L’Industrie Magnifique étend son terrain de jeu
Enquête # Événementiel # Mécénat

L’Industrie Magnifique étend son terrain de jeu

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Créée à partir de 2016 à Strasbourg, L’Industrie Magnifique lance sa troisième édition qui se tiendra en 2025 dans la capitale alsacienne mais aussi en Lorraine, à Lyon, Orléans, et à Lausanne. L’évènement qui vise à promouvoir et développer la création artistique, la culture de l’invention ainsi que le patrimoine industriel, via la coopération et le mécénat, se donne six mois pour constituer ses binômes entreprises-artistes.

"Mammuthus Volantes" conçu par Jacques Rival avec Soprema et Aquatique Show et exposé à proximité de la cathédrale de Strasbourg avait marqué la première édition de L’Industrie Magnifique en 2018 — Photo : Vincent Muller

L’Industrie Magnifique lance son casting pour sa troisième édition qui se tiendra du 5 au 15 juin 2025. À Strasbourg, là où le concept a vu le jour en 2016. Mais également en Lorraine, à Lyon, Orléans et à Lausanne en Suisse. Des négociations sont toujours en cours avec l’association Jaim à Mulhouse, qui organise depuis 2022 un festival du même nom à la croisée des chemins entre industrie, arts et innovations. Un temps évoqué, Marseille devrait passer son tour.

"Depuis le succès de la première édition, nous avons l’ambition de prendre une envergure nationale pour en faire un rendez-vous comme la Fête de la musique. Strasbourg reste le berceau mais on souhaite travailler en réseau avec les territoires", expose Jean Hansmaennel, président d’Industrie & Territoires, l’association qui porte L’Industrie Magnifique.

Cette opération de mécénat et de création artistique se donne pour objectif de valoriser l’industrie locale. "On souhaite faire passer l’image de l’industrie du noir et blanc à la couleur", poursuit-il. Pour cela, les entreprises mécènes se retrouvent plongées au cœur d’un processus artistique de 18 mois. L’association leur permet d’entrer en relation avec un artiste afin de créer des œuvres d’art symbolisant l’entreprise en utilisant ses ressources, que ce soit ses matériaux, son savoir-faire industriel ou encore ses salariés. Les œuvres d’art sont exposées sur la place publique durant une dizaine de jours.

600 000 visiteurs lors des deux premières éditions à Strasbourg

À l’issue des deux premières éditions, 600 000 visiteurs sont ainsi venus à Strasbourg admirer les 98 premières œuvres d’art, issues de ce processus créatif pour le moins atypique. Des œuvres souvent monumentales. À l’image de "Mammuthus Volantes", le squelette de mammouth mis en scène en 2018 par Jacques Rival avec Soprema et Aquatique Show ou de "Terre de Ciel", une sorte de Tour de Babel réalisée en 2021 par le peintre Patrick Bastardoz avec le concours de Wienerberger, leader mondial de la terre cuite et dont le siège français est basé à Achenheim (Bas-Rhin).

Une fois exposées à ciel ouvert et à la vue du public, les œuvres retournent généralement au sein des entreprises qui figurent, depuis 2022, dans le "Parcours des magnifiques" qui fait office d’exposition permanente.

Soutenu par les ministères de l’Économie, de la Transition écologique, par l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, la Banque des Territoires, la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale ou encore la French Fab, L’Industrie Magnifique a été sacrée meilleur événement dans la catégorie "Villes, Territoires et Lieux" lors de la Nuit de l’événementiel en février 2023 à Paris.

Une quinzaine d’entreprises déjà sur les rangs

À Strasbourg, l’équipe d’Industrie & Territoires se donne six mois pour constituer les binômes entreprises-artistes et boucler son budget qui s’élève à 1 million d’euros (80 % provenant des entreprises et 20 % des collectivités) pour cette troisième édition. Une cinquantaine d’entreprises alsaciennes ont pris part à ce mouvement depuis sa création et une quinzaine d’entre elles est d’ores et déjà partante. À l’arrivée, leur nombre sera déterminé en fonction du montant de leur engagement (de 20 000 euros à 100 000 euros sur deux ans) pour permettre aux organisateurs de boucler leur budget.

