Seine-Maritime
Paul Lhotellier : « Avec Troletti, Lhotellier bétonne ses positions à Rouen »
Interview Seine-Maritime # BTP # Reprise

Paul Lhotellier président du groupe de BTP Lhotellier Paul Lhotellier : « Avec Troletti, Lhotellier bétonne ses positions à Rouen »

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Pour ses 100 ans, groupe de BTP normand Lhotellier vient de reprendre un de ses concurrents rouennais, la PME Socore-Troletti. Tout en consolidant ses positions historiques, le groupe accélère son déploiement au Canada et mise sur la technologie, la R&D et les start-up pour assurer son développement.

— Photo : Lhotellier

Lhotellier fête ses 100 ans cette année. Quelle est votre vision du développement de cette entreprise familiale depuis quatre générations ?

Paul Lhotellier : L’entreprise est un organisme vivant qui doit s’adapter à son environnement. Nous ne voulons pas subir notre environnement, c’est pourquoi nous sommes dans une vision dynamique, même si nous sommes centenaires. Le groupe (1 100 collaborateurs en France et 600 en Inde et au Canada pour un chiffre d’affaires de 200 M€ en 2018 et +10 % attendus pour 2019, NDLR) se développe avec des rachats, mais peut aussi se recentrer. Nous avons ainsi cédé, en début d’année, nos activités Environnement à Paprec Group, spécialiste français du recyclage, afin de nous recentrer sur nos métiers historiques du BTP. Nous pouvons également nous saisir d’opportunités, mais toujours dans une vision stratégique pour le groupe, en analysant le marché et l’évolution des besoins. Nous sortons de dix années de difficultés pour les entreprises du bâtiment qui ont beaucoup souffert de la crise. Dix années de frustration pendant lesquelles nous n’avons pas pu réaliser les développements que nous souhaitions, contraints par les difficultés du marché.

Quel est votre plan stratégique ?

P. L. : Nous avons élaboré notre nouveau plan stratégique en 2018 avec trois axes principaux. Le premier consiste à « bétonner » le groupe sur nos métiers et territoires pour devenir incontournables. Le second concerne la notion de mouvement. L’entreprise doit « bouger », ne pas se contenter de reproduire ce qu’elle sait faire et adapter ses prestations aux nouvelles demandes des clients et territoires. Et aussi savoir se remettre en question. Enfin, le dernier axe de ce plan stratégique s’intéresse à l’évolution de nos métiers. C’est pourquoi nous sommes en lien avec des start-up, le monde de l’Éducation, misons sur la R & D, et restons à l’écoute de nos maîtres d’œuvre. Nous avons également la chance d’être présent en Inde et au Canada, ce qui nous apporte une bouffée d’oxygène en matière de process et de nouvelles idées. Mon objectif est clairement d’arriver à créer une entreprise unique, de nous différencier.

Comment est arrivée la reprise de l’entreprise rouennaise Socore-Troletti avec laquelle vous aviez déjà des liens ?

P. L. : Dans l’optique d’une entreprise qui s’adapte et se veut dynamique, nous faisons des rencontres et des projets, mais jamais tout seul. Il y a des accroches avec des organisations qui nous plaisent. C’est ce qui s’est passé avec Socore-Troletti. C’est une entreprise que nous connaissons et suivons depuis vingt ans. Nous avons travaillé et mené des projets ensemble, comme la création en 2005 d’une plateforme de recyclage de matériaux de construction en Seine-Maritime, à Oissel. Nous voulions faire mieux ensemble depuis longtemps, il fallait trouver le bon moment. C’est une acquisition qui procède d’une réflexion stratégique destinée à combler un manque dans notre couverture du territoire régional sur l’agglomération rouennaise, dans les métiers de la voirie ou encore les réseaux. Je n’étais pas présent dans ma capitale normande ! C’était un problème. Avec Socore-Troletti, nous partageons une culture commune du respect des hommes et des territoires et de la parole donnée, ce sont des choses qui nous ont liées. Et après les années difficiles de la crise du bâtiment, Marc-Antoine Troletti, qui avait également eu des problèmes de santé, a souhaité prendre du recul. Impossible pour moi de voir disparaître une entreprise historique du territoire. Surtout que nous étions en mesure chez Lhotellier de permettre à Socore-Troletti de poursuivre son développement avec des capacités nouvelles, tout en pérennisant son activité et l’ensemble de ses emplois (104 salariés, NDLR) car nous avons besoin de ces compétences maison. Socore-Troletti continue à exister mais fait à présent partie du groupe Lhotellier.

Marc-Antoine Troletti conserve-t-il un rôle dans cette nouvelle organisation ?

P. L. : Il ne fait plus parti de l’effectif de l’entreprise Socore-Troletti mais intervient comme consultant sur des missions d’accompagnement commercial et de rayonnement du groupe Lhotellier. Cette notion de rayonnement sur le territoire est très intéressante pour notre développement et Marc-Antoine est très impliqué dans la vie des réseaux et l’animation du territoire (a notamment été président de la Fédération régionale des travaux publics Normandie, président du Rouen Normandie rugby, et aussi président pendant deux mandats de l’INSA Rouen, NDLR). Libéré des contraintes de la gestion d’entreprise, il va pouvoir se consacrer pleinement à ce rôle et contribuer à l’effervescence du territoire.

Quels sont les chantiers à venir pour Lhotellier ?

P. L. : Notre volonté n’est pas forcément de grossir, mais de mieux servir notre territoire dans nos métiers de la construction. Et cela nous ouvre un champ des possibles extraordinaire. Ainsi, début 2020, nous allons lancer une plateforme de nettoyage et de traitements de sols pollués à Alizay, dans l’Eure, capable de traiter 200 000 tonnes par an de sols pollués, et pour laquelle nous avons investi 3,5 millions d’euros. Nous allons également inaugurer, à Alizay, une nouvelle usine de préfabrication de béton, la plus moderne de France, avec là encore un investissement conséquent de 2,5 millions d’euros. Ces investissements correspondent aussi à une vision de notre métier visant à les moderniser. Nous avons une vocation technologique depuis longtemps, c’est pourquoi nous avons investi sur nos bureaux d’études et laboratoires et sur l’intelligence artificielle. Par exemple, sur l’entretien des chaussées, domaine où nous sommes particulièrement performants, nous avons des techniques d’entretien par caméras qui permettent d’analyser les réparations à effectuer. Moderniser nos outils est également pour nous un moyen d’attirer les jeunes vers nos métiers. Ainsi, en 2018, beaucoup des 140 contrats d’embauches signés chez nous l’ont été sous forme de contrats d’alternance.

Allez-vous poursuivre votre développement à l’étranger après l’Inde et le Canada ?

P. L. : Avec l’export, ma volonté était d’oxygéner l’entreprise par des expériences en dehors de notre zone de confort. Je n’ai pas réussi à le faire en Afrique, un continent qui a une culture trop éloignée de la nôtre. Je me suis alors concentré sur deux pays, un à l’Ouest, l’autre à l’Est. Au Canada, nous réalisons des structures en béton et, en Inde, nous travaillons sur le traitement de déchets. Nous travaillons avec des entreprises locales en étant présent au capital des sociétés et sommes très investis sur ces zones en temps et en énergie. (Lhotellier réalise 5 M€ de CA en Inde et 40 M€ de CA au Canada, NDLR). Nous réalisons une joint-venture au Canada qui va nous permettre de doubler de taille. Mais, nous n’avons pas d’autres projets à l’international pour l’instant, nous ne voulons pas nous disperser.

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