La centrale à charbon Emile-Huchet prend position dans l'hydrogène
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La centrale à charbon Emile-Huchet prend position dans l'hydrogène

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La centrale Emile-Huchet de Saint-Avold, en Moselle, veut devenir un site de production d’hydrogène : pour lancer la dynamique et produire jusqu’à 100 MW en 2025, GazelEnergie, l’exploitant de la centrale, s’est associé à Storengy.

Avec une tranche charbon de 600 MW et deux tranches au gaz de 430 MW, la centrale électrique Émile-Huchet affiche une puissance installée de 1 460 MW — Photo : © Storengy

Poussée à la reconversion par la décision du gouvernement français de fermer les quatre dernières centrales à charbon d’ici à 2022, la centrale Emile-Huchet, en Moselle, vient de faire un pas vers une nouvelle filière, l’hydrogène. Fin octobre, GazelEnergie, filiale du groupe tchèque EPH et exploitant de la centrale, a signé un partenariat avec Storengy (groupe Engie) pour installer dès 2023 une unité de production d’hydrogène par électrolyse, d’une puissance de 5 MW, pour un montant d’investissement d’environ 20 millions d’euros.

Ce projet, baptisé Emil’Hy, n’est que la première phase d’une ambition bien plus vaste : « Nous voulons placer le site de Saint-Avold sur la carte des autoroutes européennes de l’hydrogène », dévoile Antonin Arnoux, responsable du projet Emil’Hy chez GazelEnergie. Cet été, la Commission européenne a dévoilé un gigantesque plan pour porter à 14 % l’hydrogène dans le mix énergétique européen, pour un investissement total qui devrait avoisiner les 400 milliards d’euros. Ces montants seront notamment consacrés à construire un réseau de pipeline, désigné comme une « dorsale », capable d’acheminer l’hydrogène vers des points de consommation.

La mobilité et les industriels

« Sur la dorsale, nous voulons être une vertèbre », explique Antonin Arnoux. Modeste, la première phase du projet Emil’Hy n’en est pas moins importante : « Les ingrédients que nous allons utiliser pour produire de l’hydrogène, c’est de l’eau et de l’électricité », résume Olivier Arthaud, directeur adjoint stratégie et développement chez Storengy. Une technique qui pèse pour l’instant un peu moins de 4 % de la production d’hydrogène au niveau mondial, plus de 90 % du total étant produit en « craquant » des hydrocarbures. « On parle alors d’hydrogène gris », souligne Antonin Artoux. « Mais nous voulons aller vers de l’hydrogène vert, produit grâce à de l’électricité d’origine éolienne ou solaire. »

Les 5 MW produits vont être consommés en partie par une quinzaine de bus, qui desserviront le réseau de la Communauté d’agglomération de Saint-Avold Synergie. « L’enjeu pour nous, c’est de très rapidement sécuriser des blocs de consommation, afin ensuite de pouvoir monter en charge », précise le responsable du projet Emil’Hy chez GazelEnergie. L’énergéticien travaille déjà à convaincre d’autres agglomérations de rouler à l’hydrogène, pour massifier les usages et faire diminuer les coûts face aux énergies fossiles.

Ensuite, viendront les clients industriels : « Nous avons déjà identifié un très gros consommateur : il s’agit de l’usine sidérurgique allemande de Saarstahl, à Dilingen ». Située à une quinzaine de kilomètres au nord de Saint-Avold, l’usine vient de bénéficier d’un investissement de 14 millions d’euros pour pouvoir utiliser de l’hydrogène dans ses hauts fourneaux : l’industriel veut réduire ses émissions de CO2 et aller vers une production « d’acier vert ».

Un stockage pour plus de souplesse

Afin de livrer le sidérurgiste en hydrogène, il faudra construire un pipeline : à ce moment, le projet Emil’Hy sera rentré dans une nouvelle phase, beaucoup plus coûteuse. « Les investissements se compteront en centaine de millions d’euros », souligne Antonin Artoux. Déployée dès 2025, cette phase doit permettre à l’unité de Saint-Avold d’atteindre une production d’hydrogène estimée entre 50 et 100 MW. Le projet devra alors s’imbriquer avec l’initiative MosaHyc, qui vise à faire émerger un « territoire d’hydrogène » entre la France, l’Allemagne et le Luxembourg, porté par deux opérateurs de transport de gaz, GRTgaz et Creos.

Pour sécuriser les approvisionnements en hydrogène des industriels, le projet Emil’Hy prévoit de créer un site de stockage, en s’appuyant sur le site exploité par Storengy à Cerville, en Meurthe-et-Moselle. Dans ces cavités salines, Storengy stocke actuellement 1 500 millions de m3 de gaz. « L’hydrogène est un gaz très léger qui occupe un volume important en condition normale », précise Olivier Arthaud. L’enjeu est de compresser l’hydrogène puis de l’injecter dans le sol, dans des cavités salines, selon une technique similaire à celle utilisée pour le gaz. « Il y a deux ou trois sites de ce type dans le monde », précise le directeur adjoint stratégie et développement de Storengy. En France, le groupe va mettre en service un premier site de stockage souterrain de l’hydrogène à Etrez, dans l’Ain, où la capacité devrait approcher les 100 000 tonnes.

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