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Comment le croisiériste CroisiEurope traverse la tempête Covid
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Comment le croisiériste CroisiEurope traverse la tempête Covid

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Alors qu’il fête ses 45 ans en 2021, le croisiériste alsacien CroisiEurope vient de traverser sa plus forte tempête avec la crise sanitaire et ses conséquences sur le secteur du tourisme. Mais les deuxième et troisième générations à la barre se projettent vers de nouvelles destinations et services élargis.

Le croisiériste strasbourgeoise CroisiEurope prépare la reprise du tourisme en 2022 — Photo : François Haubtmann

L’entreprise familiale strasbourgeoise CroisiEurope fait naviguer ses bateaux de tourisme sur les fleuves les plus prestigieux depuis 45 ans. Tandis que la troisième génération de dirigeants prend progressivement la barre, l’équipage vient d’essuyer sa plus forte tempête depuis les débuts de l’aventure entrepreneuriale de la famille Schmitter. À cause de la crise du Covid-19, CroisiEurope a réalisé en 2020 10 % de son chiffre d’affaires de 2019 (qui se montait à 195 millions d’euros) et a enregistré environ 200 départs naturels (sans licenciement) sur 1 700 salariés au sein du groupe.

"En 2020, nous pensions pouvoir sortir de la crise car nous sommes des gens optimistes. Mais l’année 2021 devant être sécurisée, nous avons passé un accord avec nos partenaires financiers pour que la dette soit lissée et assumée par l’entreprise", confie Christian Schmitter, directeur général de CroisiEurope et l’un des quatre enfants de Gérard Schmitter, fondateur de l’entreprise. Après une recapitalisation cet été avec un actionnariat resté familial, l’entreprise est "aujourd’hui en état de marche. L’effet vaccin et le passe sanitaire devraient changer la donne en 2022", évalue le dirigeant, qui, en ce début d'automne, confirme "une visibilité sur les commandes, avec des carnets remplis à 80 % par rapport à 2019."

Navigation en eaux troubles

Une traversée de cette tempête Covid rendue possible par "les actions du gouvernement qui s’est battu pour sauver un bon nombre d’entreprises", tient à souligner Christian Schmitter. CroisiEurope a ainsi pu compter sur le chômage partiel pour la majorité de son personnel. Seule une centaine de salariés était présente dans les bureaux "pour faire et défaire les croisières au fil de la mise en place des différentes conditions sanitaires", se souvient Lucas Schmitter, directeur marketing.

Trois prêts garantis par l’État, dont les montants restent confidentiels, ont également été contractés par l’entreprise. Sa direction reconnaît aussi "un environnement bienveillant avec des discussions possibles avec l’Urssaf, des fournisseurs compréhensifs et des gratuités ou des remises sur les tarifs d’appontement dans des ports fluviaux comme Strasbourg, Paris ou Bordeaux et des péages remisés de la part des Voies Navigables de France".

Une famille à la barre

CroisiEurope se présente comme le numéro un des croisiéristes européens avec ses 200 000 passagers transportés par an et ses 55 bateaux dont 49 en propriété sur les fleuves français, le Rhin et le Danube mais aussi en Afrique australe et en Asie. Six bateaux sont quant à eux affrétés sur le Nil et la Volga. Pour faire naviguer sa flotte fluviale et maritime (deux bateaux sur la Méditerranée et l’Adriatique acquis en 2007 et 2019), l’armateur repose sur trois piliers. Les branches à la fois commerciale, hôtelière et technique sont ainsi dirigées par les quatre frères et sœurs représentants de la deuxième génération de cette saga familiale. "Nous sommes désormais quatre cousins et cousines à intégrer progressivement l’entreprise en vue de sa transmission. Ce que la troisième génération a vécu pendant cette crise sanitaire est fort en expérience et en enseignements. Les générations précédentes ont connu le lancement et les prises de risque, mais aussi la période post-attentats de 2001 et la crise des subprimes en 2008, pour autant sans commune mesure avec la crise actuelle", souligne Lucas Schmitter, entré chez CroisiEurope en 2013.

