Groupe ILP : "L’objectif est fixé par le service public, les modalités sont aux mains des acteurs économiques"
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François Werner président du groupe ILP "L’objectif est fixé par le service public, les modalités sont aux mains des acteurs économiques"

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Revendiquant une gestion rentable, le fonds d’investissement régional groupe ILP s’appuie sur un actionnariat mêlant pour moitié public et privé. Pour le président du groupe ILP, François Werner, c’est cette "géographie de capital", conjuguée à une stratégie résolument tournée vers le développement de l’économie locale qui fait l’intérêt du fonds pour les dirigeants.

Par ailleurs vice-président de la région Grand Est, François Werner est le président du groupe ILP, qui rassemble quatre fonds d’investissement — Photo : Villers-lès-Nancy

Le fonds d’investissement groupe ILP et l’ensemble de ces composantes affichent aujourd’hui 60 millions d’euros sous gestion pour 58 entreprises en portefeuille. Depuis la création du fonds, c’est 557 dossiers pour 155 millions d’euros d’investissement en fonds propres. Quel a été le fil rouge dans ces investissements ?

Depuis notre création il y a 40 ans, tout a changé sauf le fil rouge initial : être un acteur au service du développement du territoire. C’est notre ADN. Et pour être capable d’être cet acteur, nous devons nous financer par le développement de ce territoire. Ce n’est pas du tout contradictoire, c’est-à-dire que la stratégie consiste à investir dans des sociétés qui sont, en général, à une charnière dans leur activité : une transmission, une acquisition, un développement, la recherche de marchés nouveaux… Nous investissons dans la société à ce moment-là, et nous faisons confiance aux dirigeants pour une durée qui n’est pas fixe, ce qui n’est pas le cas de tous les fonds d’investissement. À un moment donné, quand le dirigeant considère que c’est l’heure ou quand nous considérons que c’est l’heure, nous sortons pour réinvestir dans d’autres entreprises.

Et pour faire fonctionner ce modèle, êtes vous restés fidèles au principe d’avoir 50 % d’investisseurs privés, 50 % de capitaux public ?

On peut le dire comme ça, même si l’évolution des statuts des uns et des autres - c’est vrai par exemple pour les banques mutualistes - peut faire évoluer notre actionnariat. En tout cas, notre géographie de capital est restée celle-là, avec un objectif fixé par le service public et des modalités qui sont largement aux mains des acteurs économiques. C’est comme ça que ça marche et si on fait l’inverse, c’est le bazar.

L’univers du Private Equity évolue rapidement, avec des fonds de plus en plus spécialisés ou disposant de capacité d’investissement énorme. Le fait de jouer la carte du territoire est-il toujours porteur aujourd’hui ?

Au quotidien, il nous arrive de souffrir. Il y a eu des périodes où l’eldorado régional a conduit certains fonds plus aventureux que nous, à payer trop cher un certain nombre de tickets. Nous avons regardé ces mouvements, gentiment, nous avons ralenti un peu l’activité pendant quelque temps. Il se trouve que parmi les dirigeants qui ont cédé à ces sirènes, en se disant que leur entreprise valait plus que ce qu’ils pensaient, beaucoup reviennent vers nous aujourd’hui. Finalement, ces investisseurs aventureux sont repartis du territoire, sans les aider, sans leur permettre de trouver des partenaires. La conclusion, c’est que ces dirigeants auraient préféré être achetés moins cher mais avec plus d’apports personnels.

Revendiquez-vous le fait d’être présent dans la gouvernance de l’entreprise ?

Oui, nous le revendiquons. Nous ne sommes pas tout seuls à le faire, ou plus exactement, souvent, nous pouvons le faire avec d’autres investisseurs qui ont d’autres caractéristiques. Certains ont, par exemple, des réseaux internationaux plus développés que le nôtre, mais ce que nous prétendons toujours apporter, c’est ce supplément d’âme.

Vous avez signé cette année un partenariat avec le réseau de business Angels Yeast pour instruire les dossiers en commun. Cette mise en réseau des acteurs du financement du territoire fait-elle aussi partie de vos missions ?

Les investisseurs de Yeast savent faire des investissements plus petits, des investissements plus en amont et donc nous pouvons être complémentaires avec eux, c’est-à-dire avoir une forme de partage du territoire. Mais pour cela, nous devons travailler avec des gens qui partagent notre philosophie. Et c’est le cas de Yeast : un réseau constitué de business Angels, mais qui ont vraiment les deux pieds dans leur territoire.

Pour aller chercher des tickets plus gros, la stratégie du fonds pourrait-elle évoluer pour se décoller du territoire ?

Nous savons faire des co-investissements, y compris avec des fonds qui n’ont pas la même structure que nous. Encore une fois, l’idée est d’aller chercher des gens qui peuvent apporter d’autres caractéristiques à l’entreprise dans laquelle nous investissons. Nous n’excluons pas non plus de pouvoir le faire demain avec les autres fonds régionaux. S’il faut sortir un ticket plus important, c’est par la syndication que nous pouvons le faire.

Sur le sujet de la transition énergétique, faudra-t-il lancer un fonds dédié ?

Je ne suis pas sûr qu’il y ait besoin d’un fonds strictement dédié. C’est un virage des entreprises qui correspond à un investissement de moyen terme, un peu comme nous savons déjà le faire. L’intérêt, là aussi, d’être proche du territoire, c’est qu’il existe beaucoup de soutiens et d’accompagnements publics possibles, notamment par la subvention. Nous n’avons pas de vocation à nous déployer sur des entreprises de production d’énergie par exemple, ou en tout cas pas particulièrement. Ce sujet, c’est la région, demain, avec sa SEM énergies renouvelables qui va permettre de l’accélérer. Quand on est investi dans plusieurs entreprises industrielles, on sait ce que peut représenter une transition énergétique. Et une transition énergétique, pour une entreprise industrielle, ça se pose, ça se modélise, ça s’amortit. Donc, c’est un nouveau défi, mais qui, dans le fonctionnement de l’entreprise, n’est pas si nouveau que cela, notamment dans la façon de le budgéter.

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