Un bâtiment lumineux de plus de 1 500 m2 sous les pins et les eucalyptus, des murs en pierre, des tables en bois pour déjeuner dehors au soleil… Welljob a investi 5 millions d’euros pour agrandir son siège social au cœur de la technopole de Sophia Antipolis. "Nous avons voulu axer sur le bien-être en entreprise. Nous avons une salle de sport, des coins zen, des terrasses, nous avons mis en place des jeux, des récompenses… Comme beaucoup, nous avons essayé d’innover", explique Stéphane Deroeux, cofondateur et dirigeant du groupe spécialisé dans le travail temporaire (175 collaborateurs, CA 2021 : 80 M€). "Cela a aidé à fidéliser les salariés en poste, mais cela n’a eu aucun effet attractif pour recruter. C’est terriblement démoralisant. Nous cherchons à embaucher 15 CDI, au siège, sur des postes de commerciaux et support et on ne trouve pas. On ne reçoit même pas de candidatures. C’est tout à fait nouveau. Auparavant, ce genre de poste était vendeur. Aujourd’hui, il y a toujours quelque chose qui ne va pas."
Recherche candidats désespérément
L’entreprise azuréenne n’échappe pas en effet à la pénurie de main-d’œuvre qui frappe l’économie française depuis le début de la crise sanitaire. Mais pour les acteurs de l’intérim comme Welljob, le problème frappe deux fois : à la fois pour son propre compte et pour celui de ses clients. "Le marché du travail temporaire a dépassé des chiffres historiques en France en 2021. Il n’y a jamais eu autant de contrats intérimaires", reprend le dirigeant. "Il n’y a pas un secteur ou une région qui soit épargné. Les entreprises de transport ne trouvent pas de chauffeurs, celles de logistique ne trouvent pas d’agents, les entreprises de services pas de commerciaux, la restauration pas de cuisiniers. Il n’y a pas de caristes, de jardiniers, d’agents d’entretien… Il n’y a jamais eu une telle pénurie. C’est un vrai paradoxe : tous les secteurs recrutent mais les candidats veulent ce qui n’est pas possible en matière de salaires ou de jours de travail, ils veulent des conditions qui ne sont pas économiquement viables pour l’entreprise qui embauche." Ce constat, émergent avant le Covid, n’a fait que s’accentuer depuis. Des efforts ont été portés par les entreprises qui ont développé des politiques d’intégration, d’accompagnement, de formation… "Nous avons modifié les annonces pour les rendre plus attractives, augmenté les taux horaires. Nos clients ont, quant à eux, revu leurs critères à la baisse, ils sont moins exigeants sur le savoir-faire. Mais il n’y a pas de postulants pour autant", déplore Stéphane Deroeux.
Les actifs dans le viseur
"Si on ne change pas les règles du jeu de manière radicale, si on ne redonne pas goût au travail, si on ne revalorise pas le travail afin qu’il y ait une réelle différence entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, on ne pourra pas inverser la tendance." Face à cette pénurie qui tend à devenir chronique, un cercle vicieux du recrutement est en train de se dessiner : "Les grands du travail temporaire comme les employeurs, cherchent désormais parmi les actifs. Ceux qui veulent travaillent sont ceux qui travaillent déjà, c’est donc eux qui sont chassés et débauchés".
En attendant, Welljob poursuit son développement et ses ouvertures pour dépasser les 70 agences d’ici la fin de l’année et les 95 millions d’euros de chiffre d’affaires.