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Comment le lillois 52 Entertainment est devenu leader mondial du bridge en ligne
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Comment le lillois 52 Entertainment est devenu leader mondial du bridge en ligne

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Dirigée depuis 2018 par Olivier Comte, la société lilloise 52 Entertainment s'est imposée en l'espace de deux ans comme le leader mondial du bridge en ligne. Une première étape dans le développement de cette société qui vise les 100 millions d'euros de chiffre d'affaires d'ici 2022.

Avec seulement 5 à 10 % des joueurs de bridge qui jouent aujourd'hui en ligne, le potentiel de croissance du bridge en ligne, marché sur lequel évolue l'entreprise lilloise 52 Entertainment dirigée par Olivier Comte, est grand — Photo : Elodie Oliveira

C’est avec cette discrétion propre aux entreprises nordistes que la société lilloise 52 Entertainment s’est récemment imposée comme le leader mondial du bridge en ligne. « Si nous comptons déjà parmi les acteurs importants dans le monde, c’est parce que dans les faits, nous sommes peu nombreux sur ce marché », tempère le dirigeant, Olivier Comte. Ce qui n’enlève rien à la forte croissance affichée par cette entreprise, qui opère cinq plateformes de bridge en ligne. Employant 140 salariés, 52 Entertainment compte terminer l’année 2020 avec un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, contre 17 millions d’euros en 2019. « L’objectif est de dépasser les 100 millions d’euros d’ici deux ans », annonce d’ores et déjà le dirigeant.

La naissance d’un champion mondial

L’aventure démarre en 2018 quand Olivier Comte prend la direction de cette société née 18 ans plus tôt, à Hem (Nord), sous le nom de Goto Games. Celle-ci affiche alors un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros, avec 20 salariés. « Au démarrage, Goto Games faisait du software (logiciel, NDLR) et des jeux. Il y a 15 ans, elle a développé une petite activité autour du bridge, car le dirigeant et un salarié s’y intéressaient ». C’est ainsi qu’est lancé Goto Bridge, un petit logiciel de jeu de cartes sur ordinateur, qui évoluera pour devenir Funbridge.com en 2002. Cette plateforme, qui permet de jouer au bridge en ligne contre une intelligence artificielle, va rapidement s’imposer comme le produit phare de Goto Games avant de devenir, bien des années plus tard, l’un des piliers de 52 Entertainment.

En 2016, Goto Games est rachetée par le fonds d’investissement français HLD (CA cumulé : 2 Md€, 17 000 salariés). Dirigé par Jean-Bernard Lafonta, ce fonds compte également parmi ses participations l’entreprise nordiste Kiloutou. « HLD s’est retrouvé un peu par hasard avec Goto Games, une très petite entreprise pour son portefeuille. Il a pris contact avec moi en 2018, pour savoir si l’aventure m’intéressait », raconte Olivier Comte, qui a notamment occupé le poste de directeur général du studio roubaisien Ankama, connu pour son jeu vidéo Dofus. « J’ai trouvé ce projet intéressant mais trop petit », poursuit Olivier Comte. Pour lui donner de l’envergure, il se tourne avec HLD vers l’acteur américain BBO, dont la taille est un peu plus importante. Leur volonté est de faire l’acquisition de cette société concurrente, qui compte Bill Gates parmi ses actionnaires. « Le rapprochement de deux petites entreprises ne donne pas un géant comme Google, mais une taille critique suffisante sur le marché du bridge en ligne. On a donné naissance à un champion mondial, basé dans le Nord, à Villeneuve-d’Ascq », résume le dirigeant, d’ailleurs présent au capital de 52 Entertainment.

Une croissance à 40 % organique en 2019

52 Entertainment rassemble désormais quatre plateformes de jeux de bridge en ligne : Funbrigde.com (Europe, lancée en 2002), BBO (États-Unis, acquise en 2018), Chine Bridge Online (lancée fin 2019) et Great Game Products (États-Unis, acquise en 2020). Pour sécuriser sa position de leader, Olivier Comte a fait le choix de créer un véritable écosystème dans ce domaine. « Je crois énormément aux communautés de passionnés », souligne-t-il. En plus des plateformes de jeux qu’elle opère, 52 Entertainment a donc fait l’acquisition d’une maison d’édition et d’un magazine, tous les deux dédiés au bridge. Une manière de résister aux nouveaux concurrents tentés par ce marché.

