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Coronavirus - Reggae Sun Ska : « Nous avons le temps de préparer un festival plus responsable »
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Fred Lachaize directeur du Reggae Sun Ska Coronavirus - Reggae Sun Ska : « Nous avons le temps de préparer un festival plus responsable »

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L’édition 2020 du Reggae Sun Ska, organisé à Vertheuil dans le Médoc, a, comme la majorité des gros festivals d’été, été annulée en raison de l’épidémie de Covid-19. Fred Lachaize, directeur du festival imagine l'après-crise et aimerait que la culture retrouve une vraie place dans l'esprit des gouvernants.

— Photo : Reggae Sun Ska

Comment se porte l’entité Reggae Sun Ska (7 salariés permanents, 21 CDD, 88 intermittents et 1,5 M€ de CA), malgré l’annulation de l’édition 2020 ?

Fred Lachaize : Nous avons un genou à terre, tout le monde est au chômage partiel. L’annulation du festival a été logique : 60 % de notre programmation est étrangère. Nous avons constaté en mars l’arrêt brutal des ventes des billets, du jour au lendemain. Nous sommes deux entités à porter le festival : l’association Reggae Sun Ska et la société de production MA Prod, qui organise majoritairement des tournées d’artistes et de groupes. Le festival est autofinancé à 90 %. Pour le reste, les subventions et les financements ont été maintenus, mais nous ne savons pas encore à quelle hauteur ni à quelles conditions.

Comment voyez-vous l’avenir proche ?

Fred Lachaize : Évidemment, mais nous n’avons pas encore d’informations concernant les règlements à appliquer pour l’organisation du festival. Ce n’est d’ailleurs pas notre seule activité : nous réalisons également des disques. L’activité commence à repartir, mais pour le côté « spectacle » et organisations de tournée, tout a été annulé. Du côté de nos partenaires et mécènes, ils sont comme nous : ils ont un genou à terre.

L’avantage, c’est que nous avons le temps de préparer un festival 2021 plus intelligent et plus responsable, en nous tournant vers le local. C’est un des enseignements que nous devons tirer de cette période : recommencer à penser à ce qui nous entoure. Le Département de la Gironde a acquis le domaine de Vertheuil [où se déroule le festival, NDLR] pour en faire un domaine spécialisé dans le spectacle. C’est un aménagement qui peut être durable pour nous.

En attendant, avez-vous imaginé des solutions pour votre organisation, plus digitales par exemple ?

Fred Lachaize : C’est possible, mais ce n’est pas la même chose en termes de budget. Entre financer un festival et financer un concert sur Zoom [logiciel de visioconférence, NDLR] pour cent personnes, même si nous sommes en train de le développer, c’est impossible à l’échelle du Sun Ska. Un festival, c’est un écosystème très social. On vient pour partager une expérience. Ce que je vois en ce moment est effrayant : on s’isole, on voit partout d’énormes dispositifs de sécurité.

Vous évoquiez le fait que votre programmation soit essentiellement internationale. Est-il envisageable pour vous de vous orienter davantage vers la scène française quitte à avoir moins de têtes d’affiche ?

Fred Lachaize : Ce n’est pas du tout la même manne économique si nous programmons beaucoup de petits artistes, même si cela représente de plus petits cachets. Un concert sans tête d’affiche attirera moins de monde. Même si nous tenons à mettre en valeur nos artistes locaux, un festival de cette envergure ne peut pas se tenir sans tête d’affiche.

Cela dit, il faut être malin et attendre : certains artistes français ont déjà annoncé des tournées pour 2021. Mais, par exemple chez les Américains, personne n’a annoncé quoi que ce soit avant 2022. Je peux le comprendre : quand un artiste voyage, il est forcément exposé, il ne doit surtout pas prendre de risques. Nous faisons donc le dos rond et espérons avoir relevé la tête d’ici 2021, malgré beaucoup d’inconnues et une absence totale de positionnement concret de la part du gouvernement quant à l’organisation de concerts.

Comment percevez-vous l’engagement du gouvernement vis-à-vis de la culture ?

Fred Lachaize : Je trouve qu’il y a un cafouillage total sur le sujet de la culture, secteur qui représente 2 % de l’économie française et 45 milliards sur l’année. Pour renflouer les multinationales et le tourisme, c’est allé beaucoup plus vite et plus loin. La culture a eu un plan de 50 millions là où le tourisme en a eu 18 milliards. Il y a deux poids deux mesures. Quand je vois que les concerts et festivals sont annulés mais qu’on rouvre le Puy du Fou le 2 juin, je ne comprends pas. Une fois de plus, la culture est le parent pauvre de la situation.

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