Des difficultés de trésorerie, des collaborateurs qui démissionnent, un problème personnel, la routine qui s’installe, une perte de confiance en soi… les étapes qui mènent vers l’isolement sont nombreuses. Mais il est des signes visibles qui ne trompent pas (changement d’attitude, irascibilité, silence, renfermement sur soi…) et traduisent une situation qui peut être réglée dès lors qu'ils sont perçus à temps. C’est toute l’essence d’Entre Head. Début octobre, l’association niçoise réunissait ses membres pour une journée de travail afin d’améliorer encore l’accompagnement de ces dirigeants enfermés dans un isolement potentiellement dangereux. "Nous comptons désormais 75 et 80 aidants dont une soixantaine dans les Alpes-Maritimes", précise Laurent Tissinié, fondateur et président d'Entre Head. "Nous avons aidé 26 dirigeants depuis un an et demi que nous existons. Une quinzaine est dans l’immobilier, les autres sont dans la restauration, le commerce, l’événementiel, les salles de sport… Tout l’enjeu est d’intervenir en amont." Soit avant le burn-out.
"Il y a de la honte"
À la genèse de l’association, il y a l’épreuve traversée en 2014 par Laurent Tissinié, dirigeant dans la gestion immobilière. Une difficulté personnelle, le départ de la moitié de ses effectifs, des clients qui s’éloignent, un chiffre d’affaires qui baisse… tout s’est enchaîné douloureusement jusqu’à ce qu’il finisse par demander de l’aide à des proches et par pouvoir rebondir. La prise de conscience est alors très forte : la parole libère, encore faut-il oser s’en saisir. "Il y a de la honte", explique Christophe Martin, dirigeant associé dans le secteur de l’assainissement, devenu aidant. "On vit comme un échec de ne pas réussir à régler soi-même le problème. Dans ma précédente entreprise qui comptait trois salariés, deux collaboratrices en sont venues aux mains alors que j’étais en congrès loin de Nice. J’avais laissé les choses s’envenimer, le conflit couver. J’ai trouvé une oreille attentive auprès de Laurent, des clés de déverrouillage, des conseils que j’ai suivis, débloquant la situation."
À la tête d’un syndic de copropriété, une dirigeante, devenue aidant elle aussi, préfère taire son identité mais témoigne : "Je n’arrivais plus à faire la différence entre les urgences, le professionnel et le personnel. J’absorbais tout, je ne savais pas dire non. J’ai exposé ma problématique auprès d’Entre Head. Il y avait un psychologue et des chefs d’entreprise. J’ai parlé, vidé mon sac. C’est important d’être écouté et surtout entendu. On m’a donné une ligne de conduite, des clés que j’ai acceptées." "On ne naît pas isolé", appuie un des membres de l’association. "Le seul endroit où on n’est pas seul c’est justement l’entreprise", confirme un autre. "Même dans une TPE, à partir de deux personnes on n’est pas seul. Si on se sent isolé, c’est qu’il y a un problème."
L’accompagnement est totalement gratuit. Afin d’accorder au mieux l’aide aux besoins, Entre Head a créé le portail prévention-entreprises.com, en collaboration avec le Groupement de Prévention Agréé (GPA) 06 et le Centre d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises (CIP 06).
