Loi de finances 2011 : Coup de rabot sur l'innovation
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Loi de finances 2011 : Coup de rabot sur l'innovation

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Le Parlement a adopté la nouvelle Loi de finances le 15décembre dernier et confirmé la réforme du statut de Jeunes entreprises innovantes et du crédit impôt recherche. Entreprises et acteurs de l'innovation dénoncent un coup de rabot brutal, qui pénalise la compétitivité des entreprises.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Considérées comme cruciales pour notre industrie et notre économie par les acteurs de l'innovation, les jeunes entreprises innovantes vont pourtant bien commencer l'année avec de nouvelles charges à payer. Un coup dur et brutal qui «va à l'encontre de la politique territoriale que nous menons au quotidien pour dynamiser l'économie et l'innovation dans les entreprises», regrette Patrick Baraona, directeur du Pôle Mer Paca. Ainsi, malgré la levée de boucliers des pôles de compétitivité mondiaux, des incubateurs, technopôles et centres européens d'entreprise et d'innovation, le Parlement a tranché le 15décembre et décidé de réaliser une partie des économies budgétaires sur le dos des entreprises innovantes.




Economies de 57 et 100M€

La réforme du statut fiscale des Jeunes entreprises innovantes (JEI) consiste à introduire un plafond de rémunération mensuelle brute par salarié, fixé à 4,5 fois le Smic, un plafond annuel de cotisations éligibles par établissement, fixé à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale (103.860€ en 2010), ainsi qu'une diminution progressive des exonérations de charges au cours de la vie de l'entreprise (75%, 50%, 30% puis 10% du montant au cours des quatre dernières années du dispositif, qui en compte huit au total). Du côté du crédit impôt recherche (CIR), le taux majoré pour les nouveaux déclarants va baisser les premières et deuxièmes années, et la prise en compte des frais de fonctionnement tombe à 50% (contre 75%). Cela équivaut à une diminution de l'assiette du CIR de 15%. Au total, l'État espère économiser 57M€ (JEI) et 100M€ (CIR), chaque année et dès 2011.




Hausse du coût de l'emploi

Pour les quelque 2.200 PME françaises qui bénéficiaient l'année dernière du statut de JEI et les 13.000 entreprises qui utilisent le CIR, le début d'année risque donc d'avoir un goût amer. Les études d'impact de ces deux réformes montrent en effet que la grande majorité des JEI souffriront d'une hausse du coût d'emploi des chercheurs de 30 à 40% à partir du 1erjanvier. «Ces entreprises n'auront souvent d'autres ressources que de licencier, de réduire leurs plans futurs d'embauche, d'être moins ambitieuses et compétitives au plan français et international», déplore Frédéric Bedin, président de Croissance plus. Cette réforme aura aussi des conséquences sur les fonds propres des entreprises, car la majorité de ces PME n'ont pas encore de produits sur le marché et donc de chiffre d'affaires. S'il est évident que le modèle économique de ces entreprises ne repose pas uniquement sur des exonérations fiscales, il est certain qu'elles s'appuient aujourd'hui sur des dispositifs publics pour palier la carence en investissements privés. Ainsi, «le business plan se trouvera inévitablement remis en cause», remarque Laurent Meunier, président de BioCellChallenge, à Signes. Du côté de l'entreprise Robopec, labellisée JEI en avril2009, son dirigeant Christophe Rousset confie avoir «la chance de passer à travers la réforme du CIR. En revanche, celle qui touche la JEI va forcément impacté notre activité. Moins soutenu, nous devrons aller chercher d'autres financements ou ralentir nos projets et donc retarder le lancement commercial».




Une décision court-termiste

Frein à l'innovation, cette réforme est d'autant plus mal comprise qu'elle va à l'encontre de la politique industrielle menée depuis trois ans et qu'elle a été décidée soudainement et sans concertation. «Cette réforme change considérablement les règles du jeu en très peu de temps, alors que l'entreprise innovante fait un pari sur l'avenir, qui pour se concrétiser nécessite du temps. Une jeune entreprise innovante réinvente son histoire tous les matins, les imprévus font partie de son quotidien, il n'était peut-être pas nécessaire de lui ajouter des imprévus fiscaux», souligne Patrick Valverde, directeur de Toulon Var technologies. Au-delà des problématiques économiques immédiates que cette réforme va poser aux entreprises, «c'est un mauvais signal lancé à tous ceux qui travaillent autour de l'innovation. C'est dommage que l'État n'ait pas préféré nous demander de rendre des comptes avant de raboter, nous aurions pu prouver l'efficacité de ces dispositifs», ajoute Patrick Baraona. Malgré tout, l'optimisme reste de mise pour bon nombre des acteurs locaux de l'innovation: «Ces dispositifs étaient très très intéressants. Désormais, ils sont simplement attractifs», souligne Jean-Sébastien Guiraudou, expert comptable du cabinet FGC.

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