Comment Leroux entend dépoussiérer l'image de la chicorée 
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Comment Leroux entend dépoussiérer l'image de la chicorée 

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Productrice de chicorée depuis plus de 160 ans, l’entreprise Leroux, basée à Orchies dans le Nord, entend remettre son produit star au goût du jour. La PME repense sa gamme de produits et revoit sa communication pour toucher une clientèle en quête d’aliments naturels, sains et locaux.

Olivier Hermand préside depuis 2006 le groupe familial nordiste Leroux, premier producteur français de chicorée, auquel il entend donner une nouvelle impulsion — Photo : Leroux

Ringarde, la chicorée ? Bien au contraire, elle n’a jamais été autant dans l’air du temps, assure Leroux, principal producteur en France de cette boisson issue d’une racine cousine de la betterave. Fondée en 1858 à Orchies (Nord), l’entreprise familiale (30 M€ de CA, 110 salariés) repense sa gamme de produits et sa communication pour rajeunir son public. Et donner à la chicorée une autre image que celle des petits-déjeuners chez mamie.

Surtout, Olivier Hermand, le président de Leroux, et ses équipes entendent bien mettre en lumière les atouts de leur produit, qui répond à de nombreuses attentes des consommateurs contemporains. "Si vous regardez les linéaires petit-déjeuner des grandes surfaces, la chicorée est le seul produit qui peut se revendiquer 100 % local au milieu du thé, du café, du chocolat", pointe le président du groupe. "Leroux travaille avec 200 cultivateurs, qui sont tous situés entre le Nord et la Somme. Nos planteurs sont des partenaires, à qui nous garantissons une rémunération intéressante. Et nous les accompagnons, lorsqu’ils le souhaitent, dans leur transition vers le bio."

20 % de croissance sur le bio

Développer sa gamme de produits bio est en effet un axe fort de progression pour Leroux. Déjà présent depuis une vingtaine d’années, en marque distributeur, dans les épiceries spécialisées bio, le groupe veut conquérir une nouvelle place dans les grandes surfaces traditionnelles, en proposant du bio à ses couleurs. "Le cahier des charges des réseaux spécialisés en bio nous interdit de vendre nos produits sous marque Leroux. Il n’en reste pas moins que la collaboration avec ces enseignes, depuis vingt ans, s’est révélée très fructueuse, et qu’elles nous considèrent, et en particulier nos planteurs, avec beaucoup de respect", reconnaît Olivier Hermand. "Ces valeurs nous donnent envie d’étendre encore nos collaborations avec elles."

En parallèle, depuis 2018, quatre références de chicorée Leroux Bio ont fait leur entrée dans les rayons de la grande distribution, sous forme soluble et liquide.

Jusqu’à l’arrivée de la dernière nouveauté, cette année : des grains à infuser directement dans de l’eau ou du lait chaud. "Paradoxalement, on revient à l’un des premiers modes de consommation de la chicorée, l'infusion des grains dans de l’eau, qui servait ensuite à la préparation du café. C'est par commodité que l'on est ensuite passé à des produits tous prêts, solubles, puis liquides", retrace Olivier Hermand. "Aujourd’hui, la tendance est aux produits les moins transformés possible. Nos grains bio sont juste torréfiés et permettent de redécouvrir les arômes caramélisés et les propriétés de la chicorée."

Sur les 30 millions d’euros de chiffre d’affaires de Leroux, 20 millions sont réalisés grâce aux produits en marque distributeur, en bio et conventionnel, et à la fourniture de chicorée brute de séchoir à des industriels. Sur les 10 millions d’euros réalisés en marque propre, 10 % sont désormais dégagés par le bio. Pour nourrir les 20 % à 25 % de croissance annuelle de ce segment, le groupe accroît peu à peu la surface cultivée en bio chez sa vingtaine d’agriculteurs partenaires, qui lui fournissent annuellement 4 000 tonnes de chicorée bio. Ses 195 planteurs conventionnels lui fournissent, eux, 70 000 tonnes par an. Soit, après séchage, 20 000 tonnes de produit brut, dont 11 000 sont torréfiées et transformées chaque année au sein de l’usine d’Orchies. Le restant est vendu tel quel.

