Loire-Atlantique
Clinique des Champs-Élysées : "Nous allons encore ouvrir 30 cliniques en France"
Interview Loire-Atlantique # Santé # Implantation

Tracy Cohen Sayag PDG du groupe Clinique des Champs-Élysées "Nous allons encore ouvrir 30 cliniques en France"

S'abonner

Après Lille, Bordeaux, Rennes et Lyon, la clinique des Champs-Élysées vient de s’implanter à La Baule (Loire-Atlantique). Et le déploiement en régions du leader français de la médecine esthétique est loin d’être terminé. PDG de ce groupe parisien, Tracy Cohen Sayag compte ouvrir 30 autres cliniques d’ici à deux ans en France.

Tracy Cohen Sayag, présidente directrice générale de la clinique des Champs-Élysées — Photo : David Pouilloux

La médecine esthétique n’est pas un secteur économique connu. Pouvez-vous le décrire ?

Il y a un vrai problème de reconnaissance de la médecine esthétique en France, en effet. Elle n’est pas reconnue comme une spécialité dans notre pays. C’était la même chose pour la chirurgie esthétique qui a commencé par la liposuccion au début des années 80. Il n’y avait pas de cadre juridique qui encadrait cette activité. En 2002, il y a eu enfin une reconnaissance de cette spécialité médicale. La chirurgie esthétique, c’est la liposuccion, les prothèses mammaires, la rhinoplastie, par exemple. Elle demande des interventions chirurgicales qui sont lourdes, invasives, et nécessitent la plupart du temps une anesthésie générale et une nuit d’hospitalisation. Cette partie-là de notre activité ne représente que 7 % de notre chiffre d’affaires.

Et la médecine esthétique ?

La médecine esthétique, ce sont des injections de toxines botuliques ou d’acide hyaluronique, par exemple. Mais depuis dix ans, la technologie s’est incroyablement développée avec l’utilisation de radiofréquence, d’ultrason, de laser, de champ électromagnétique pulsé, de cryolipolyse, pour traiter des taches, des cicatrices, l’acné, des rougeurs, retirer des tatouages, embellir les dents, pratiquer de l’épilation ou lutter contre le relâchement cutané. Cela évite de passer par un lifting, par exemple. Cela permet de répondre à des besoins de manière non invasive, c’est-à-dire sans passage par un bloc opératoire. Ces techniques font moins mal aux patients. À l’échelle mondiale, cette industrie, avec les technologies et les innovations qu’elle développe, pesait 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2015. Les perspectives sont de 15 milliards d’euros d’ici à 2025.

Vous êtes à la tête de la clinique des Champs-Élysées, fondée à Paris par votre père le docteur Michel Cohen. Comment s’est déroulée votre arrivée ?

Je viens de la finance. J’ai travaillé un an dans un fonds d’investissement, puis chez Rothschild dans le département fusion-acquisition. En 2010, j’ai rejoint mon père pour restructurer l’entreprise qui était en grande difficulté financière. Il fallait remettre de l’ordre dans les finances et trouver un business model viable. Cela a pris 5 ans pour redresser la situation. À partir de 2018, la médecine esthétique a pris de l’ampleur et représentait 70 % de notre activité, à Paris. À ce moment-là, nous avons regardé ce qui se passait en Europe et dans le monde. On s’est vite rendu compte que la France était à la traîne dans le secteur de la médecine esthétique.

C’est-à-dire ?

Il n’y avait pas un groupe dominant, pas de structuration du marché. En France, les gens qui y ont recours font appel à un médecin dans le meilleur des cas, qui fait ça de temps en temps. Ailleurs, en Europe, deux à trois leaders, par pays, dominent leur marché national, avec des groupes ayant 15 à 200 cliniques, en Allemagne, au Pays Bas ou au Royaume-Uni. En dehors de nous, il n’y a pas d’enseigne spécialisée. Nous sommes leader en France de la chirurgie et de la médecine esthétique. Nous ne souffrons pas de problème de recrutement. Notre marque employeur est très forte. Lorsque l’on annonce l’ouverture d’une clinique, on reçoit 150 CV en quelques heures.

Pourquoi ouvrir partout en France ?