Sur l’année 2019, 52 Entertainment a réalisé 40 % de croissance organique, les 60 % restants ayant été générés par les différentes acquisitions. En 2020, en revanche, « la croissance sera essentiellement organique », précise Olivier Comte, même si l’entreprise a signé courant septembre le rachat d’une autre société américaine spécialisée dans le bridge en ligne, Great Game Products, et de son produit phare Bridge Baron. Le dirigeant compte également boucler trois autres acquisitions d’ici fin décembre, sans donner davantage de précisions sur la nature des entreprises ciblées, ni sur leur localisation.

De belles perspectives pour le bridge en ligne

Même si le bridge est un jeu de cartes avant tout pratiqué par les seniors, le potentiel de développement de 52 Entertainment est important, selon Olivier Comte. « L’image véhiculée est souvent celle d’un bridgeur âgé. Certains affirment que le nombre de joueurs de bridge est en décroissance et d’autres, qu’il est stable… Quoi qu’il en soit, la part des gens qui jouent en ligne est encore relativement faible, cela représente 5 à 10 % des joueurs de bridge. C’est donc un marché en croissance de ce point de vue là », analyse-t-il. L’entreprise rassemble actuellement deux millions de joueurs par mois et 600 000 au quotidien. Une communauté qu’elle compte bien élargir.

Et cette année, la pratique du bridge en ligne a connu un véritable essor lors du confinement lié à la crise sanitaire du coronavirus. « Cela a constitué un fantastique accélérateur du digital », se réjouit le dirigeant. Une pratique virtuelle qui offre plus de souplesse aux joueurs. « Le bridge se joue habituellement en clubs, ce qui prend du temps au quotidien », note Olivier Comte. Et le terrain de jeu est vaste car le bridge est « un jeu universel, avec une fédération internationale reconnue par le comité olympique ». D’ailleurs, 52 Entertainment mise également sur l’Asie : « Le bridge est très joué en Chine, par une population plus jeune car il est enseigné dans les écoles et universités. Nous avions d’ailleurs prévu d’accélérer en Chine cette année mais, en raison de la crise sanitaire, nous avons préféré renforcer notre activité actuelle. »

Dupliquer le modèle vers d’autres jeux d’esprit

Tout en continuant à se développer sur le bridge, 52 Entertainment veut lancer d'autres jeux d'esprit en ligne. Un développement permis par une technologie duplicable : « Nous avons développé deux moteurs d’intelligence artificielle dédiés au bridge, très performants. Nous allons les étendre à d’autres jeux d’esprit historiques ». En ligne de mire : la belote en France, son équivalent aux États-Unis ou encore la canasta en Amérique du Nord.

Ce développement, Olivier Comte veut le réaliser sans levée de fonds . « 52 Entertainment est une entreprise très profitable, c’est un point sur lequel je suis vigilant. Nous autofinançons notre développement », souligne-t-il. Sans trop en dévoiler, le dirigeant reconnaît être à la recherche d’acquisitions : « ce que nous voulons, c’est devenir le leader des jeux d’esprit et de stratégie en ligne, donc on ne s’interdit rien ». Il conclut : « Une entreprise qui ne fait pas de projets est morte. Nous allons semer plusieurs graines et attendre de voir celles qui prennent ».


Vers une digitalisation des jeux de société ?

Il reste difficile de mesurer dès à présent l’impact concret de la crise sanitaire du coronavirus sur le marché des jeux de société. Les premiers chiffres tomberont avec les bilans de fin d’année pour cette filière, jusque-là florissante. Selon le cabinet d’études NDP, celle-ci représentait 578 millions d’euros en France en 2019, soit une croissance de 10 % par rapport à 2018. Nul doute que la fermeture des bars à jeux, boutiques spécialisées et divers points de vente physiques, dans le cadre du confinement, tout comme l’annulation de salons, lui ont porté un sérieux coup d’arrêt. Une partie du secteur a tout de même profité de ce contexte : les éditeurs de jeux de société en ligne. Olivier Comte, dirigeant de la société 52 Entertainment, qui opère des plateformes de bridge en ligne, en atteste : la communauté de ses joueurs a flambé durant la pandémie. De quoi donner l’envie aux acteurs de cette filière d’accélérer leur digitalisation, d’autant qu’ils ont expérimenté certaines solutions durant la crise, pour permettre le jeu à distance via des plateformes dédiées, ou même via Skype et Zoom.

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