Des "frais de port gratuits à l’international et une livraison à 0,1 euro en France". La promesse est alléchante et fait écho aux pratiques de la plateforme du commerce mondial, Amazon, souvent attaquée par le milieu de la librairie indépendante. Pourtant, Marc Bordier et Emmanuelle Henry, deux anciens salariés du géant américain, aidés de leur associé Robin Mallein (basé à Prague), ont lancé en septembre dernier le site de vente en ligne de livres Lireka sur ce créneau. "Nous sommes la première librairie en ligne à proposer la totalité du catalogue de livres en français, soit un million de titres avec une livraison gratuite à travers le monde", souligne Marc Bordier qui veut adresser les 2 millions de Français expatriés et les 250 millions de francophones. Rien que ça.
Les fondateurs ont observé que le panier moyen des acheteurs à l’étranger est bien supérieur à ce qui s’opère sur le marché domestique. Et ont négocié des tarifs de livraison avec les transporteurs partenaires, Colis Privé et DHL. "Il faut voir la livraison gratuite dans une logique de captation de marché sur le long terme, avec des perspectives paniers plus importants au fil du temps", note le président. Sur les trois premiers mois d’exercice, Lireka revendique déjà des milliers de commandes dont 80 % proviennent de l’étranger. Preuve que le besoin en livres français existe. "À l’exception de la Belgique, de la Suisse et du Canada, très peu de clients disposent d’une librairie francophone près de chez eux", constate Marc Bordier. D’ici la fin de l’année, le dirigeant compte réaliser 5 millions d’euros de chiffre d’affaires uniquement via le site de vente en ligne.
Marges négociées
Un objectif ambitieux comparativement aux 5,3 millions d’euros de revenus générés en 2021 par la librairie Arthaud (CA 2020 : 4,7 M€ ; 32 salariés), reprise en octobre 2020 par le trio d’associés. Plus qu’un simple point de vente, l’adossement à la librairie permet à Lireka de s’appuyer sur les relations commerciales nouées avec les distributeurs, notamment en matière de marges. "Partir avec un acteur déjà connu des diffuseurs et avec des conditions d’achat négociées nous évitait de partir de zéro", note Marc Bordier. Échoppe reconnue de la place grenobloise, la librairie propose 80 000 titres sur 1 250 m² de surface commerciale. Un assortiment important que la direction a enrichi d’un tiers dès leur première année à la tête du magasin.
1,5 million d’euros de capital social
Si la librairie Arthaud conserve son site de vente en ligne pour adresser localement ses clients et capitaliser sur un click & collect en croissance depuis le premier confinement, la complémentarité se justifie aussi sur le plan logistique. Lireka est sur le point de louer un entrepôt de 400 m² à Grenoble intra-muros qui lui permettra de stocker les ouvrages pour les deux canaux de vente et d’y réaliser les expéditions des commandes passées en ligne. Avec 10 salariés actuellement dédiés à Lireka, le patron prévoit le doublement de ses effectifs d’ici fin 2023.
En plus de l’investissement lors du lancement de Lireka avec un capital social de 1,5 million d’euros, la société peut compter sur des technologies numériques propriétaires, développées en interne, lui laissant toute la latitude pour faire évoluer ses outils.
Surtout, cette stratégie globale pourrait amener les associés à développer leur maillage géographique en mettant la main sur d’autres librairies. "À moyen terme, ce peut être un axe de développement", confie Marc Bordier.
