Les nouvelles tendances du recrutement
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Les nouvelles tendances du recrutement

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Dans un marché de l’emploi où apparaissent de nouvelles tensions, les méthodes de recrutement évoluent. Les salariés deviennent ambassadeurs de leur entreprise, les CV se démodent, les embauches se mutualisent. Tour d’horizon de ces nouvelles pratiques qui bousculent les habitudes.

Les techniques de recrutement évoluent, les entreprises recherchent de plus en plus à aller à la rencontre des candidats, notamment à travers des opérations de job dating où le CV devient accessoire — Photo : Florent Godard

À l'image des bureaux, les méthodes de recrutement aussi se transforment... C’est une petite musique qui se fait entendre de plus en plus fréquemment : trois quarts des PME et des entreprises de taille intermédiaire éprouvent des difficultés de recrutement. Les récents chiffres de Pôle Emploi sont éloquents : les projets de recrutement pour 2018 font un bond de plus de 18 % par rapport à l’an dernier. Mais ces perspectives encourageantes se heurtent une vraie pénurie de candidats, qui concerne la quasi-totalité des secteurs d'activité. L'implantation géographique, l’absence de formations ou le manque d'attractivité de certaines entreprises peuvent expliquer ce phénomène. Mais pas seulement.

Il s’agit de changer de regard sur le recrutement. Marie-Laure Collet, directrice du cabinet de recrutement et conseil en ressources humaines Abaka, implanté à Rennes, Nantes, Vannes et Paris, bouscule les codes : « Les chefs d’entreprise pensent souvent que les choses sont simples : un poste, un cahier des charges, un candidat. Mais quand on veut recruter, on ne met pas uniquement quelqu’un en face d’un cahier des charges. Une entreprise est un organe vivant qui va recruter un individu avec différentes attentes. On est sur des sables mouvants », explique-t-elle.

L’exemple québécois du « keep and attract »

C’est en tournant son regard outre-Atlantique que Franck Gascard, patron de Externatic, un cabinet de recrutement spécialisé dans le domaine informatique à Nantes, Angers et Bordeaux, a trouvé des solutions. En effet, si les secteurs de l’industrie et de la construction sont les plus touchés par la pénurie de main-d’œuvre, le problème se pose aussi de manière aiguë dans le secteur du numérique. « Au Québec, ils ont connu cette pénurie avant nous et ont bouleversé depuis longtemps leur manière de recruter. Ils ont développé l’idée du "keep and attract" ("attraction et fidélisation") : il s’agit de garder ses collaborateurs pour en attirer d’autres. On parle beaucoup de la marque employeur. Mais c’est un peu dépassé ! », explique Franck Gascard.

« Le but, c’est de baser son recrutement sur l’expérience employé : ce sont les collaborateurs qui vont promouvoir l’entreprise parce qu’ils s’y sentent bien et se sentent en cohérence avec ses valeurs. Un employé qui se sent bien dans son boulot est forcément plus performant mais aussi ambassadeur spontané de l’entreprise, de ses produits et services », argumente Stéphanie Lagand, consultante RH chez Externatic, qui a passé neuf ans au Québec.

Oublier le CV

Le recrutement sans CV a aussi le vent en poupe. Il permet aux recruteurs de déceler les meilleurs profils sans éplucher des centaines de CV. Avec des résultats prometteurs à la clé. De nombreuses entreprises ont adopté cette modalité de recrutement avec succès, comme les portails Cadiou Industrie à Locronan (Finistère) ou la conserverie La Belle-iloise, dans le Morbihan. Mais plus largement, il suffit de savoir lire entre les lignes du sacro-saint CV.

« De nombreux chefs d’entreprise ont une lecture monolithique du CV et ne voient pas toujours comment des compétences expérimentées dans un autre domaine peuvent être adaptées à leur propre secteur d’activité. Si l’on prend par exemple le CV d’une femme qui travaillait dans un grand groupe, le patron de PME se dit : le poste est surdimensionné, je ne peux pas la recruter. Mais il se trompe : il faut simplement savoir traduire les compétences d’un candidat en les adaptant à ses besoins », décrypte Marie-Laure Collet, avant d’ajouter : « osez ! Voilà le mot d’ordre ! Derrière les initiales de CV, je mets Compétences et Valeurs et non plus Curriculum Vitae. Il faut examiner ce fameux CV avec une lecture différente, en cherchant les transférabilités. »

Se regrouper

Les difficultés de recrutement se posent d’autant plus pour les emplois saisonniers ou à temps partiel. Pour y faire face, rien de mieux que de se serrer les coudes. À Mulhouse, dans le Grand Est, le groupement d’employeurs Gebosse réunit environ 80 entreprises : PME, TPE, artisans ou même start-up. « Le groupement permet de créer une compétence qui n’existe pas dans l’entreprise, comme une responsable de ressources humaines, par exemple. Ou alors d’apporter un soutien, comme l’apport d’un assistant RH, explique Séverine Chilkowy, directrice de Gebosse. Parfois, les entreprises entre 20 et 150 salariés sont dans un entre-deux et ne sont pas assez importantes pour avoir certaines compétences pilotes. Le groupement d’employeurs est une solution.»

Entre les 80 entreprises adhérentes à Gebosse gravitent une quarantaine de salariés : embauchés à temps plein et en CDI par le groupement, ils exercent au sein de plusieurs entreprises au cours de la semaine. Pas de panique toutefois : « on ne partage pas un salarié au sein d’entreprises qui sont concurrentielles » rassure Séverine Chilkowy. Des entreprises gagnantes et des salariés qui le sont tout autant : « l’embauche est sécurisée par le groupement d’employeurs, qui apporte de la flexibilité au système. Les salariés vont très vite, apprennent très vite. Certaines entreprises ont fait des bonds de croissance car elles ont eu les bonnes compétences au bon moment ! », renchérit Séverine Chilkowy.

Miser sur la formation

Enfin, pour recruter, il faut parfois revenir à la source, en adaptant les formations aux besoins des entreprises. C’est le pari qu’a fait le fabricant lorrain de composants hydrauliques Hydro Leduc, qui a injecté 60 000 euros dans un parc de six machines à commande numérique installées dans un lycée de Lunéville. Une manière pour cette société de recruter plus facilement des techniciens d'usinage dont elle manque. Mais plus globalement, l’heure est au changement d’image et à une autre manière de concevoir la vie dans l’entreprise. « Aujourd’hui, un nouveau rapport de force se crée entre celui qui veut occuper un poste et celui qui offre l’emploi. Ce rapport ne doit plus être descendant ni archaïque. Il faut être conscient de ces changements. Un dirigeant doit même accepter qu’il y ait un turn-over. Pour qu’une entreprise soit saine, il faut qu'il y ait du renouvellement », sourit Marie-Laure Collet.

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