"Le rôle d’un manager est d’identifier les risques, abonde Christian Schmitter. Dans notre secteur, il s’agit principalement du manque d’eau ou des hautes eaux, paramètres de navigation que nous savons gérer. CroisiEurope avait ouvert une période d’investissement ces cinq dernières années car nous savions gérer ces aléas climatiques"; C’était sans compter sur une pandémie qui a fait basculer le croisiériste "de l’une de ses meilleures années en 2019 à la pire année en 2020", pointe le directeur général.

Modernisation de la flotte

CroisiEurope était effectivement "en plein boom avec des taux de croissance de l’ordre de 6 à 10 % ces dernières années", rappelle Lucas Schmitter, qui évoque une enveloppe d’investissement de près de 100 millions d’euros depuis 2015. "Nous avons construit de nouveaux bateaux et rénové les plus anciens", poursuit le jeune dirigeant. L’entreprise dispose de ses propres standards quatre et cinq "ancres" pour déterminer le confort à bord. "Lors des rénovations, nous ne gardions que les coques pour une transformation intégrale en concevant deux nouvelles cabines avec trois anciennes pour proposer des espaces plus grands", détaille Lucas Schmitter, dont l’entreprise compte des bureaux commerciaux au siège strasbourgeois mais aussi à Paris, Nice, Nantes, Lyon, et à l’étranger à Bruxelles, Madrid, Lausanne, New York et Londres. Le groupe alsacien, qui fait naviguer sa clientèle à 50 % française et à 50 % internationale jusqu’en Asie, dispose aussi d’un bureau dans la capitale cambodgienne, Phnom Penh, pour ses croisières sur le Mékong.

Nouvelles destinations

Au-delà de la rénovation de la flotte, ces cinq dernières années ont permis au croisiériste d’élargir encore son offre avec "des destinations pionnières en leur temps, sur la Gironde, le Rhône, l’Elbe ou encore la Loire", plaide Lucas Schmitter. À commencer par le continent africain où l’entreprise a racheté (montant non communiqué) entre 2015 et 2019 deux lodges et deux bateaux au Zimbabwe "pour faire voyager 16 passagers de manière intimiste sur les fleuves d’Afrique australe". Plusieurs dates dites "prestige" sont aussi proposées aux clients fidèles avec des destinations ponctuelles pour découvrir les fjords chiliens, le fleuve Amazone ou encore le Mississippi. Sur le continent américain, qu’il s’agisse du Nord ou du Sud, CroisiEurope pourrait par ailleurs avoir des ambitions de développement, mais "à long terme", tempère Lucas Schmitter, dont la priorité est avant tout la reprise à l’horizon 2022.

Verdissement de l’offre

Pour boucler la saison 2021 avec un chiffre d’affaires évalué à 75 millions d’euros et préparer les réservations 2022, l’entreprise a dû conquérir une nouvelle clientèle à défaut de pouvoir faire voyager les touristes internationaux - anglais, américains et néo-zélandais en tête, contraints par la fermeture des frontières. La clientèle est avant tout sénior mais se rajeunit de plus en plus avec des services tournés vers les familles et les personnes seules. "Nous avons la confiance de nos clients fidèles, nos croisières plaisent. Nous avons aussi beaucoup de nouveaux clients qui passent des bateaux maritimes à des unités fluviales à taille humaine (de 80 à 100 passagers, NDLR) avec un service de proximité", explique Christian Schmitter.

Épinglées pour leurs dégâts sur l’environnement, les croisières ont de plus en plus l’image d’activités polluantes. Pour autant, CroisiEurope semble surfer sur un argument teinté de vert : "les villes se rapprochent de leur fleuve et le fluvial est un moyen de transport propre. La nature est notre premier allier depuis longtemps puisqu’elle doit bien se porter pour nous permettre de travailler correctement", plaide Lucas Schmitter. Pour poursuivre le verdissement de sa flotte et de son activité, l’entreprise familiale privilégie ainsi des carburants alternatifs et remotorise ses plus anciens bateaux. En France, toute la flotte de CroisiEurope navigue au GTL, un carburant liquide produit à partir de gaz naturel. Les développements des technologies faisant appel à l’hydrogène offrent enfin de nouvelles pistes au croisiériste alsacien.

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