Rouen
Hydrogène : Verso Energy veut investir 500 millions d’euros à Rouen
Rouen # Production et distribution d'énergie # Investissement industriel

Hydrogène : Verso Energy veut investir 500 millions d’euros à Rouen

S'abonner

La start-up parisienne Verso Energy projette d’injecter 500 millions d’euros pour implanter une unité industrielle de production d’hydrogène bas-carbone et de carburants de synthèse dans l’agglomération rouennaise.

Antoine Huard et Xavier Caitucoli dirigent Verso Energy, une start-up qui veut produire de l’hydrogène près de Rouen — Photo : Verso Energy

Jeune entreprise mais investissement colossal. La start-up Verso Energy projette d’injecter pas moins de 500 millions d’euros près de Rouen pour produire de l’hydrogène ainsi que des carburants de synthèse. Verso Energy a été créée en 2021 par Xavier Caïtucoli, fondateur du groupe Direct Énergie qu’il a revendu en 2018 à Total pour un montant de 2 milliards d’euros, et par Antoine Huard, un polytechnicien qui a notamment dirigé une filiale du producteur d’électricité Générale du Solaire.

Ayant son siège social à Paris, la start-up d’une cinquantaine de salariés porte des projets dans la production d’électricité renouvelable, la production d’hydrogène vert ou encore les carburants de synthèse destinés à faire voler des avions ou avancer des cargos sans émettre de CO2. Elle a à ce jour dévoilé deux de ses projets, l’un en Normandie, l’autre en Moselle où Verso Energy compte investir 450 millions d’euros dans une usine de production d’hydrogène.

Création de 150 emplois directs

Allant être installé sur la zone portuaire de Haropa Port à Grand-Quevilly, le projet rouennais prévoit une production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, pouvant atteindre une capacité de 350 MW, soit un volume de plus de 50 000 tonnes d’hydrogène par an. Il s’accompagnera d’une unité de production de carburants de synthèse à partir de CO2 capté et valorisé.

Prévu pour une mise en service d’ici 2029, le projet hydrogène bas-carbone rouennais de Verso Energy promet la création de 400 emplois, dont 150 emplois directs et 250 emplois indirects.

L’entreprise doit encore boucler son montage financier. Pour l’instant, elle a financé son développement sur fonds propres et par une première levée de fonds. En décembre 2022, Verso Energy a en effet bouclé un tour de table de 50 millions d’euros. L’opération a permis à Eiffel Investment Group (via Eiffel Gaz Vert), à la société de capital-risque AMS Capital (filiale d’AMS Industries) et à Crescendix (la société d’investissement de Xavier Caïtucoli) de renforcer les fonds propres de la start-up.

Pour construire sa future unité de production, Verso Energy a choisi un terrain de 10 hectares appartenant à Haropa Port, situé sur la commune de Grand-Quevilly, à la limite de Petit-Couronne. "Nous entrons dans une phase d’études approfondies. Tout le projet ne tiendra pas forcément sur un seul terrain, mais celui-là est bord à quai et en proximité des gros consommateurs d’énergies comme le site chimique de Borealis, repris par le groupe tchèque Agrofert (site de production d’engrais, NDLR)", détaille Antoine Huard. Une convention en vue de l’implantation de cette nouvelle unité industrielle de production d’hydrogène bas-carbone et de carburants de synthèse a été signée entre Haropa Port et Verso Energy le 22 novembre dernier.

Les raisons de l’implantation à Rouen

Pour les deux fondateurs de Verso Energy, choisir Rouen n’a rien d’un choix dû au hasard, puisqu’ils parient sur la puissance de développement de l’Axe Seine (Paris-Rouen-Le Havre) : "L’Axe Seine est un bassin incontournable pour développer l’hydrogène et les carburants de synthèse, car il y a beaucoup d’industries et un potentiel de clients très important pour l’hydrogène décarboné. C’est aussi un axe de transport fort du Havre à Paris", s’enthousiasme Antoine Huard. Le cofondateur de Verso Energy compte aussi sur une zone industrielle de Rouen qui dispose d’infrastructures existantes pour l’approvisionnement de son futur site en électricité et en eau.

Le 22 novembre, Verso Energy a signé une convention en vue de son implantation rouennaise avec Haropa Port — Photo : JDE

Cette future unité de production s’avère stratégique pour Haropa Port et pour la place portuaire rouennaise. Les ports sont en effet confrontés à de forts enjeux de décarbonation pour lesquels l’hydrogène décarboné devient un levier incontournable. "Nous sommes fiers d’accueillir la future unité de production d’hydrogène décarboné, portée par la société Verso Energy, sur la zone portuaire rouennaise. Ce projet d’envergure confirme que l’axe Seine est la vallée des nouveaux carburants et des nouvelles mobilités", souligne Stéphane Raison, directeur général de Harpa Port.

