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À 100 ans, Raoul Bruyère sort de sa zone de confort
Lyon # Commerce # PME

À 100 ans, Raoul Bruyère sort de sa zone de confort

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En un siècle et quatre générations, Raoul Bruyère s’est imposé comme une référence du mobilier haut de gamme à Lyon. L’entreprise familiale d’origine ardéchoise a traversé plusieurs crises, dont la dernière en date, celle du commerce en centre-ville. Mais elle a su rebondir en ouvrant une franchise Roche Bobois dans l’Est Lyonnais pour capter une clientèle nouvelle à fort pouvoir d’achat.

De gauche à droite, Alexis Bruyère directeur général adjoint de Raoul Bruyère, Gilles Bruyère, président et Camille Wormser, directrice marketing — Photo : White Mirror

Éditeur français leader du mobilier haut de gamme, Roche Bobois a ouvert le 2 novembre 2023 un tout nouveau showroom de 880 m² à Saint-Bonnet-de-Mure, dans l’Est lyonnais. Un investissement de près de 3 millions d’euros porté par un franchisé historique de la marque, l’entreprise Raoul Bruyère, une famille lyonnaise indissociable de la marque d’ameublement.

Le cœur du réacteur trouve pourtant à quelques kilomètres de là, dans le 3e arrondissement de Lyon où la PME familiale (20 salariés ; 10 M€ de volume d’affaires en 2023) a rassemblé, cours de la Liberté, 4 magasins côte à côte tous spécialistes du mobilier contemporain. Au centre du dispositif, trône le navire amiral du groupe, le magasin Roche Bobois, "le plus grand d’Europe" avec ses 2 800 m2 de surface commerciale (et ses 18 baux commerciaux). Au fil du temps, trois magasins en concession de marque l’ont rejoint : "Création contemporaine", un espace dédié aux univers des marques Knoll et Vitra d’une part et les deux boutiques premium Kartell et Calligaris, de l’autre. L’ensemble s’étend sur une surface totale de 3 800 m2.

L’entreprise familiale vient de souffler ses 100 bougies. Un siècle de règne où, au fil du temps, la marque Raoul Bruyère est devenue la référence du mobilier haut de gamme à Lyon. L’aventure a commencé par l’arrière grand-père, Raoul, ébéniste ardéchois qui installe en 1924 son échoppe de 70 m2 au 9 cours de la Liberté à Lyon, une artère très prisée des menuisiers à l’époque. L’emplacement s’avère pratique, l’approvisionnement en bois nobles était directement réalisé sur les quais du Rhône.

Des choix audacieux

Pendant deux décennies, de 1945 à 1964, l’entreprise continue de vendre ses propres créations tout en se lançant dans le négoce de meubles contemporains, un positionnement qui deviendra son ancrage distinctif. Alex Bruyère, fils de Raoul et grand-père des actuels dirigeants, ouvre en 1964 l’une des toutes premières franchises de la marque Roche Bobois. "À l’époque, il n’existait pas encore de marque nationale dans l’ameublement. Et c’est le tout début de la franchise. Nous continuions à vendre dans le magasin d’autres meubles sous la bannière Roche Bobois", s’amuse Alexis Bruyère, 37 ans, directeur général de l’entreprise.

Les débuts n’ont pas été faciles. "Cela n’a pas pris tout de suite", confie le représentant de la 4e génération à la tête de l’entreprise. Mais la créativité de Roche Bobois qui propose de multiples collections finit par séduire les Lyonnais.

"Notre petite échoppe de 70 m2 devient un grand magasin de 1 500 m2 dans les années soixante-dix", reprend Alexis Bruyère. Sous l’impulsion du père d’Alexis, Gilles Bruyère, représentant de la 3e génération, qui rejoint l’entreprise dans la deuxième moitié des années 1970, l'atelier boutique de Raoul atteint à la fin des années 1990 sa superficie actuelle de 2 800 m2.

Du nez pour flairer les tendances

"Doté d’un excellent sens du produit, mon père s’est beaucoup investi dans la création de Roche Bobois. Il a notamment contribué à imaginer la collection Les Provinciales, une gamme de meubles pour les maisons de campagne très en vogue dans les années 1980. Puis celle des Voyageurs, quand vint la mode du mobilier chinois et colonial", se souvient le dirigeant.

Mais à la fin des années 1990, alors que l’engouement pour les mobiliers campagne et exotique retombe, Gilles Bruyère repositionne l’offre sur ce qu’il juge être l’ADN de Roche Bobois, le contemporain, en y adjoignant de nouvelles marques encore plus haut de gamme. Il crée en 1998 Création Contemporaine, un nouvel espace toujours situé Cours de la Liberté qui propose les marques de mobilier de luxe Knoll et Vitra. En quelques années, la boutique va multiplier par 10 sa taille pour occuper aujourd’hui 800 m2. Dix ans plus tard, en 2008, Raoul Bruyère lance deux nouveaux espaces de vente dédiés aux marques italiennes de mobilier premium Kartell (220 m2) et Calligaris (300 m2).

Renouer avec la rentabilité

Entré dans l’entreprise en 2010, Alexis diplômé de l’ESDES, l’école de commerce de la faculté catholique, commence par faire ses classes en bas de l’échelle, en tant que vendeur, avant de devenir directeur de magasin, puis directeur marketing et enfin directeur général en 2021. Il travaille désormais en tandem avec sa sœur Camille Wormser, en charge du marketing. Sous l’œil bienveillant de leur père qui les conseille, ils appliquent ensemble la recette du succès léguée par leurs ancêtres, mix d’audace dans le choix des mobiliers qu’ils proposent et de saine gestion.

"Nous faisons un métier passionnant mais beaucoup moins rentable que dans les années 1990", confie-t-il. Les charges de l’entreprise ont beaucoup crû : loyers, salaires, énergie, etc.

Pour renforcer l’attractivité de ses quatre magasins installés Cours de la Liberté, l’entreprise décide de miser sur le luminaire de qualité comme produit d’appel, pour faire connaître son offre historique. Et ouvre en novembre 2023 un corner de 80 m2 au sein de son magasin Création Contemporaine pour accueillir les luminaires italiens Flos. "La marque avait une succursale sur la presqu’île qui avait dû fermer ses portes, elle nous a contactés pour les distribuer". Et bingo, avec les Bruyère, Flos se rallume et permet de générer des ventes en décembre, un mois traditionnellement creux.

S’échapper du centre-ville

Mais une tendance de fond inquiète les dirigeants. "Nous avons constaté que les ventes issues de clients habitant dans Lyon intra-muros s’accroissaient tandis que celles issues de notre clientèle traditionnelle des Monts d'Or et de Caluire diminuaient. Depuis la période post-covid, on se demande si des magasins de centre-ville peuvent continuer de se développer dans un contexte d’exclusion progressive de la voiture en ville", s’interroge-t-il.

D’où la décision d’investir dans un nouveau magasin dans une zone commerciale de l’est, "une implantation que nous n’aurions même pas imaginé choisir il y a quelques années". En plein essor, la banlieue Est de Lyon abrite le développement de belles entreprises. C’est dans le salon de leurs dirigeants et cadres que le groupe d’ameublement de luxe veut entrer…

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