Le cabinet Walter (15 salariés, 1,7 M€ de CA en 2023), spécialisé dans le recrutement et dont le siège est à Saint-Julien-les-Metz (Moselle) sera fidèle au rendez-vous. "Une bonne partie de nos clients sont des industriels, indique Fabrice Buzon, consultant associé depuis 2015 et qui dirige le bureau de Colmar. Il est donc naturel pour nous de promouvoir l’art au travers de l’industrie et cela nous permet de communiquer sur nos valeurs".

Lors de la précédente édition de L’Industrie Magnifique, le cabinet Walter avait collaboré avec l’artiste Paul Flickinger, pour une sculpture intitulée "L’Envol" et évocatrice "des belles histoires que l’on peut écrire entre des personnes et des entreprises". Cela permet aussi à la PME de se démarquer de ses concurrents tout en renforçant les liens avec ses clients au cours de visites guidées et d’évènements spécifiques durant l’exposition publique.

Implication des salariés

Dans la plupart des cas, les artistes ont intégré les entreprises pour animer des ateliers avec les salariés et puiser la matière première pour réaliser leur œuvre. "L’intérêt était de pouvoir faire participer et d’impliquer au maximum les salariés au projet", révèle Jean-Christophe Muller, directeur général des Tanneries Haas (CA : 43 millions d’euros ; plus de 150 collaborateurs). L’entreprise, située à Barr (Bas-Rhin), a pris part aux deux éditions de L’Industrie Magnifique avec l’artiste Bénédicte Bach. "Elle a fait le tour de la tannerie en expliquant son idée, poursuit le dirigeant au sujet de leur dernière collaboration en 2021 qui fut entrecoupée par le confinement. L’engouement a été assez fort et très rapidement une vingtaine de salariés se sont retrouvés autour d’elle, en fin de journée ou les vendredis après-midi, pour un total de plus de 3 500 heures travaillées !"

Créer une dynamique en interne et renforcer la cohésion entre des salariés qui ne se côtoient pas forcément au quotidien, voilà deux axes que retient Benoît Sevin, PDG de Bongard (200 salariés, 71,50 M€ de CA). "Il ne faut pas que ce soit uniquement le délire du patron, précise-t-il. Il faut trouver des pilotes dans l’entreprise qui vont porter le projet. Cela a permis de sortir les salariés de leur zone de confort. Certains font le même travail depuis des années, ils ont complètement changé d’état d’esprit". Des collaborateurs du fabricant de fours et brûleurs, basé à Holtzheim (Bas-Rhin), ont ainsi mis leur savoir-faire en métallurgie au service de l’œuvre, conçue en 2021 par Klaus Stoeber et Odile Liger. Cette première participation, chiffrée à 100 000 euros, avait débouché l’année suivante sur une opération de team building en interne à l’occasion des 100 ans de la société. Les salariés avaient ainsi créé, à leur tour, leurs propres œuvres à partir de rebuts de matériaux. "Cela vaut le coup s’il y a de la répétabilité, cela donne du sens", estime Benoît Sevin qui devrait refaire partie de l’aventure pour cette troisième édition.

Communauté d’entreprises

La manifestation permet aussi aux industriels de faire connaître leurs compétences et de communiquer sur leurs valeurs. "L’Industrie Magnifique véhicule une image de marque haut de gamme, cela nous a permis de montrer notre savoir-faire avec un montage exigeant dans le cadre de l’installation de Stéphanie Lucie-Mathern", explique Johannes Egger, gérant d’Espace Couvert, spécialisé dans la location de chapiteaux et de bâtiments temporaires démontables. En 2021, le binôme avait recouvert la statue de Goethe, située place de l’Université à Strasbourg, d’une imposante bâche pour en faire un "tombeau pour le romantisme allemand". Au total, la PME avait investi 50 000 euros dans cette opération avant de recycler la fameuse bâche en cabas et en sets de table pour ses clients.

