Côtes-d'Armor
Marie-Laure Jarry (Eurosubstrat) : "Nous voulons créer une filière du champignon exotique"
Interview Côtes-d'Armor # Agriculture # Fusion-acquisition

Marie-Laure Jarry dirigeante d'Eurosubstrat "Nous voulons créer une filière du champignon exotique"

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Eurosubstrat (25 salariés, 5,2 M€ de CA) a été rachetée en décembre 2023 par le fonds rennais Breizh Rebond. Le nouveau propriétaire de l’entreprise qui produit du substrat pour champignons exotiques a nommé à sa tête Marie-Laure Jarry, entrée à hauteur de 2,5 % au capital. L’ancienne dirigeante de la Maison Le Goff (Finistère) veut créer une filière du champignon exotique.

Marie-Laure Jarry a pris la tête d’Eurosubstrat en décembre 2023, après le rachat de l’entreprise basée à Callac (Côtes-d’Armor) par Breizh rebond — Photo : Yves Quéré

Vous arrivez à la tête du fabricant de substrat pour la culture de champignons exotiques Eurosubstrat, basé à Callac dans les Côtes-d’Armor, à la suite de son rachat par le fonds Breizh Rebond. Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis née à Nîmes, j’ai 48 ans et j’ai commencé ma carrière à Danone, dans des fonctions commerciales. En 2010, je suis devenue numéro 2 de Gault & Millau. Puis j’ai été contactée par une société d’investissement pour prendre la tête de la biscuiterie Le Goff, dans le Finistère en 2019. C’était un outil vieillissant, qui perdait de l’argent et ne faisait que de la marque de distributeur. En développant des marques propres, nous avons gagné 10 points de marge mais nous les avons reperdus avec le Covid. Fin avril 2023, le toit de la Maison Le Goff s’est affaissé, la production a dû être arrêtée et l’entreprise a été placée en redressement judiciaire. Enfin en décembre dernier, nous avons étudié le dossier Eurosubstrat avec Xavier Lépine le président du fonds Breizh Rebond, qui a racheté cette entreprise dont j’ai pris la tête.

Au cours de ma carrière, j’ai aussi participé à l’émission Complément d’Enquête sur France 2, en 2022. En caméra cachée, j’y avais montré comment se passaient les négociations entre une PME et la grande distribution qui, pour moi, se trouvent à l’origine de la dégradation de la situation de l’agroalimentaire français. Ça a été un moyen de me faire respecter même si les réactions ont été violentes.

Quelles ont été vos premières décisions à la direction d’Eurosubstrat ?

Il fallait d’abord se structurer avec un système de management de la qualité. La traçabilité amont et avale était insuffisante. Nous avons en outre recruté une directrice financière pour assurer le contrôle de gestion et j’ai dégainé les audits : Spie Industrie vient par exemple réaliser l’audit énergétique. Car l’énergie pèse 10 % du chiffre d’affaires, on doit descendre en dessous. Fin février, on lancera celui sur la supply chain afin de réduire nos coûts du transport. Par ailleurs, l’entreprise a injecté 400 000 euros dans la remise à niveau du matériel. Ensuite, on passera à la partie investissement mais seulement après avoir visité nos concurrents aux Pays Bas et en Hongrie afin de voir comment ils maîtrisent le process. L’entreprise est bénéficiaire mais l’excédent d’exploitation a diminué, de 25 % par le passé à 10 % aujourd’hui.

Comment comptez-vous encore développer l’entreprise ?

Nous voulons créer une filière du champignon exotique (qui regroupe des variétés autres que le champignon de Paris, NDLR), avec un cahier des charges. L’ambition étant de fédérer les acteurs, de l’amont de la chaîne jusqu’en aval. Pour cela, nous devons être plus près de nos clients - les producteurs de champignons et maraîchers - mais aussi des fournisseurs de mycélium (la semence des champignons intégrée dans les substrats, NDLR) ou encore des distributeurs. Il y a des axes d’amélioration. Nos champignons sont sous-exploités en restauration même si nous manquons de data pour le savoir précisément. Travailler en filière doit aussi nous aider à élargir les débouchés. Le marché du champignon, qui est en hausse de 10 % par an depuis 12 ans, n’est pas qu’alimentaire, il peut se trouver dans le bien-être, les compléments alimentaires ou le luxe, puisqu’Hermès a sorti son premier sac en cuir de champignon, voire demain dans les matériaux de construction… Le champ des possibles est immense ! En parallèle, Eurosubstrat mise aussi sur de nouvelles variétés. Nous produisons 13 000 tonnes de substrat par an, dont 74 % en pleurote et le reste en shiitake. Nous allons développer la pholiote et l’eryngii, que nous savons faire également.

Côtes-d'Armor # Agriculture # Fusion-acquisition # PME # Reprise