Notre structure parisienne est le plus grand établissement de chirurgie et de médecine esthétique en Europe avec près de 3 000 m2. Mais nous avions beaucoup de demandes de patients qui habitent en province, et qui nous demandaient conseils pour recommander des confrères, à Lyon, Nice ou Strasbourg. Ils ne souhaitaient pas venir à Paris, juste pour dix à vingt minutes de soin en médecine esthétique. Ce constat nous a convaincus d’ouvrir en province. En dehors de Paris, notre premier projet pilote a été mené à Lille, en 2019. En avril 2021, nous avons ouvert Nice, puis Bordeaux en octobre. Ces trois projets pilotes marchaient très bien, et l’on constatait une hausse des demandes de rendez-vous sur le digital et elles provenaient de la France entière. Nous avons ouvert Lyon en mai 2022, Rennes en juin, La Baule en septembre, une seconde clinique à Paris, et nous allons ouvrir Tours, Dijon, Montpellier et Marseille avant décembre. Nous serons à 15 cliniques à la fin 2022. Nous en ouvrirons 15 autres, en 2023, et autant en 2024.

Pour permettre cette croissance de l’entreprise, vous avez mobilisé des fonds ?

Une clinique demande 1 à 1,5 million d’euros d’investissement pour les murs, la décoration, le design, et 500 000 euros pour les équipements, avec une quinzaine de salariés. Pour soutenir notre stratégie de développement qui nous conduira à l’ouverture de 45 cliniques, j’ai négocié un emprunt de 10 millions d’euros auprès de 5 banques en 2022. Nous avons également conclu un accord avec le fonds Raise Investissements, en mars 2022. Il est entré au capital à hauteur de 20 % et cela n’aura aucune incidence sur la gouvernance. Cette entrée au capital va nous permettre, entre autres, de nous développer en France et en Europe, en premier en Italie, un pays où l’offre n’est pas encore structurée. Nous visons trois villes pour 2023, en projets pilotes, et si ces trois structures fonctionnent bien, nous viserons dix autres villes l’année d’après.

Au bout de combien de temps, rentrez-vous dans vos frais ?

Une nouvelle clinique est rentable en moins d’un an. En 2021, le groupe a atteint 22 millions d’euros de recettes et cumule plus de 90 000 rendez-vous, toutes cliniques confondues. Nous sommes aujourd’hui 150 salariés et nous serons 200 à la fin de l’année avec un objectif de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 2022, et 150 000 rendez-vous. Une centaine de médecins et chirurgiens libéraux collaborent avec nous. Nous avons un centre de formation au sein de la clinique parisienne, nous exigeons qu’ils passent un diplôme universitaire. Ils ont une formation théorique et des ateliers pratiques. Une fois leur niveau excellent, ils peuvent travailler avec nous. Le vrai souci, c’est que ce secteur n’est hélas pas assez encadré. Il y a des dérives. Des gens pratiquent la médecine esthétique parfois n’importe comment et dans des conditions douteuses. Or c’est un vrai métier. Nous réclamons la création d’un diplôme universitaire de médecine esthétique et une meilleure régulation et un contrôle accru de cette activité.

Vous avez plus de 100 000 abonnés sur Instagram, et votre clinique plus de 400 000 abonnés. N’avez-vous pas le sentiment de participer à une société de plus en plus narcissique, uniquement soucieuse de son image ?

Dans notre secteur d’activité, la médecine, nous n’avons pas le droit de faire de la publicité. Les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille participent à notre notoriété et à une meilleure connaissance de notre métier et notre travail. Les gens ont le droit de faire ce qu’ils veulent avec leur corps, de s’offrir un petit coup de jeune pour se trouver plus beau, et mieux dans leur peau. Nos soins apportent du bien-être et permettent par exemple à des jeunes qui sont complexés par leurs boutons, leurs cicatrices, de retrouver confiance et de sortir. Nous pratiquons aussi une médecine qui s’adresse aux personnes obèses, aux femmes après l’accouchement et qui concerne leur corps, leur intimité. Je défends une beauté naturelle. Un visage parfait n’existe pas.

Loire-Atlantique # Santé # Implantation # International # Investissement