Emanuel Lang : Le plus dur reste à faire
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Emanuel Lang : Le plus dur reste à faire

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Textile Repreneur de Virtuose, désormais "Emanuel Lang", Pierre Schmitt justifie ce combat acharné face à la justice commerciale par la nécessité de maintenir un maillon essentiel de la filière textile en Alsace. Sa réputation de "sauveur" d'entreprises lui a permis de mobiliser de nombreux soutiens.
— Photo : Le Journal des Entreprises

« Notre responsabilité est très grande. Nous n'avons pas le droit à l'erreur ». Artisan du projet de reprise de Virtuose, à Hirsingue, Pierre Schmitt est lucide. S'il a gagné de haute lutte son bras de fer avec la juridiction commerciale, les soutiens qu'il a glanés entre avril dernier, quand il a déposé sa première offre de reprise et novembre, quand il a pu reprendre les actifs, le placent aussi devant ses responsabilités : les salariés, les élus locaux, les représentants de la Banque de France, ceux de la filière textile et même, au plus haut niveau, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg... tous croient profondément en sa capacité de relancer l'activité de tissage qui était vouée à la disparition. S'ils lui font confiance, c'est aussi parce que ce dirigeant de 60 ans, depuis 1998 et la création de son entreprise Philéa textiles, spécialisée dans le développement de textiles innovants, s'est imposé en héraut de cette filière que l'on disait perdue en Alsace. Il a, depuis, repris en direct ou contribué à la relance de trois entreprises (Velcorex, Tissage des chaumes et ETC). Quatre maintenant avec Virtuose, rebaptisée Emanuel Lang. Gardien de musée, Pierre Schmitt ? « Certainement pas ! Cette entité est le dernier tissage en Alsace. Oui, c'est du patrimoine, mais elle est aussi indispensable pour la crédibilité de cette filière. Si l'on a la création, la teinture et l'ennoblissement, il fallait également que l'on conserve le tissage pour ne pas dépendre de l'étranger », se défend-il. L'élan de sympathie qui a entouré le projet de reprise, y compris auprès des clients prestigieux (Chanel, Balmain...) a achevé de le convaincre.




Un projet industriel sur trois piliers

Reste que maintenant, pour prouver notamment au liquidateur et aux juges commerciaux la viabilité d'Emanuel Lang, Pierre Schmitt et son associé Christian Didier, qui aura la direction opérationnelle de l'entreprise, doivent confirmer avec un projet industriel solide. « Il y a trois piliers », explique le premier, « d'abord, l'activité traditionnelle de tissé-teint, à laquelle sont très attachées les grandes marques françaises de luxe, et notamment parce que l'on surfe sur la dimension Made in France. Ensuite, il y a l'activité que pourra offrir Tissage des chaumes, toujours dans le luxe. Cette entreprise est très bien organisée pour la création et l'échantillonnage, moins pour la production, qui pourra être confiée à Emanuel Lang. Enfin, il y a le chanvre, auquel je crois beaucoup ». Le chanvre ? Un projet qui implique toute la filière, des labos de l'Ensisa de Mulhouse aux industriels, y compris en Lorraine où sont préparées les balles. « C'est une matière locale, écolo et naturelle qui pourra trouver des applications dans l'industrie et l'habillement », promet le dirigeant. « Et là, le maillon du tissage que constituera Emanuel Lang sera indispensable », ajoute-t-il.




La prudence reste de mise

Si le projet industriel semble bien réfléchi, reste à viser le volet financier. La reprise de l'entreprise aura donc pris 7 mois et au final, les actifs auront nécessité de mettre 1,5 million d'euros sur la table, financés par les investisseurs, Pierre Schmitt et Christian Didier, mais aussi par les subventions des collectivités (Région, Département et Fonds de revitalisation) et par BPI France et la Sodiv.« Nous négocions actuellement le fonds de roulement avec les banques » , explique-t-il . Son expérience de la création et de la reprise l'incitent à la plus grande prudence financière : « Il faut redémarrer avec un minimum de frais fixes, un maximum de coûts variables ».Remise en ordre ces dernières semaines, l'entreprise devait donc relancer sa production dans les premiers jours de janvier, pour l'instant avec des intérimaires. La promesse de redonner du travail aux 33 salariés qu'elle comptait avant la liquidation tient toujours, mais Pierre Schmitt rappelle ce qu'il a toujours dit : « Cela se fera progressivement ». En attendant, la priorité est de rééquilibrer les comptes, « dès 2014 ».Emanuel Lang pourra alors envisager les investissements nécessaires à sa modernisation. « D'ici deux à trois ans, nous pourrions retrouver un chiffre d'affaires de 4 à 5 millions d'euros », estime-t-il, « puis on envisagera alors la barre des 10 millions ».

Emanuel Lang



(Hirsingue)Contact :@emailRetrouvez également l'interview de Pierre Schmitt sur www.lejournaldesentreprises.com

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