneurs d’ordre. D’où un fort axe sud-breton : le Morbihan (51,5 %) et le Finistère (42 %) représentent le plus gros du chiffre d’affaires composite des répondants à l’étude.

Une expertise dans la course au large

Le nautisme et la voile de compétition sont clairement énoncés comme les principaux marchés des acteurs locaux du composite. Derrière, on retrouve l’industrie, l’aéronautique/aérospatiale, l’automobile et le naval. Mais si le nautisme a porté la filière bretonne jusque-là - et continuera sans doute à le faire -, plusieurs entreprises bretonnes tentent désormais de se diversifier en allant conquérir d'autres marchés.

Un matériau dit "composite" est un assemblage d'au moins deux matériaux non miscibles. Le nouveau matériau constitué possède des propriétés que les éléments seuls ne possèdent pas — Photo : © ID Composite

« CDK a voulu compléter son offre avec l’industrie, qui représente 10 à 15 % du chiffre d’affaires, indique Yann Dollo. Nous travaillons pour les énergies marines renouvelables avec Sabella et avons aussi des contacts avec Naval Group, même si nous ne sommes pas des spécialistes. » CDK se concentre pour l’instant uniquement sur le marché industriel français. « En tant que PME, l’export est plus compliqué. Nous préférons nous focaliser sur ce qu’on sait faire. »

La prochaine Ocean Race en 2021 avec des Imoca, une des spécialités des chantiers français, sera d’ailleurs l’occasion de montrer leur savoir-faire à l’international. Des équipages étrangers pourront faire appel aux chantiers français. Et dans ce cas de figure, l’excellence bretonne peut faire la différence : « 50 % des vainqueurs du Vendée Globe, dont les trois derniers, sont sortis de chez nous. Ça aide », sourit le DG adjoint de CDK.

S’ancrer sur plusieurs piliers

Chez Heol Composites (10 salariés, 2 M€ de CA) près de Vannes, le nautisme constitue toujours 70 % de l’activité. « Nous avons un écosystème unique au monde sur le volet de la course au large, depuis les architectes, les bureaux d’études, les chantiers et les équipes des skippers. La filière est dynamique et porteuse. Ces compétences développées peuvent nous amener à nous déployer sur d’autres domaines applicatifs », souligne Jean-Paul Dufau, le dirigeant.

Avec son expertise sur les pièces composites structurelles creuses, la PME s’adresse à d’autres marchés : industrie, automobile, et même l’audiovisuel. L’entreprise a ainsi contribué à la fabrication d’une enceinte sonore de 100 000 watts composée d’une pièce de 4,5 mètres de haut. « Nous devons valoriser nos expertises. Une entreprise est plus solide quand elle est ancrée sur plusieurs pieds. Sur le volet de la course au large, nous ne sommes pas à l’abri de phénomènes cycliques où le sponsoring pourrait être moins important. »

L’industrie : une autre exigence

« En Bretagne, on a un très bon écosystème, entre Ifremer et l’école d'ingénieurs Ensta. Le nautisme pousse la filière, mais l'industrie existe aussi, il ne faut pas l’oublier ! », plaide Florian Madec, patron de FM Composites à Brest (10 salariés, CA non communiqué), fabricant de pièces uniques ou de petites séries. Ce bricoleur, qui a démarré à 14 ans dans le garage de ses parents, a créé son entreprise en 2002. « Au départ, l'entreprise travaillait un peu pour le nautisme, en faisant des foils notamment. Cela représentait 20 % de l'activité. Depuis 2015, j’ai complètement arrêté. » Ayant réalisé une démarche de certification pour l’industrie, FMC laisse de côté le nautisme. « Ce n’est pas du tout la même logique, indique Florian Madec. J’ai préféré me concentrer sur l’industrie où l’activité est régulière et a d’autres exigences : fiabilité à très long terme, sécurité… »

Quels que soient leurs marchés, les entreprises devront intégrer l’enjeu de la recyclabilité des produits dans leurs développements futurs. Déjà, certaines ont démarré des travaux sur les matériaux biosourcés.

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