Avec le projet Verso Energy, Rouen installe ainsi une brique d’importance pour ancrer l’image d’un territoire en pointe sur la décarbonation. "Nous avons déjà des industriels puissants, en pointe sur le sujet avec Renault à Cléon et son projet Ampère (future marque100 % électrique du constructeur au losange, NDLR), et sur le territoire les projets EPR", explique Jean-Yves Heyer, directeur général de l’agence de développement Rouen Normandy Invest.

Produire un hydrogène compétitif

"Notre système fonctionne grâce à l’électrolyse de l’eau", explique Antoine Huard. Produire de l’hydrogène par électrolyse est un procédé nécessitant de faire passer un courant électrique dans de l’eau, pour séparer la molécule H2O en hydrogène et en oxygène. Cette électricité est générée par une centrale électrique alimentée par panneaux photovoltaïques, afin de produire de l’hydrogène qui n’émet pas de CO2. "L’idée est de convaincre les clients d’utiliser de l’hydrogène décarboné plutôt que carboné (hydrogène gris produit à partir d’hydrocarbures, NDLR)", souligne le fondateur de Verso Energy.

De son côté, l’oxygène issu de l’électrolyse devient un produit secondaire pour Verso Energy, mais qui peut également être proposé à la vente : "Notamment aux industriels qui font de la combustion, pour augmenter leur rendement. Mais beaucoup de ces acteurs arrivent déjà à se procurer l’oxygène à bas prix. Alors, si nous n’arrivons pas à la vendre, nous le rejetterons dans l’atmosphère, car bien sûr l’oxygène est non polluant", poursuit Antoine Huard. Avec à l’arrivée une production d’hydrogène essentiellement destinée à la production des carburants de synthèse destinés aux transports aériens et maritimes : "Pour notre unité rouennaise d’hydrogène, le client principal sera Verso Energy elle-même car nous l’utiliserons pour produire les carburants de synthèse. Donc, même si nous ne trouvions pas de clients pour notre hydrogène, nous pourrions faire tourner le site uniquement grâce à la demande en carburants de synthèse de nos clients de l’aérien et du maritime", assure Antoine Huard.

Et pour Verso Energy, le défi n’est pas celui de l’électrolyse, procédé connu et maîtrisé depuis des décennies, mais bien celui de l’industrialisation : "Ce qu’il faut, c’est réussir à industrialiser la production d’hydrogène. La révolution que nous entamons prend place autour du modèle d’affaires que nous mettons en place. Un modèle basé sur la compétitivité et l’industrialisation de la production", développe le dirigeant.

Le territoire rouennais cible prioritaire

La stratégie de développement de l’entreprise repose sur la gestion de l’énergie depuis sa production, jusqu’à sa commercialisation sous forme d’électron, ou de molécule d’hydrogène à des partenaires industriels et de la mobilité. Le tout en combinant différents types d’actifs : centrales de production d’électricité renouvelable, moyens de flexibilité tels que les batteries ou les électrolyseurs, unités de production de molécules de synthèse… "Un modèle de production intégré, mobilisant tous les maillons de la chaîne de valeur, permet d’optimiser la production selon les besoins des clients et les conditions de marché, et ainsi de produire de manière compétitive."

Avec pour cible client principale les industriels de la zone industrielle rouennaise et de l’Axe Seine, dont les aéroports parisiens avec le développement du transport aérien décarboné. "Le projet cible toutes les industries qui peuvent consommer de l’hydrogène, en priorité l’industrie chimique. Mais nous voulons d’abord nous concentrer sur le territoire rouennais car l’hydrogène est un produit difficile à transporter pour l’instant. À plus long terme, on peut imaginer le déploiement de tuyaux de transport par le gestionnaire de réseaux, afin d’amener l’hydrogène produit à Rouen sur tout le bassin de l’Axe Seine".

L’Axe Seine qui comptera peut-être bientôt un second projet développé par Verso Energy implanté, cette fois, sur le territoire havrais, révèle Antoine Huard : "L’évolution des projets fait que celui que nous portons également au Havre s’est développé moins vite. Mais nous continuons son développement".

Rouen # Production et distribution d'énergie # Investissement industriel # Start-up # Implantation