Olivier Millet (France Invest) : « L'épargne des Français doit se tourner vers les entreprises »
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Olivier Millet président de France Invest Olivier Millet (France Invest) : « L'épargne des Français doit se tourner vers les entreprises »

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Pour propulser au premier rang européen un marché du capital-investissement français en pleine forme, le président de France Invest (ex-Association française des investisseurs pour la croissance), Olivier Millet, propose de davantage flécher l'épargne des Français vers les entreprises.

— Photo : © Peter Allan

Le Journal des Entreprises : Comment se comporte le marché du capital-investissement en France ?

O. M. : Le marché se porte bien parce que les entreprises que nous accompagnons comme actionnaires sont dans une dynamique positive et parce que les professionnels du capital-investissement attirent massivement de l'épargne qu'ils investissent dans des beaux projets. En 2016, l'activité devrait progresser de 20 à 30 %. Entre 12 et 13 milliards d'euros de capitaux auront été levés et investis. La France est le deuxième marché du capital-investissement en Europe, derrière la Grande-Bretagne, qui est à 20 milliards. L'Allemagne, troisième, n'est qu'à 6 milliards. On pense que la France n'est pas un pays très capitaliste. La réalité est bien différente. Tous les ans depuis dix ans, 1.600 à 1.700 entreprises ouvrent leur capital. Notre objectif, c'est d'égaler le marché britannique et d'atteindre les 20 milliards d'euros.

Il y a donc de l'argent en France à investir au capital des entreprises...

O. M. : Il y a 300 sociétés et fonds de capital-investissement en France, qui collectent de l'épargne, en France mais aussi à l'étranger. Selon les années, 30 à 50 % des sommes investies dans les entreprises proviennent de l'international.

Qu'est-ce qui séduit les épargnants étrangers ?

O. M. : L'épargne internationale ne vient pas en France pour nos beaux yeux ! Elle est attirée par la qualité des entreprises françaises. Quand j'essaie de convaincre des investisseurs étrangers, je leur explique qu'une PME qui a survécu à la France a de réelles qualités. Parce qu'entreprendre en France, ce n'est pas simple ! Le contexte administratif, le contexte social sont compliqués. Malgré ces obstacles, de nombreux entrepreneurs arrivent à développer de belles entreprises.

Dans les propositions que l'Afic adresse aux candidats à l'élection présidentielle, vous souhaitez des mesures pour davantage orienter l'épargne des Français vers les entreprises non cotées. Qu'est-ce qui manque actuellement ?

O. M. : Seulement 1 % de l'épargne française est allouée au non coté. Il y a des raisons d'ordre psychologiques, des habitudes de travail, des questions réglementaires qui freinent l'allocation de l'épargne vers ces entreprises. Il ne faut pas se le cacher, la France est en retard sur ce point. Cela constitue un vrai problème quand on voit que la rémunération de l'épargne est proche de zéro alors que la classe d'actifs que nous représentons ? les entreprises non cotées françaises ? a livré sur les 10 dernières années 10 % de rentabilité annuelle, nette de frais. C'est deux fois la rentabilité du Cac 40. Il y a une vraie utilité à ce que l'épargne française s'engage plus fortement dans les start-up, PME et ETI françaises. Cela permet de développer plus rapidement les entreprises, et par conséquent de créer de l'emploi.

Ou parfois d'en détruire. Dans la déroute que connaît le groupe Vivarte, certains pointent du doigt le rôle joué par les « fonds vautours »...

O. M. : Le cas Vivarte est dramatique. Mais il ne faut pas non plus prendre un exemple qui est grave, notamment sur le plan social, et en faire une généralité. Il y a plusieurs centaines d'opérations (reprises en LBO, NDLR) de même nature qui ont lieu tous les ans et il y a un nombre incroyable de réussites. Dans le cas malheureux de Vivarte, le point de départ reste l'effondrement de l'activité compte tenu d'un contexte et d'un modèle économiques qui ont fondamentalement changé. Ensuite, il y a un effet d'entraînement entre un problème économique doublé d'un problème de structure de bilan.

Comment davantage flécher l'épargne des Français vers les entreprises non cotées ?

O. M. : En faisant d'abord très attention à ne pas fabriquer une nouvelle niche fiscale, le pays n'en a pas les moyens. Il faut arrêter de taxer ceux qui vendent leur société et qui réemploient directement l'argent dans une autre entreprise. Il faut taxer les plus-values, mais à des niveaux qui rejoignent la moyenne européenne, c'est-à-dire à 25 %. Aujourd'hui, dans un tour de table, les actionnaires n'ont pas la même taxation en cas de plus-value puisqu'elle dépend de l'ancienneté au capital, ainsi que de la nature et de l'origine du capital. Conséquence, les taxations oscillent de 30 à 60 %. Simplifions les choses ! Ensuite, il faut réviser les règles prudentielles comme Solvency 2 pour les compagnies d'assurance. Enfin, il faut favoriser le partage de la valeur pour permettre aux salariés d'être actionnaires des entreprises qui les emploient, grâce à des stock-options ou d'autres mécanismes de partage de la valeur. Il est possible de faire un capitalisme moderne où tout le monde y trouve son compte.

Vous pensez qu'il est possible de réconcilier le travail et le capital ?

O. M. : Les membres du capital-investissement français réconcilient tous les jours le capital et le travail. Nous montrons tous les jours sur le terrain que le talent managérial français, en alliance avec le talent actionnarial, fabrique des transformations économiques utiles pour l'entreprise, pour ses actionnaires et aussi pour les salariés, les clients et fournisseurs.

Il y a cinq ans, le candidat François Hollande avait fait de la finance son ennemie. Qu'attendez-vous des candidats à la présidentielle ?

O. M. : Je pense que l'on peut être pro-business et pro-social en même temps. On s'est trop souvent trompé en pensant qu'on pouvait faire parfois de l'économique, et quelque temps après du social. J'espère que le candidat qui gagnera saura réconcilier ces deux dimensions complémentaires et non antinomiques.

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