Après trois semaines de grèves, le mouvement social se poursuit dans certains dépôts et raffineries de TotalEnergies et Esso-ExxonMobil. En tant que transporteur routier, quelles sont les conséquences sur votre activité ?
Mes camions grumiers livrent du bois depuis Saint-Remy dans les Vosges dans des scieries situées dans toute la France. Moins de carburant, ce sont mécaniquement des retards dans les livraisons et certains clients impatients peuvent nous menacer de pénalités. Le mouvement a notamment été reconduit jusqu’au 27 octobre à la raffinerie de Gonfreville (Seine-Maritime) ainsi qu’au dépôt de carburant de Feyzin (Rhône), des secteurs où nous livrons. Sur les vingt camions grumiers qui composent ma flotte, cinq ne livrent déjà plus les clients dans le nord et dans le sud de la France. J’ai demandé à mes salariés de prendre des congés. Nous ne pouvons plus nous permettre de perdre du temps sur la route. J’ai informé mes clients qui pour le moment restent compréhensifs, mais pour combien de temps…
Avez-vous des réserves de carburant ?
Ma cuve de stockage de carburant est de 44 000 litres, afin de parer aux aléas. Si mes vingt camions font leur plein tous les jours, soit 500 litres, je peux tenir à peine une semaine. Je contacte régulièrement mes fournisseurs de carburant pour tenter d’être ravitaillé mais ce n’est pas si simple car le marché est tendu. Outre cette problématique, les fournisseurs en profitent pour pratiquer des prix très variables, en profitant de la situation. Début octobre, le prix du gazole était de 1,86 euro, il se situe désormais à environ 1,97 euro. Pour donner un exemple, sur un plein de 500 litres, nous sommes passés de 930 euros à 985 euros. Les dépenses en carburant représente 35 % de mon chiffre d’affaires (non communiqué). C’est le premier poste de dépense avant la masse salariale.
Certaines stations-service appliquent des restrictions concernant la quantité de carburant délivrée pour les camions, comment le vivez-vous ?
D’une part, de nombreuses stations-service bloquent les poids lourds en les interdisant tout simplement de prendre du carburant. Elles mettent un plot au niveau de l’entrée des pompes. D’autre part, lorsqu’il est possible pour un chauffeur de prendre du carburant, celui-ci est limité à 50 litres de carburant, ce qui représente, pour un camion grumier qui pèse plus de 50 tonnes chargées de bois, à peine 100 km. Pour faire un trajet Saint-Remy-Le Havre, c’est 632 kilomètres. Le chauffeur doit donc s’arrêter au moins cinq fois pour prendre de l’essence. Le délai de livraison se rallonge d’au moins deux heures sur les sept heures initialement prévues.
Le vol de carburant sur les aires d’autoroute, est-ce une réalité pour vous ?
C’est notre quotidien désormais. Nous devons faire face, depuis le début de la grève, à des vols de carburant sur les parkings des aires d’autoroute lorsque nos chauffeurs dorment. Il faut savoir que les réservoirs de carburant de nos camions grumiers contiennent près de 500 litres de gasoil. En général, les voleurs percent le réservoir et siphonnent le carburant. Cette situation engendre des retards dans nos délais de livraison puisque nous devons immobiliser le camion durant une journée pour son dépannage. Changer un réservoir coûte à l’entreprise entre 1 500 à 2 500 euros (maintenance comprise) et un plein d’essence pour reprendre la route.