Au-delà de cette visibilité, le sentiment d’appartenir à une communauté d’entreprises, où figurent quelques fleurons de l’industrie alsacienne comme Soprema, Hager, Schmidt Groupe ou encore Puma (qui avait fait appel à Richard Orlinski, superstar de l’art contemporain français, pour créer un félin qui trône désormais devant le siège de la marque de sport au cœur du quartier d’affaires du Wacken) a également vu le jour. Tout comme le fait d’exister au sein d’un écosystème plus large englobant élus, collectivités, la CCI Alsace-Eurométropole, l’Adiraou encore l’UIMM.

Renforcer la marque employeur

L’Industrie Magnifique permet aussi aux entreprises de renforcer leur marque employeur notamment pour des PME souvent en proie à des problématiques de recrutement. "Beaucoup d’entreprises B to B, qui ont moins de notoriété, acquièrent une image dynamique en étant exposées au grand public", estime Jean Hansmaennel. Ce que confirme Thierry Potier, DRH de L & L Products (CA : 110 millions d’euros ; plus de 250 salariés) qui fabrique des pièces plastiques et composites pour l’automobile et l’aéronautique à Altorf (Bas-Rhin), deux ans après avoir contribué à la statue lumineuse "Les L du désir" réalisée par le plasticien Benjamin Kiffel. "Toutes les pièces que nous fabriquons sont cachées et n’ont pas de logo, indique Thierry Potier. Notre participation à L’Industrie Magnifique avait trois objectifs : créer un événement en interne pour favoriser la cohésion, renforcer notre ancrage territorial et développer notre attractivité et notre visibilité externe. Sur ce point, il arrive qu’on m’en parle encore lors d’entretiens d’embauche. Le fait d’avoir pu donner une dimension à la fois humaine, territoriale et culturelle à l’entreprise, c’est toujours des points de gagnés".

Encadré

Défiscaliser, mode d’emploi

"L'engagement industriel au côté de L'Industrie Magnifique est fondé sur le principe d'un double mécénat : un mécénat à la fois financier et de compétences et, par ailleurs, un mécénat d'œuvre et d'exposition", rappelle Jean Hansmaennel.

Le mécénat d'œuvre est financé par l'entreprise dans le cadre d'un contrat de commande passé directement avec l'artiste. À l'issue de la collaboration, la création reste la propriété de l'entreprise. Au titre du mécénat pour les œuvres d'art d'artistes vivants, son prix d'acquisition hors taxe est déductible du résultat imposable par fractions égales sur cinq ans, dans la limite de 0,5 % du chiffre d'affaires HT.

"En moyenne, le coût de cette collaboration est de 70 000 euros pour la création d'une œuvre et qui est défiscalisable à 100 %", indique Jean Hansmaennel.

Les entreprises mécènes s'impliquent par ailleurs dans un dispositif de mécénat d'exposition déductible à 60 %. Celui-ci abonde le budget de l'Industrie Magnifique (1 million d'euros pour la prochaine session) et comporte quatre niveaux d'engagement. De 20 000 €, 40 000 €, 80 000 € à 100 000 € sur deux ans, il détermine à la fois la qualité de l'emplacement d'exposition et le niveau de contreparties en termes de communication notamment. Les tickets d'entrée seront les mêmes à Strasbourg, Nancy Metz, Orléans, Lyon et Lausanne.

Enfin, l'adhésion versée au porteur de projet local, de 300 € à 1 000 € (Industrie & Territoires à Strasbourg, Industrie & Territoires Lausanne, Art, science et patrimoine à Orléans, Studio Ganek à Lyon, Super Idée-Minimap à Nancy-Metz), finalise la participation à L'industrie Magnifique.

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