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La filière hydrolienne normande a-t-elle un avenir ?
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La filière hydrolienne normande a-t-elle un avenir ?

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Cherbourg accueille la première usine d’hydroliennes de France. Pleine de promesses, cette filière industrielle reste toutefois fragile et son avenir demeure incertain.

Les hydroliennes utilisent les courants sous-marins pour fournir de l'électricité. Celui du Ras Blanchard, au large de Cherbourg, est l'un des plus puissants d'Europe — Photo : © Naval Energies

« Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère, celle de la phase industrielle de l’énergie marine. » Le message de Karmenu Vella, commissaire européen aux affaires maritimes, à la pêche et l’environnement, lors de l’inauguration de la première usine d’assemblages d’hydroliennes OpenHydro, à Cherbourg en juin dernier, trace la voie à une nouvelle technologie prometteuse. Les industries normandes sont prêtes à relever le défi des énergies marines renouvelables (EMR) et se donnent des moyens pour les lancer.

Avec l’ouverture d’une usine d’assemblages d’hydroliennes à Cherbourg (la première au monde), Naval Énergies (200 salariés en France et Irlande), filiale de Naval Group (ex-DCNS), espère bien voir un démarrage rapide de la filière en France. « Nos hydroliennes ont montré leur efficacité en Écosse, comme au Canada où nous avons raccordé la plus puissante hydrolienne du monde, une Openhydro de 2 MW qui alimentent en électricité des centaines d’habitants de la Nouvelle-Écosse », confirme Laurent Schneider Maunoury, président de Naval Énergies et d’Open Hydro.

L’usine de Cherbourg devrait monter en cadence progressivement, et sera en capacité de produire une hydrolienne de 16 mètres de diamètre toutes les deux semaines, soit une production maximale de 25 turbines par an. « Nos deux premières commandes sont destinées à des clients japonais et canadiens, respectivement Kyuden Mirai Energy et Cap Sharp Tidal. Pour l’heure, une dizaine de salariés ont d’ores et déjà été recrutés. À terme, l’usine pourra employer une quarantaine de personnes », assure Frédéric Lelarge, directeur du site.

Une ferme pilote pour 2020

L'usine OpenHydro de Cherbourg pourra produire 25 hydroliennes par an — Photo : © Naval Energies

Après ses deux premières commandes, OpenHydro espère poursuivre son activité avec l’assemblage des hydroliennes prévues par le projet Normandie Hydro. Porté par EDF Énergies Nouvelles en partenariat avec Naval Énergies, le projet de ferme hydrolienne prévoit l’installation dans le Raz Blanchard (qui possède l’un des courants les plus puissants d’Europe), à 3 km au large de la pointe Nord-Ouest du Cotentin, de sept hydroliennes. Les turbines de 16 mètres de diamètre, installées à une trentaine de mètres de profondeur sur une surface de 28 hectares, fourniront une puissance totale de 14 MW pour fournir en électricité l’équivalent de la consommation de 13 000 personnes. Le projet a rapporté, en 2014, l’appel à manifestations d’intérêt de l’Ademe pour le développement des fermes pilotes hydroliennes. Le budget du projet est estimé à 112 millions d’euros, dont environ 50 millions d’euros de subventions.

Ce parc pilote pourrait être mis en service en 2020 pour une durée de vingt ans et aura pour mission de confirmer la viabilité technico-économique de cette énergie marine dans le but de lancer dans l’avenir des modèles de fermes commerciales.

La filière industrielle hydrolienne est prête à démarrer

Avec un potentiel hydrolien de 3 GW, la France se place au deuxième rang européen pour cette nouvelle technologie. Pourtant, si les feux semblent au vert pour le démarrage d’une filière industrielle d’hydroliennes en France, les projets n’avancent qu’à petits pas et trop lentement au goût des industriels, contrairement au Royaume-Uni, au Canada et au Japon où les projets hydroliens sont en plein développement. « Nous sommes à un tournant décisif des EMR et de la filière hydrolienne. Il est maintenant essentiel que la puissance publique donne l’impulsion nécessaire pour un réel démarrage de cette filière industrielle pour les phases commerciales d’appels d’offres, sinon cette belle aventure technologique mourra avant même d’avoir vécu, alors que nous avons déjà investi des centaines de millions d’euros dans son développement », s’inquiète Laurent Schneider Maunoury. « La course dans le mix énergétique est difficile mais nous sommes fiers d’être des pionniers et en mesure de répondre au défi énergétique de demain. Les acteurs de la filière hydrolienne sont prêts, nous n’attendons plus que de la visibilité sur le marché. » Le président de Naval Energie attend beaucoup de la prochaine programmation pluri-annuelle de l’énergie.

Mais dans les rangs du gouvernement, l’hydrolien apparaît encore comme une énergie très chère. « Les coûts de production des hydroliennes présentées aujourd'hui par les professionnels apparaissent, il faut en convenir, très élevés, même à long terme et même par rapport à l'éolien offshore », a déclaré le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot à l’Assemblée Nationale le 13 juin dernier qui a commandé une étude sur l’hydrolien. Selon les industriels, cette frilosité pourrait tuer une filière pleine de promesses.

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