Conflit Russie-Ukraine : la CCI liste les conséquences sur l'économie des Hauts-de-France
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Conflit Russie-Ukraine : la CCI liste les conséquences sur l'économie des Hauts-de-France

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Alors que l'économie des Hauts-de-France, à peine sortie de la crise du Covid, semblait amorcer sa reprise, elle pourrait subir un nouveau coup de frein lié à la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Si quelque 170 entreprises régionales sont directement concernées par le conflit en raison des échanges commerciaux réalisés avec ces deux pays, les conséquences s'annoncent bien plus vastes.

"En Ukraine, les entreprises essaient de travailler tant bien que mal, là où c'est possible, même au ralenti, souligne la CCI Hauts-de-France (en photo, opération anti-terroriste dans l'Est de l'Ukraine en septembre 2015) — Photo : Ministry of Defense of Ukraine - CC BY-SA 2.0

Depuis quelques années, une crise chasse l’autre. Encore marquée par le Brexit, la région Hauts-de-France est à peine sortie de la crise du Covid qu’elle doit en affronter une autre, celle de la guerre en Ukraine. "Imaginez le besoin de résilience des entreprises avec ces crises qui se succèdent les unes après les autres", commente Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France. Dans le cadre de son rendez-vous annuel "Les Rencontres Régionales de l’Économie", l’organisme consulaire vient de dresser un premier tableau des possibles conséquences économiques de ce conflit pour la région.

170 entreprises régionales directement concernées

Dans les Hauts-de-France, près de 170 entreprises sont directement concernées par ce conflit, en raison des échanges commerciaux réalisés avec l’Ukraine et la Russie. L’Ukraine représente le 43e pays d’export des Hauts-de-France (0,3 % des exportations) et le 51e pays d’import (0,2 % des importations). "En Ukraine, les entreprises essaient de travailler tant bien que mal, là où c’est possible, même au ralenti, souligne Étienne Mourmant, trésorier de la CCI régionale. Il y a encore Internet et de l’électricité, mais si ça venait à être coupé, les choses seraient bien plus difficiles pour les entreprises".

La Russie pèse davantage dans les relations commerciales, puisqu’elle est le 13e pays d’export des Hauts-de-France (1,2 % des exportations) et le 11e pays d’import (2,5 % des importations). La région affiche quelques dépendances fortes dans ses échanges avec la Russie, qui représente 24 % de ses importations de produits pétroliers, 40 % des importations d’hydrocarbures, 28 % des importations de houille. Plusieurs conséquences sont d’ores et déjà redoutées : la remise en cause de projets de développement pour les entreprises implantées dans ces deux pays, l’arrêt de production possible pour les entreprises françaises, la restriction des exportations… Sans oublier le risque financier et commercial lié à l’exclusion des banques russes du système Swift : "Un nombre important d’entreprises françaises risque d’avoir des problèmes pour exporter en Russie, car il leur sera plus difficile d’être payé", souligne la CCI.

Hausse des prix des fournisseurs en perspective

Il ne faut pas non plus sous-estimer les conséquences pour les entreprises qui n’ont pas de relations commerciales directes avec ces deux pays. En première ligne se trouvent notamment les artisans régionaux, qui s’attendent à une hausse considérable des prix de leurs fournisseurs, qu’il ne sera pas possible de répercuter face à une consommation menacée de ralentir. "Cette hausse côté fournisseurs et l’incapacité à jouer sur l’offre vont se traduire dans dix mois par des entreprises régionales qui ne seront plus rentables et donc en difficulté", commente Laurent Rigaud, président de la Chambre de métiers et de l'artisanat des Hauts-de-France.

Cette guerre aura aussi un impact sur l’agriculture régionale : 43 % des engrais azotés utilisés en Europe viennent de ces pays de l’Est. L’Ukraine est par ailleurs un gros pourvoyeur de tourteaux, particulièrement utilisés en alimentation animale. Les prix de ces produits vont monter, venant grever des conditions de production pour les agriculteurs déjà compliquées par une mauvaise météo, des charges qui augmentent et qu’il est difficile de répercuter dans les prix pratiqués par la grande distribution.

Une année 2022 qui s'annonçait en croissance

Cette nouvelle crise est d’autant plus marquante qu’elle intervient dans un contexte de reprise. Malgré certains freins pour les entreprises, comme la hausse des prix des matières premières, les difficultés d’approvisionnement, l’inflation ou encore l’incertitude sur la poursuite des mesures sanitaires, l’année 2022 aurait dû être marquée par le retour de la croissance et, surtout, de la confiance. "Toutes choses étant égales par ailleurs, les prévisions annonçaient le retour dans quelques mois de la croissance que l’on aurait eue sans cette crise sanitaire", commente Kathie Werquin-Wattebled, directrice régionale de la Banque de France.

Avant le conflit ukrainien, les indicateurs étaient au vert dans la région : fin 2021, le nombre d’emplois ou d’entreprises créées était en hausse, et les défaillances d’entreprises en baisse… "Les entreprises régionales interrogées nous annonçaient globalement une hausse de leur chiffre d’affaires de 8 % pour 2022", ajoute Kathie Werquin-Wattebled. Si la partie n’était pas encore gagnée pour l’économie régionale post-Covid, il est certain que "cette guerre portera un coup dur à la confiance des entreprises et des ménages, à un moment où la reprise s’annonçait bien".

Des mesures de soutien lancées par la CCI

Face à ce possible coup d’arrêt, la CCI Hauts-de-France met en place une "task force". En ce début mars, elle réactive la plateforme téléphonique lancée durant la crise sanitaire. "Nous allons contacter les 170 entreprises concernées par le conflit, résume le président de la CCI, les sensibiliser à la cybersécurité car il y a un risque, leur donner les moyens de se défendre et enfin, les informer sur toutes les aides à leur disposition. L’État prépare notamment des mesures d’aides aux entreprises directement touchées par cette guerre".

Par ailleurs, la CCI organise également une opération de solidarité pour les Ukrainiens, appelant les entreprises régionales aux dons de produits, alimentaires ou non. L’organisme consulaire va leur faire parvenir un questionnaire sur la nature possible de leurs dons et les quantités. La CCI discute avec des logisticiens pour stocker ces dons dans des entrepôts régionaux, avant de les acheminer en Ukraine, par l’intermédiaire d’associations.

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