Un peu moins de 13 % de femmes dans le bâtiment en 2022, dont plus de 46 % parmi les employés et les techniciens, 21 % parmi les cadres, et seulement 1,8 % parmi les ouvriers… Les chiffres de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) sont éloquents quant à la faible présence des femmes dans les professions du secteur du bâtiment. Et cela, même si en 20 ans, elle a tout de même progressé pour passer de 8,6 % en 2000 à 12,9 % en 2022.
Une réalité que n’accepte pas Paul Lhotellier, président du groupe de construction Lhotellier (1 700 salariés ; 310 millions d‘euros de chiffre d’affaires), basé à Blangy-sur-Bresle, et qu’il veut changer en commençant par la transformer au sein de son entreprise. Ainsi, depuis 2022, la proportion de femmes salariées au sein du groupe Lhotellier est passée à 15 %, soit 2 points au-dessus de la moyenne nationale : "Nous avons pris un virage vers la féminisation des postes. Nous voulons viser haut avec un objectif, dans l’absolu, de parité des postes masculins et féminins. Même si le chiffre de 50 % n’est pas forcément atteignable dans tous nos métiers. Mais avant d’en arriver là, nous avons fixé un objectif intermédiaire à 30 % de femmes dans nos métiers du bâtiment et des travaux publics. Ce qui pour le groupe Lhotellier représente déjà un doublement de ses effectifs féminins. Notre ambition est de devenir une référence en matière de féminisation des postes dans la profession", souligne le président de Lhotellier.
De nouveaux métiers propices à la féminisation
Les nouveaux métiers de l’eau et de l’énergie sur lesquels le groupe normand s’est positionné, mais aussi ceux du transport, se montrent propices au recrutement de femmes. Présent dans le domaine de l’eau dès 2004 avec sa filiale Hydra (délégation de service public et construction d’ouvrages de gestion des eaux), renforcée en 2022 par l’acquisition du spécialiste de l’eau et de l’assainissement SPEE Service Public, Lhotellier a déjà placé des femmes à des postes d’électromécanicien, à la direction de projets, ou encore à la direction de production et bureau d’études : "L’activité autour de l’eau nécessite moins de travaux de force, et c’est aussi un métier en BtoC où les femmes peuvent également trouver leur place dans la gestion client. Aujourd’hui, dans cette branche d’activité où nous comptons 50 salariés, la moitié sont des femmes", se félicite le dirigeant, qui atteint déjà en ce domaine son objectif de parité.
Le domaine de l’énergie n’est pas en reste en matière de féminisation, avec des femmes présentes dans l’ingénierie du dimensionnement, dans la vente, dans la gestion des contrats, et aussi depuis 2022, à des postes de directrices de pôle ou d’agence. Autre domaine où Lhotellier a également fait bouger les lignes dans son entreprise, celui du transport, au sein de sa filiale Magma Transports, basée à Beuzeville-la-Grenier et spécialisée dans le transport de matériaux vrac à destination des métiers de la construction, mais aussi pour les principaux acteurs du BPE (Béton Prêt à l’Emploi), avec le poste de chauffeur routier ou "chauffeuse de camion" : "J’ai connu une époque où il fallait être très physique pour conduire un camion. Aujourd’hui, le travail qui a été réalisé en matière de pénibilité permet aux femmes de pouvoir conduire sans difficulté un camion", souligne le dirigeant du groupe de BTP.
Des femmes dans tous les secteurs d’activité
Bien sûr, Paul Lhotellier est conscient que ces résultats ne pourront pas être les mêmes dans tous les métiers du bâtiment, notamment parmi les ouvriers. "Il y a certains métiers où il y a clairement une impossibilité physique à exercer pour les femmes, comme lorsque l’on tire des enrobés à la main, ou encore pour exercer le métier de maçon. Il est évident que du côté des chantiers, nous ne pourrons pas atteindre les mêmes objectifs. Mais, il n’y a jamais de fatalité, les femmes sont aussi à leur place sur un chantier de construction. Et ne pas avoir de femmes sur les chantiers devrait être une anomalie aujourd’hui". Et pour avoir le plus de chance possible de pouvoir recruter des femmes sur les chantiers, Lhotellier cherche à se doter des équipements nécessaires au port de charges lourdes, comme des élévateurs, et travaille sur les gestes et les postures à adopter pour limiter la pénibilité. "Et demain, nous pourrons disposer d’exosquelettes qui faciliteront le port de charges", assure le dirigeant. Qui estime aussi que l’allongement de la durée du travail, portée à 64 ans telle que le préconise la dernière réforme des retraites, obligera les entreprises à trouver des solutions en matière de pénibilité et à changer les méthodes de travail "pour que les salariés puissent vieillir dans de bonnes conditions en entreprise".
Discrimination positive à l’embauche
Parmi les quatre objectifs établis dans la raison d’être du groupe Lhotellier, figurent la primauté de la place des hommes et des femmes dans l’entreprise, l’expertise et les savoir-faire, la territorialité et la pérennité de l’entreprise qui a fêté ses 104 ans avec la quatrième génération familiale à sa tête (Paul Lhotellier). Au cœur de cette raison d’être et de la démarche RSE de l’entreprise normande s’inscrit l’accueil du personnel féminin au sein des différents métiers du groupe, avec la volonté d’adopter une démarche de "discrimination positive" (qui consiste à privilégier volontairement des personnes issues de minorités qui ont moins accès à certains emplois ou a l’emploi tout court, NDLR) à l’embauche envers les femmes. "À compétences équivalentes, nous choisirons des femmes plutôt que des hommes", affiche le président de Lhotellier. Un positionnement pleinement assumé par la direction du groupe de BTP. "Nous partons de tellement loin en matière de parité dans nos métiers que nous considérons que c’est notre position présente qui est déséquilibrée. Et que ce n’est qu’en affirmant notre volonté de faire beaucoup mieux, de façon rigoureuse, que nous ferons bouger les lignes".
