À l’automne, Plug In Digital a remporté trois prix internationaux en quelques semaines. Il se passe quelque chose avec l’entreprise montpelliéraine (45 salariés, CA 2020 : 13,70 M€), spécialisée dans la distribution numérique de jeux vidéo, et les investisseurs l’ont bien compris. En levant 70 millions d’euros auprès du fonds anglais Bridgepoint Capital, Plug In Digital se donne les moyens de trouver une taille critique sur un marché mondial. "Nous n’avions levé que 1,5 million d’euros depuis notre création en 2012. Cette opération récompense à la fois une réussite et un parcours atypique, car nous avons toujours été rentables tout en restant indépendants", souligne le PDG Francis Ingrand.
De la distribution à l’édition
Fondée d’abord comme distributeur, Plug In Digital ne développe aucun jeu en interne. L’entreprise a noué des partenariats avec quelque 350 studios de création indépendants dans le monde, dont 80 en France et en Occitanie (Game Bakers, Magic Design, Midgard, ou encore Pixel Reef, le label du créateur star Eric Chahi, entre autres), à qui elle permet d’avoir une audience mondiale sur PC et consoles. "Ce sont eux qui avaient le plus besoin de nos services. Ils sont très spécialisés dans le développement, et un peu moins performants dans le marketing et la distribution, alors nous les gérons pour eux", commente Francis Ingrand.
Néanmoins, Plug In Digital a pris un virage vers l’édition après avoir lancé, en quelques années, ses propres marques : d’un côté Dear Villagers, un label premium qui ne sort qu’un nombre réduit de jeux par an, et de l’autre PID Games, d’abord conçu comme un label de niche, mais appelé à monter en puissance. Ils restent axés sur les productions indépendantes, tout en leur offrant un support financier de plus. "À travers ces labels, nous pouvons investir d’un à plusieurs millions d’euros dans une production. Nous allons les développer tous deux, en visant des jeux de qualité toujours plus élevée", annonce Francis Ingrand, qui évalue à 30 % la part de l’édition dans l’activité de Plug In Digital. Elle devrait passer à 50 % sous peu.
Un contexte plus concurrentiel
Il peut sembler contradictoire de proposer des contrats d’édition à des créateurs parfois jalousement attachés à leur indépendance. "La concurrence devient farouche, avec des sorties qui se multiplient. Même si nous leur prenons un pourcentage, les studios estiment qu’avec des éditeurs comme nous, ils auront plus de chances de trouver une audience plutôt que de se lancer seuls", analyse Francis Ingrand.
De son côté, Plug-In Digital doit aussi s’adapter. Le jeu vidéo ayant été l’un des grands gagnants de la crise sanitaire (avec des ventes en hausse de 11,3 % en France en 2020), il aiguise les appétits. En quelques mois, les studios montpelliérains Playdigious et DigixArt ont été rachetés, par les suédois Fragbite et Embracer respectivement. Autant de partenaires potentiels avec qui Plug-In Digital ne pourra plus travailler. "Nous nous dirigeons, grâce à cette levée de fonds, vers des prises de participation et des rachats de studios. Cela nous permettra d’acquérir un savoir-faire en interne, dans le développement de jeux", promet Francis Ingrand, qui table sur plusieurs opérations de croissance externe dès 2022. De son aveu, Plug In Digital veut marcher sur les traces d’Ubisoft : le plus grand nom français de cette industrie avait lui aussi commencé, dans les années 1980, comme simple distributeur.
