Coronavirus : un printemps difficile pour la filière du munster
# Agroalimentaire # Conjoncture

Coronavirus : un printemps difficile pour la filière du munster

S'abonner

Les appellations d'origine protégées (AOP) subissent la crise du coronavirus de plein fouet. Pour le munster, fromage alsacien et lorrain, les fêtes de Pâques ont représenté un manque à gagner important. Les ventes se maintiennent tant bien que mal grâce aux grandes et moyennes surfaces.

Selon le cahier des charges, le munster doit être affiné au minimum 21 jours pour un grand munster et 14 pour un petit — Photo : ©Michel Laurent

Il n’y aura pas eu de fêtes de Pâques pour le munster. À cause du coronavirus, ce fromage d’appellation d’origine protégée (AOP) né dans le Haut-Rhin et dans les Vosges a raté le coche du printemps, période propice à la production de lait grâce au retour des vaches dans les pâturages. La consommation de ce fromage à pâte molle a drastiquement chuté. Les entreprises du secteur « ont perdu entre 20 et 70 % de leur chiffre d’affaires », estime Florent Haxaire, président du Syndicat Interprofessionnel du Fromage de Munster (SIFM).

Ce syndicat représente 950 producteurs de lait, quatre collecteurs, 85 producteurs fermiers qui produisent à la fois le lait et le munster, neuf transformateurs laitiers qui achètent le lait à partir duquel ils fabriquent ce fromage et neuf affineurs qui réalisent l’étape finale de la transformation dans leurs caves. L’ensemble de la filière totalise un chiffre d’affaires global de 40 millions d’euros par an. Entre la Lorraine, l’Alsace, le territoire de Belfort et une petite partie de la Haute-Saône, 4 000 personnes travaillent dans ce secteur.

Les rayons coupe ont été fermés

« Tous les fabricants de munster n’ont cependant pas été touchés de la même façon. Ceux qui vendent leurs produits en libre-service dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) ont été très peu impactés, décrit Florent Haxaire. Ceux qui vendent au segment de la restauration hors foyer (RHS), à la coupe ou chez les crémiers ont eu des pertes importantes. Enfin, les producteurs fermiers qui vivent surtout de la vente en direct ont été les plus touchés. »

En avril, le chiffre d’affaires de sa propre entreprise, la fromagerie Haxaire (CA : 5 M€, 35 collaborateurs) située à Lapoutroie dans le Haut-Rhin, a chuté de 30 %. « Les GMS représentent 60 % de mon chiffre d’affaires. Les premières semaines du confinement, les rayons coupe ont été fermés et le fromage en libre-service a continué à se vendre, explique-t-il. Aujourd’hui, on ressent un petit frémissement. »

Une période de vente très courte

Une des particularités du munster est qu’il doit être consommé rapidement. Selon le cahier des charges de l'AOP, la période d’affinage est d’au minimum 21 jours, ce qui lui laisse seulement deux ou trois semaines pour être vendu. « Nous avons peu de marges de manœuvre », explique le président du SIFM alors que certaines AOP comme le bleu d’Auvergne, le comté, le saint-nectaire ou la fourme d’Ambert ont pu adapter leur cahier des charges en rallongeant par exemple, la période d’affinage. Selon Florent Haxaire, « dans le cas du munster, cela aurait trop influencé la qualité du produit. »

En mars, quand la vente directe chez les fermiers producteurs qui se trouvent à 65 % en Alsace s’est brutalement arrêtée à cause du confinement, il a fallu trouver des solutions. À la ferme des Hautes Huttes (CA : 300 000 euros, 4 collaborateurs), à Orbey dans le Haut-Rhin, Cristian Ancel, qui produit 19 tonnes de munster par an, a fait comme la plupart de ses confrères : « les caves étaient pleines en prévision de Pâques, explique-t-il. Pour éviter la destruction du produit, nous avons fait des dons ». Il a également dû réduire la production de lait de ses quarante vaches.

La tomme pour miser sur le stockage

Comme la plupart des producteurs, il s’est lancé dans la fabrication de tomme, un fromage de garde que les affineurs peuvent stocker plusieurs mois dans leurs caves. C’est ce type de produits que la Maison Fischer a demandé à ses trois fournisseurs de munster. Fondée en 1926 par la famille d’Anne-Lang Mauler, la directrice générale actuelle, cette entreprise est établie à Beblenheim et à Orbey dans le Haut-Rhin. Elle totalise 20 collaborateurs pour quatre millions de chiffre d’affaires et produit à la fois des tommes et des munsters. Elle exporte la moitié de sa production vers l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas mais aussi aux États-Unis, au Canada, au Japon ou au Mexique.

Depuis le début du confinement, son chiffre d’affaires a baissé de 49 %, notamment à cause des exportations qui ont chuté de 47 %. Selon Anne-Laure Lang, « les gens se recentrent sur les achats de première nécessité. Nous proposons un fromage d’AOP, un fromage premium, plaisir. » Malgré cela, la dirigeante reste positive : « Nous ressentons déjà un léger regain des commandes, même si l’activité va rester fortement réduite jusqu’en septembre. Le munster n’est pas vraiment un fromage qui se mange l’été. C’est un fromage de plateau-repas, qui se mange pendant les fêtes. On espère se rattraper avec la période de Noël. »

Florent Haxaire, le président du Syndicat Interprofessionnel du Fromage de Munster, se veut réaliste sur la production de tomme pour remplacer le munster. « Ce n’est pas avec ce type de fromage qu’il va y avoir de la rentabilité. En septembre, il va y avoir un afflux de fromages de garde sur les marchés. Cela risque de se traduire par une baisse des prix. »

# Agroalimentaire # Conjoncture