Auvergne Rhône-Alpes
Bernard Valla : "En Auvergne-Rhône-Alpes, les dirigeants ont plus eu recours aux procédures judiciaires amiables"
Interview Auvergne Rhône-Alpes # Conjoncture

Bernard Valla président de l’association Prévention et Retournement "En Auvergne-Rhône-Alpes, les dirigeants ont plus eu recours aux procédures judiciaires amiables"

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Sous la présidence de Bernard Valla, également directeur de KPMG Restructuring, l’association Prévention et Retournement, implantée à Villeurbanne, mobilise un réseau de 220 professionnels qui accompagnent les entreprises en difficulté. Son credo ? Utiliser le Code du commerce comme "une trousse médicale" de prévention. Face à la conjoncture, il livre ses conseils pour tenir le cap en cas de difficultés.

Bernard Valla, président de Prévention et retournement et directeur de l’activité restructuring de KPMG Lyon — Photo : DR

Quelle lecture faites-vous de la hausse des défaillances d’entreprises, qui devraient s’élever à environ 6 000 unités en région en 2023 ?

Avant la période COVID, le niveau des défaillances se situait dans une fourchette variant entre 5 900 et 6 300 entreprises par an. Il s’agissait essentiellement des procédures liquidatives de TPE (moins de 10 salariés). En 2020, le niveau est tombé à 3 500 en 2020 et à 3 000 l’année suivante. En 2022, la courbe s’est redressée, avec 4 800 défaillances et on devrait revenir dans la fourchette historique de 6 000 faillites cette année. Le profil des entreprises reste identique, avec plus de 70 % de liquidations directes, dont 95 % de TPE. Nous sommes dans un processus de normalisation.

Pourquoi le nombre d’entreprises liquidées remonte-t-il ?

Il s’agit tout simplement d’un effet de rattrapage avec un retour à la normalité après les aides COVID qui ont sauvé temporairement un certain nombre d’entreprises déjà en difficulté ou qui n’ont pas suffi à pérenniser des activités fortement mises à l’épreuve par la crise sanitaire, comme le commerce. C’est aussi la conséquence de la hausse du coût des matières premières et de l’énergie, de la hausse des taux d’intérêt et de l’évolution des habitudes de consommation.

Quels sont les secteurs les plus touchés en région Auvergne-Rhône-Alpes ?

On peut citer le secteur de la distribution grand public, touché par le changement des habitudes de consommation (Toupargel, Go Sport, etc.). Même si chaque cas est particulier, avec un panel de difficultés multifactorielles incluant des stratégies à contre-courant. Il faut aussi citer les équipementiers automobiles du secteur du décolletage qui, face à la fin annoncée du moteur thermique en 2030 doivent trouver de nouveaux marchés. Dans le BTP, le secteur de la promotion immobilière est lui aussi enlisé dans une crise lourde et grave qui risque de durer. Prenez aussi le cas des entreprises spécialisées dans la relève des compteurs pour les fournisseurs de gaz et de l’électricité. Elles ont subi de plein fouet la concurrence d’innovations technologiques comme Linky et le développement des ENR. À condition de monter en puissance d’un point de vue technologique, elles peuvent se diversifier vers la maintenance des réseaux d’énergie et l’installation de bornes de recharge électrique pour les automobiles.

Quels conseils donneriez-vous au dirigeant d’une entreprise en proie à des difficultés financières ?

Notre conseil serait de lui dire d’anticiper. Avant d’en arriver aux stades avancés du redressement ou de la liquidation judiciaire, il existe des procédures préventives à l’amiable qui permettent à une entreprise, sous l’égide du président du Tribunal de Commerce, de négocier avec ses créanciers un aménagement du traitement de ses dettes. Sous réserve d’avoir suffisamment anticipé pour se donner le temps de trouver un accord, le taux de succès de ce type de démarche avoisine 80 %. Alors qu’il n’est que de 30 à 40 % après une mise en redressement judiciaire. Ces procédures ont aussi l’intérêt d’être confidentielles…

Quelles évolutions constatez-vous dans l’attitude des chefs d’entreprise confrontés à des difficultés ?

Nous constatons que les dirigeants ont davantage eu recours aux procédures judiciaires amiables. Dans la région, 960 procédures ont été ouvertes en 2022, soit 37 % de plus qu’en 2019. Ces procédures sont confidentielles, donc plus difficiles à cerner mais nous constatons que des entreprises de taille plus modeste y ont recours alors qu’elles étaient à l’origine essentiellement utilisées par des ETI et grosses PME. Cela est très positif pour nous, qui les encourageons dans cette voie. Nous remarquons que les dirigeants ont une vision plus précise de leurs difficultés et qu’ils hésitent moins à avoir recours aux dispositifs d’anticipation, comme, par exemple, des négociations de rééchelonnement des créances sous l’égide du président du Tribunal de Commerce. Ce dispositif s’apparente plus à un soin qu’à un jugement, qui est vécu comme une sanction. Passer devant un tribunal dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire leur donne l’impression d’être jugé pour un échec.

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