Les chiffres donnent le vertige. Toutes les heures dans le monde, la société nantaise Akeneo enregistre deux nouvelles installations de son produit. Spécialisée dans les solutions de gestion de l’information produit (PIM ou Product Information Management en anglais) et des catalogues pour le commerce omnicanal, elle revendique le titre de plateforme la plus utilisée au monde par les marques et les distributeurs avec 80 000 utilisateurs. L’entreprise, qui emploie actuellement 230 salariés, a programmé environ 70 recrutements pour porter ses effectifs à 300 collaborateurs d’ici la fin 2021. Loin d’être affecté par la crise sanitaire, Akeneo, qui ne communique pas sur son chiffre d’affaires, annonce une croissance de 80 % sur l’année 2020. Celle-ci atteint même 115 % en Amérique du Nord, son principal marché.
Forte croissance en Amérique du Nord
En effet, en 2019, Akeneo avait levé 41 millions d’euros avec l’ambition de se renforcer aux États-Unis. C’est désormais chose faite. "L’Amérique du Nord est aujourd’hui notre locomotive. Ce marché représente 30 % de notre chiffre d’affaires et nous maintenons notre objectif de 50 % d’ici la fin 2022. Ce marché connaît une croissance supérieure à celle des autres pays car, même si cela peut surprendre, il est moins mature qu’en Europe et l’environnement concurrentiel y est plus faible", indique Frédéric de Gombert, cofondateur et PDG d’Akeneo. L’entreprise, qui emploie 50 salariés à Boston, compte des clients issus de tous les secteurs d’activité, allant de John Deer (les tracteurs) à Warner Music ou encore Goodfood et Bombardier Recreational Products (motoneige…) au Canada. La croissance d’Akeneo dans cette zone est soutenue par l’arrivée d’une nouvelle vague de clients opérant dans le secteur du B to B. "Nous avons connu une très forte progression en B to B avec des industriels, souvent peu connus, qui accélèrent leur transformation digitale avec, comme première étape, la digitalisation de leur catalogue. Notre force réside dans notre expérience internationale et notre solution qui est capable de s’adapter à plusieurs langues, ainsi qu’à des environnements différents", analyse le dirigeant.
Ouverture en Australie
Les autres marchés étrangers significatifs d’Akeneo sont le Royaume-Uni où le nantais s’est fortement développé en 2020, en ouvrant un bureau de 15 personnes à Londres et en s’implantant fortement dans le monde de la mode. Également très présent en Allemagne et en Europe du Nord, Akeneo a ouvert, toujours en 2020, un bureau en Australie qui, outre le marché domestique de ce pays, desservira les marchés néo-zélandais et d’Asie du Sud. "Nous sommes aujourd’hui très concentrés sur l’Amérique du Nord, mais, d’ici trois à quatre ans, nous nous intéresserons à l’Asie", annonce Frédéric de Gombert.
Le marché français, qui génère 20 % du chiffre d’affaires d’Akeneo, se classe, pour sa part, numéro 2 derrière les États-Unis. Il a également bien résisté à la crise grâce à la multiplication des ventes en ligne. "L’année 2020 a fait office de crash test pour nous. Nous avons observé avec attention comment la crise impactait les nouvelles signatures et nos clients existants. Hormis le secteur du tourisme, cela n’a pas ralenti. Bien au contraire. Nous avons fourni aux marques et aux distributeurs un outil pour basculer rapidement vers l’e-commerce et compléter leurs canaux de distribution ", relate le dirigeant. La clientèle française d’Akeneo se répartit à parts égales entre B to B et B to C, avec des références telles qu’Air Liquide, Franprix, Manitou, Nuxe, Zadig et Voltaire ou encore, plus récemment, la nouvelle licorne française Backmarket.
Croissances externes
Akeneo poursuit, par ailleurs, les investissements en R & D afin d’améliorer sa technologie. "Pour la plupart de nos clients, nous sommes le premier PIM. Il nous faut donc grandir avec eux. Après avoir cherché à réunir toutes les données sur une même plateforme, notre objectif est désormais d’améliorer leur qualité par l’automatisation et l’intelligence artificielle ", explique Frédéric de Gombert. L’amélioration recherchée porte aussi bien sur les fiches produits, que les visuels et les descriptions techniques. Pour avancer plus vite sur ces technologies, Akeneo avait procédé en 2018 à l’acquisition de la société israélienne Sigmento, spécialisée dans le "machine learning". Pour compléter ses briques technologiques, Akeneo pourrait dans un avenir proche réaliser de nouvelles opérations de croissance externe. "C’est une priorité dans notre stratégie de développement. Nous sommes positionnés sur un métier nouveau qui ne cesse d’être bousculé. La crise du Covid illustre à quel point l’univers du commerce peut évoluer rapidement. Ce qui m’a fasciné au cours de cette période, c’est que 30 % des personnes ayant acheté des produits alimentaires en ligne ne l’avaient jamais fait auparavant. Une barrière psychologique a été levée, une transformation durable a été enclenchée", estime Frédéric de Gombert.
Accompagner la transformation du commerce
Akeneo entend profiter de cette mutation accélérée du commerce pour s’imposer comme un leader mondial sur son marché. "Nous avons une opportunité énorme à saisir pour aider les distributeurs à définir comment ils feront du commerce dans les années à venir et à les outiller en conséquence. La crise actuelle a rebattu les cartes en faisant basculer le commerce vers les canaux digitaux. Mais je crois à l’effet de balancier. Et je pense que nous assisterons à un retour vers le magasin sous la forme d’un lieu d’expérience et, non plus, d’achat de masse. Je ne crois plus aux centres commerciaux, qui seront remplacés par des market places en ligne. En revanche, je crois en des formats de magasins plus petits, qui ne proposeront pas le catalogue d’une marque dans son intégralité, mais viendront compléter le canal digital en l’enrichissant par l’expérience", décrypte Frédéric de Gombert.
Akeneo a fait cette année un pas de plus vers ce statut de leader mondial en entrant dans le club fermé du Next 40. Ce label est décerné aux 40 jeunes entreprises françaises susceptibles de devenir des leaders technologiques. Pour le dirigeant, il reste cependant un enjeu à relever : celui d’une croissance ultrarapide. "Notre premier point de vigilance est de préserver notre culture d’entreprise dans un contexte d’internationalisation forte qui fait que 50 % de nos effectifs se situent hors de France et ne parlent pas français. Dans un environnement multiculturel, où la crise sanitaire réduit les déplacements, il faut que nous réussissions à préserver notre ADN, à maintenir nos équipes soudées pour mener à bien notre projet", conclut le dirigeant.