Redynamiser une marque patrimoniale

Au-delà de ce repositionnement sur le bio, Leroux retravaille l’ensemble de sa gamme pour redynamiser une marque chargée d’histoire. Une entreprise qui passe par une communication modernisée, sur les réseaux sociaux, permettant à la fois d’animer une communauté "d’addicts" et de toucher une nouvelle cible avec pédagogie, pour faire redécouvrir le produit et ses modes de préparation. Mais aussi de mettre en avant ses qualités "santé" : entièrement naturelle, sans caféine, sans gluten, riche en fibres, végétale, locale, etc. Reste encore à imposer la chicorée consommée seule, comme une alternative plutôt qu’un adjuvant au café, au public français.

"Aujourd’hui, nous sommes présents dans toutes les grandes surfaces de France. Nous travaillons pour conserver notre présence dans les rayonnages, face à la concurrence assez écrasante du café. Mais nous avons la chance d’avoir des consommateurs très fidèles, qui réclament nos produits. Nous allons continuer à étendre notre gamme en étant à l’écoute des tendances de consommation. Cela passera par de nouvelles recettes, en visant toujours la moindre transformation, mais aussi par une recherche sur le packaging, avec des recharges souples par exemple. Là encore, c’est une façon de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs", détaille Olivier Hermand.

Réactiver des marchés à l’international

Très associée à un imaginaire nordiste, la chicorée est en réalité consommée dans toute la France, en particulier dans l’Ouest. Elle est également très appréciée en Belgique, mais pas seulement. Leroux exporte sa production, sous différentes formes, dans une cinquantaine de pays dans le monde et réalise 42 % de son chiffre d’affaires à l’international. En Espagne, la chicorée vient ainsi quasiment systématiquement remplacer le café, sur recommandation médicale, chez les plus de cinquante ans. L’Afrique de l’Ouest en consomme également beaucoup, en particulier le Burkina Faso et le Mali, et Leroux enregistre dans ces régions des croissances à deux chiffres depuis plusieurs années. "Nous travaillons avec nos partenaires à l’export pour gagner de nouveaux consommateurs sur les marchés où nous sommes déjà présents. Pour le moment, la gamme bio n’est commercialisée qu’en France et un peu en Belgique, mais il n’est pas exclu de la proposer un jour à l’étranger. Nous avons également des marchés en BtoB, avec des industriels qui intègrent notre chicorée à leurs préparations, notamment aux États-Unis. Et nous comptons des clients en Asie, au Japon où nous sommes assez présents, comme en Corée", énumère le président du groupe.

Enfin, Leroux se relance sur un marché qu’elle avait délaissé, celui de l’alimentation animale. La chicorée, de par les fibres et l’inuline qu’elle contient, est intéressante pour la santé digestive des animaux de compagnie comme du bétail. Le groupe vend donc de la chicorée séchée à plusieurs industriels du secteur, qui l’incluent dans leurs préparations destinées à la nutrition animale. Il a ainsi vendu 4 000 tonnes de produit brut cette année, et prévoit une croissance de 20 % par an sur ce marché.

"Il y a vingt ans, il y avait eu un emballement des industriels sur la chicorée, un peu retombé depuis. Et de notre côté, nous avons préféré nous concentrer sur l’alimentation humaine. Aujourd’hui, de nouvelles études sont venues confirmer les qualités de la chicorée, et le marché de la petfood est à nouveau très dynamique. Nous y nourrissons de nouvelles ambitions, qui se concrétisent avec certains gros acteurs internationaux, et pourraient déboucher sur d’importants contrats", se projette Olivier Hermand.

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