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Jean Muller, du spatial à l'artisanat avec Passpassion
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Jean Muller, du spatial à l'artisanat avec Passpassion

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Directeur commercial dans le spatial depuis deux décennies, cet ingénieur a tout plaqué, à l’âge de 52 ans, pour créer son entreprise, Passpassion. Elle permet de s'initier aux métiers de l’artisanat avant d’envisager une reconversion professionnelle. Ce concept inédit, qui promeut l’activité manuelle, cartonne.

La tête dans les étoiles, Jean Muller, président de Passpassion, a fondé son entreprise à Toulouse en septembre 2020 — Photo : Raphaëlle Darricau

“Dis papa, tu as fait quoi au bureau aujourd’hui ?” Questionné un jour par le plus jeune de ses six enfants, Jean Muller ne sait trop que répondre. “Hormis lui expliquer que j’avais envoyé des e-mails, travaillé sur une présentation PowerPoint et assisté à une réunion, je n’avais rien fabriqué de concret qu’il puisse vraiment comprendre du haut de ses 6 ans”, se remémore-t-il. Les prémices d’un déclic ? Le jeune quinqua porte alors sur son dos 30 ans de carrière dans le spatial. Ingénieur expert en géolocalisation, il se pique ensuite au jeu du développement commercial chez Airbus (1997-2000), CLS Group (2000-2017) puis Kinéis (2018-2020), start-up pour laquelle il contribue à lever 100 millions d’euros. Ultime prouesse avant de changer d’univers.

Car en secret, Jean Muller rêve depuis lurette d’une aventure entrepreneuriale. La tête dans les étoiles, il le reconnaît, car, au fond de lui-même, et quoiqu’il ait toujours “aimé le risque”, il ne se sait pas prêt. Il fallait, sourit-il, que “les planètes s’alignent.” Elles vont exaucer son vœu. Il y a d’abord la routine d’un boulot qu’il connaît par cœur : stimulation du cerveau au ralenti, éparpillement des tâches et sentiment malgré lui du travail bâclé. En miroir, l’envie pressante d’utiliser ses mains autrement que sur un clavier d’ordinateur. Or, l’esthétique des couteaux le fascine depuis l’enfance, lorsqu’il bâtissait des cabanes dans la forêt, en lisière de la maison familiale à Muret (Haute-Garonne).

Aide à la décision avant une reconversion

Il se met en quête d’un coutelier qui accepterait de l’initier pendant quelques jours. Vaine recherche. Le business developer flaire l’opportunité. L’idée germe de créer une marketplace autour d’une communauté d’artisans qui proposeraient des stages de découverte sur étagère. En septembre 2020, Jean Muller, 52 ans, franchit le Rubicon et fonde Passpassion. ““À ton âge ?”, ai-je entendu autour de moi, se souvient-il. Mais là, j’étais prêt. Je savais sur qui j’allais m’appuyer. J’ai pris un cabinet comptable et un cabinet d’avocats sans lesquels je n’aurais jamais pu m’en sortir. Nous avons créé une boîte sérieuse. De nombreuses start-up se cassent la figure au bout d’un an parce qu’elles manquent de bases.”

Le néo dirigeant remise son carnet d’adresses et repart de zéro. “Je ne connaissais aucun artisan”, souligne-t-il. La Chambre des métiers lui confie une liste. Il parvient à créer 10 stages en 2021 avant les confinements dus au Covid, auxquels Passpassion survit. Dans l’intervalle, l’entreprise affine sa stratégie. “Nous nous sommes aperçus que les gens avaient pris le temps de réfléchir et qu’ils étaient nombreux à avoir envie de redonner du sens à leur job”, explique Jean Muller. À la marketplace initiale, l’entreprise ajoute alors une offre de formations professionnelles, certifiées Qualiopi, et préparatoires aux CAP. Accessibles à tous via le CPF, les OPCO ou France Travail, elles permettent d’envisager une reconversion en s’initiant à un métier artisanal, selon des sessions courant de 5 à 15 jours. “On prend 5 jours de RTT, on essaie un métier et c’est une vraie aide à la décision”, illustre-t-il.

Le slogan de Passpassion : "Révélez-vous !" — Photo : Passpassion

Les retours d’expérience sont excellents. “On ne m’avait jamais dit : “Merci pour votre GPS, M. Muller !””, s’amuse-t-il. Passpassion a organisé plus de 500 stages en 2023, enregistrant un chiffre d’affaires de 600 000 euros. L’entreprise en prévoit 1 500 en 2024 et ambitionne d’atteindre les 10 000 stages d’ici 4 ans. En mars, elle a levé 600 000 euros auprès de business angels, de Bpifrance et du programme de revitalisation des territoires d’Airbus Développement, à travers le Crédit Agricole.

En quête de notoriété

“Ces fonds vont nous permettre d'accroître notre notoriété, d'investir dans notre outil informatique et de nous étendre partout en France, alors que 90 % de nos artisans se trouvent aujourd'hui dans le Sud-Ouest”, détaille-t-il. Forte de 13 collaborateurs (et 30 à 35 à terme), elle siège à Montrabé (Haute-Garonne) mais opère depuis La Cité, à Toulouse.

“Emporté par la croissance de l’entreprise”, Jean Muller ne sait toujours pas fabriquer un couteau. S’il devait suivre un stage aujourd’hui, il opterait même plutôt pour "fleuriste". Ou berger. “Quand nous avons lancé le stage berger, qui était notre premier stage en extérieur, j’étais assez inquiet, confie-t-il. Très courageusement, j’ai envoyé ma femme le suivre. Elle est partie trois jours dans la vallée d’Ossau-Iraty, au Pays basque. J’ai dû aller la chercher parce qu’elle ne voulait plus rentrer.”

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