L'essor du bio peut-il booster les filières agricoles en Alsace ?
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L'essor du bio peut-il booster les filières agricoles en Alsace ?

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Alors que l'agriculture française traverse l'une des plus graves crises depuis la Seconde Guerre mondiale, la demande en produits bio explose. Le nombre d'hectares engagés en agriculture biologique en Alsace a progressé de 20 % en un an. Le bio, filon pour sortir la tête de l'eau ?

— Photo : Le Journal des Entreprises

L'année 2016 restera marquée par des pertes records pour l'agriculture française, touchée par les aléas climatiques et confrontée à la chute des cours mondiaux, en particulier pour le lait et les céréales. « Dans le Grand Est, première région agricole de France en valeur, les conséquences sont estimées à 3 millions de tonnes non récoltées et 1 milliard d'euros non collecté pour 2016 » indique Pascale Gaillot, présidente de la commission agriculture et forêt au Conseil régional de la Région Grand Est. Une enveloppe de 5 millions d'euros vient ainsi d'être débloquée par la Région pour mettre en place, en concertation avec les organisations professionnelles agricoles, un plan d'urgence à destination des professionnels les plus en difficulté.

Dérouler le volet du bio

Dans ce contexte, un segment semble tirer son épingle du jeu. Aux côtés des productions en conventionnel, la demande des consommateurs pour les produits bio explose. Avec une croissance du marché national des produits bio de 14,7 % en 2015, selon l'Agence bio, ce mode de production a de quoi ouvrir les portes d'une conversion ou assurer un regain de valeur ajoutée pour les producteurs. En Alsace, la dynamique de conversion des exploitations vers l'agriculture bio est accompagnée par le Pôle Conversion Bio Alsace. Cette cellule d'aide technico-économique auprès des producteurs, conjointe à la Chambre d'agriculture et à l'Opaba, l'organisation professionelle de l'agriculture biologique en Alsace, a été créée en 2010.

Et selon l'Observatoire de la production biologique en Alsace, le nombre d'hectares engagés dans l'agriculture bio en 2015 en Alsace était en progression de 40 % par rapport à 2014. Sur le territoire alsacien, 616 fermes sont conduites en bio et représentent, avec plus de 22.000 ha, 6,5 % de la surface agricole utile. « C'est un chiffre encourageant. En effet, d'ici 2020, le programme pluriannuel de développement régional de la bio souhaite porter cette surface à 10 % » souligne Julien Scharsch, président de l'Opaba. Par ailleurs, celui-ci rappelle que le bio peut représenter une manne économique en terme d'emplois. « Dans les fermes bio, nous avons en général besoin de 50 % de main d'oeuvre supplémentaire par rapport à une exploitation conventionnelle ».

Structurer les filières

« En Alsace, la viticulture est la filière la plus représentée dans l'agriculture biologique, suivie par l'élevage bovin pour le lait et la viande. C'est lié notamment à la mise en place de la collecte Biolait dans le sud de l'Alsace. Les grandes cultures enregistrent aussi des taux de conversion intéressants et les coopératives commencent à réfléchir à des débouchés en bio » estime Sophie Delattre, chargée de mission agriculture biologique à la Chambre d'agriculture. Si les taux de conversion pour les fruits et légumes sont constants en Alsace, il s'agit, pour les consommateurs, des produits les plus palpables, à la différence des autres cultures qui passent par l'industrie de la transformation. Ainsi, selon l'Agence bio, 65% des Français consomment des produits bio au moins une fois par mois, les fruits et légumes étant les plus consommés. Pour s'assurer des débouchés et répondre à la demande croissante, la filière a dû se structurer. Un travail mené sur le long terme par les producteurs, accompagnés par l'Opaba. À l'occasion du lancement de la saison des légumes bio d'Alsace en octobre, celle-ci a d'ailleurs lancé une opération séduction auprès des acheteurs de tous les circuits de distribution.

Réseaux de distribution

Si la vente directe représente 43 % de la mise en marché, en tonnage, des légumes bio alsaciens, les grossistes se partagent 35% du tonnage, avec des perspectives de progression à la clé. Ainsi, Charles Francezon, gérant de Scot La Cigogne, coopérative et grossiste bio (CA 2015; 10,5M ? ; 24 personnes) a contribué à structurer la filière dès la fin des années 1980 en Alsace. Celui-ci prévoit une croissance de son activité de l'ordre de 20% pour 2016. Selon lui, « la croissance est continue depuis trois ans et la demande du consommateur est importante. Nous avons développé le marché et créé un appel d'air et des opportunités pour d'autres grossistes ». C'est par exemple le cas pour un nouvel acteur sur le marché alsacien, le sudiste bio Pronatura (CA 2015: 114 millions d'euros ; 180 personnes) implanté à Reichstett depuis l'été 2015, ou encore pour Solibio. Créé à Strasbourg en 2008, (CA 2015 : 1,7 M?; 5 personnes), Solibio, le grossiste 100 % bio, a vu le jour pour répondre à la demande de produits bio dans la restauration hors-domicile, notamment suite à une volonté de la Région Alsace et de la Ville de Strasbourg d'introduire du bio dans les cantines scolaires. Le marché étant concédé par la Ville de Strasbourg à l'Alsacienne de restauration. (CA 2015 : 52 M?; 750 personnes) Solibio a passé une convention avec l'entreprise. Par ailleurs, en plus des magasins spécialisés, Solibio vient d'élargir son réseau de distribution en s'attaquant à la GMS avec le lancement d'une marque en propre de produits bio dédiée à ce circuit de distribution. Avec les magasins spécialisés (8 %), la GMS représente 4 % de la mise en marché en tonnage des légumes bio alsaciens.

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