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Chanel s’appuie sur le groupe Mul pour protéger ses fleurs
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Chanel s’appuie sur le groupe Mul pour protéger ses fleurs

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Depuis plus de 30 ans, Mul cultive en exclusivité les fleurs qui composent le célèbre N°5 de Chanel. Aujourd’hui, la marque de luxe s’appuie une fois encore sur l’entreprise familiale pour pérenniser la filière azuréenne de la fleur d’oranger, autre ingrédient précieux de la parfumerie, menacé de disparaître face à la concurrence étrangère.

— Photo : Olivia Oreggia

À la rose de mai, au jasmin ou à la tubéreuse s’ajoute la fleur d’oranger. « C’est la sixième fleur que Chanel travaille avec nous. » Cécile Mul, 35 ans, est la PDG du groupe du même nom qui emploie 93 salariés et réalise 28 millions d’euros de chiffre d’affaires. Elle n’était encore qu’une toute petite fille quand son père a inscrit l’entreprise familiale, jusqu’alors uniquement exploitante agricole, sous un nouveau jour en se lançant dans l’industrie. En 1987, il scelle en effet une union exclusive avec Chanel, qui devient son unique client, en implantant une usine d’extraction de fleurs au milieu de ses champs.

Pour la marque de luxe parisienne, il s’agissait de sécuriser ses approvisionnements sur les matières premières qui entrent dans la composition de ses parfums, dont son célèbre N°5. L’enjeu est à la fois de préserver la qualité, mais aussi les savoir-faire indispensables à son business. « Le N°5 est le même depuis sa création à Grasse en 1921. Son origine est tracée », précise Cécile Mul.

« Chanel n’a jamais quitté le pays grassois, mais pour cela, il lui a fallu directement s’engager avec les producteurs. »

« En fait, Chanel n’a jamais quitté le pays grassois, mais pour cela, il a fallu directement s’engager avec les producteurs. C’est ce qu’ils ont fait avec nous. En maîtrisant la matière première, mais aussi l’extraction et la distillation, on a pu perpétuer la culture. Face à la pression foncière et à la baisse de la demande due à la concurrence étrangère, cela aurait été très difficile, peut-être impossible. C’était assez visionnaire à l’époque. On ne parlait pas de RSE mais c’était déjà cela. »

Pérenniser la filière de la fleur d'oranger

Aujourd’hui, Chanel s’appuie sur Mul pour protéger, cette fois, la fleur d’oranger, ingrédient du N°5 ou encore de « Paris Riviera », sa dernière fragrance, lancée début juin. Contrairement aux autres fleurs, ce n’est pas elle qui cultivera directement le bigaradier (oranger amer), mais Mul orchestrera, à la demande de son précieux client, un programme de relance de cette filière. « Nous nous appuyons, d’une part, sur l’existant, c’est-à-dire les vergers et producteurs de la coopérative Nerolium, et nous planterons, d’autre part, au printemps 2020, 600 bigaradiers sur des terrains mis à disposition par les communes du Bar-sur-Loup et de Vallauris », détaille Cécile Mul. L’entreprise apportera un accompagnement technique, des semis à l’organisation de la culture.

Dans les années 1920, la Côte d’Azur produisait 80 tonnes par jour de ces fleurs d’oranger. La production est tombée à 4-5 tonnes par an. L’objectif est d’atteindre dans un premier temps les 10 tonnes par récolte. « Il y a une volonté de préserver les choses là où elles sont. Et c’est une vraie stratégie d’aller sur ce positionnement, pour apporter de la cohérence à nos actions passées et nous inscrire dans la continuité. »

Ce matin-là de mai, la coopérative Nérolium apporte sur le site d’extraction 375 kg de fleurs d’oranger cueillies. Il en ressortira 375 grammes seulement de néroli, l’huile essentielle qui partira chez Chanel, client exclusif de la coopérative depuis plus de 30 ans. L’autre partie de la distillation, l’eau florale, sera utilisée pour l’agroalimentaire ou la cosmétique. Là encore, Mul jouera de son expertise, afin de trouver de nouveaux débouchés à cette filière.

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