Nantes
Coronavirus : à Nantes, le muguet perd ses clochettes
Nantes # Agriculture

Coronavirus : à Nantes, le muguet perd ses clochettes

S'abonner

Le bassin nantais concentre 85 % de la production de muguet en France. Et alors que le chiffre d’affaires de la filière est d’environ 30 millions d’euros habituellement, il devrait péniblement atteindre les 10 millions cette année. Faute de débouchés, les producteurs se retrouvent avec 70 % de leur production sur les bras.

— Photo : CC0

« Nous n’avons cueilli que 30 à 40 % de notre production de muguet. Au lieu de 300 saisonniers, nous en avons recruté 130 cette année. » Pour Fabrice Durand, responsable administratif de Placier Productions, comme pour ses confrères, la pilule est dure à avaler. Le producteur de muguet de 47 salariés, basé à Mauves-sur-Loire (44) fait partie des sociétés du bassin nantais qui concentrent 85 % de la production nationale de muguet. Et alors que le chiffre d’affaires de la filière s’établit habituellement à 30 millions d’euros dans la région, il devrait péniblement atteindre les 10 millions cette année. « Les producteurs n’ont récolté que ce qu’ils étaient certains de vendre », précise Patrick Verron, conseiller technique pour le comité départemental de développement maraîcher.

« 70 % du muguet restera sur les parcelles cette année »

D’ordinaire, près de 7 000 saisonniers s’affairent pendant 10 jours pour récolter les quelque 60 millions de brins cultivés près de Nantes. Cette année, à peine 1 500 personnes se sont déplacées du mardi 14 au samedi 18 avril, pour seulement quatre jours de récolte. « 70 % du muguet restera sur les parcelles cette année. Au maximum, les producteurs ont récolté 30 à 40 % de leur production », estime le conseiller technique.

30 à 35 % de demande en moins en grandes surfaces

La raison ? Le muguet est normalement distribué à 50 % par les grandes et moyennes surfaces, à 30 % chez les fleuristes mais également via les jardineries, les grossistes ou les mandataires de Rungis. « Cette année, la grande distribution a diminué ses commandes de 30 à 35 %. Sans doute parce qu’elle estime que les Français n’auront pas le cœur à acheter du muguet », éclaire Patrick Verron. En parallèle, les fleuristes, jardineries et autres circuits de distribution resteront, pour la plupart, fermés le 1er mai. « Nous, nous travaillons d’ordinaire à 85 % pour les fleuristes. Nous n’avons pu vendre que 20 % de notre production à la grande distribution », témoigne le producteur de muguet Eric Harrouet, qui dirige la holding Erifine (15 M€ de CA, 50 salariés), à Saint-Julien-de-Concelles (44). D’autres producteurs travaillent en majorité avec la grande distribution ou avec des grossistes.

la cueillette du muguet s'effectue à la mi-avril — Photo : CC by Rhym

Placier Productions, qui réalise 25 à 30 % de son chiffre d’affaires grâce au muguet, vend d’ordinaire ses clochettes à des grossistes et des fleuristes, en France, et un peu en Belgique. « Nous devrions réussir à commercialiser le muguet que l’on a récolté », estime le responsable administratif de la société. Notamment grâce à certaines jardineries ouvertes et aux initiatives de quelques fleuristes. « Certains s’organisent pour mettre en place des drives. Le marché s’anime depuis quelques jours », assure Fabrice Durand. Jusqu’au jour de la fête du travail, la filière reste donc dans l’incertitude. « Nous ne sommes pas encore fixés, les choses bougent tous les jours », poursuit le responsable administratif.

La vente à la sauvette interdite

La vente à la sauvette sera toutefois impossible. « Elle est totalement interdite sur le territoire national », a annoncé le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, mardi 21 avril.

« Les brins seront acheminés vers les hôpitaux d’Île de France et de l’Est, pour récompenser les soignants »

Et si le ministre a indiqué que les boulangers, bouchers ou buralistes seraient autorisés à vendre des clochettes, pour les acteurs de la filière l’annonce arrive beaucoup trop tard. « Il aurait fallu que l’annonce soit faite deux semaines plus tôt pour laisser le temps à la filière de s’organiser. Le muguet était, en plus, en avance cette année », explique Patrick Verron.

Un site web pour offrir du muguet aux soignants

Les producteurs de muguet autour de Nantes sont tous maraîchers. Ils cultivent mâches, salades et autres légumes. La culture de clochettes représente 10 à 25 % de leur chiffre d’affaires. « La vente de légumes a été compliquée au début du confinement notamment à cause de la fermeture des marchés mais les maraîchers ont réagi vite, raconte Patrick Verron. Ils ont créé des systèmes de vente de paniers par exemple, désormais, les légumes ne se vendent pas trop mal. » Cela devrait donc compenser une partie des pertes du muguet.

Et pour limiter davantage la casse, certains maraîchers ont imaginé d’autres solutions. À Saint-Julien-de-Concelles, le producteur Eric Harrouet a fait le pari de récolter la totalité de sa production, bien qu’il n’ait vendu que 20 % de ses clochettes à la grande distribution. Son idée : créer une plateforme en ligne appelée « un brin de solidarité » permettant d’acheter du muguet pour les services hospitaliers. « Les brins seront principalement acheminés vers les hôpitaux d’Île de France et de l’Est, pour récompenser les soignants », précise le gérant qui souhaite également reverser 10 % de son chiffre d’affaires à la fondation de France pour la recherche.

Nantes # Agriculture