Haute-Garonne
Coronavirus - ATR : « La ligne d'assemblage tourne à 50 % de sa capacité »
Interview Haute-Garonne # Aéronautique

Stefano Bortoli PDG de l'avionneur ATR Coronavirus - ATR : « La ligne d'assemblage tourne à 50 % de sa capacité »

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L'entreprise toulousaine Avions de transport régional (ATR) est le leader mondial des avions de moins de 90 places. Avec la crise actuelle, son PDG Stefano Bortoli s'attend à une diminution des commandes et de la production, qui n'atteint aujourd'hui que la moitié de sa cadence habituelle.

Stefano Bortoli, PDG d'ATR depuis septembre 2018 — Photo : ATR

Comment ATR (1 400 salariés ; CA 2019 : 1,48 Md€) s’est-il organisé pour continuer à produire des avions depuis le début du confinement lié à l’épidémie de Covid-19 ?

Stefano Bortoli : Nous possédons en tout 1 400 collaborateurs dans le monde, dont près de 1 200 en région toulousaine répartis sur trois sites : 400 salariés aux ateliers d’assemblage et essais en vol à Saint-Martin-du-Touch, 800 personnes à Blagnac aux centres de service client, centre de formation et bureau de vente et 50 personnes à Francazal. Nous avons immédiatement adopté le télétravail pour environ 70 à 80 % des effectifs, et avons été contraints de suspendre la production de la chaîne d’assemblage pendant deux semaines. Ce temps a été nécessaire pour mettre en place de nouvelles pratiques.

En quoi consiste votre protocole sanitaire et quelle est son influence sur la production ?

S. B. : D’abord, nous fournissons des masques et des gants à tous les salariés qui travaillent sur la ligne d’assemblage. Un nettoyage régulier des espaces communs et sanitaires est également mis en place, tout comme dans les bureaux. Plus particulièrement sur la ligne d’assemblage, deux shifts sont instaurés avec une pause longue entre chaque pour effectuer des actions de désinfection. Aujourd’hui, environ la moitié des effectifs de la ligne d’assemblage est en activité pour une production à environ 50 % de la cadence habituelle.

Environ la moitié des 400 personnes qui travaillent sur le site d'assemblage d'ATR à Saint-Martin-du-Touch est en activité — Photo : ATR

À combien estimez-vous les pertes liées à l’épidémie de coronavirus pour l’année 2020 ?

S. B. : Nous nous attendons à une diminution des commandes et donc de la production mais nous ne sommes pas encore capables de donner de chiffres. En 2018, ATR a livré 76 appareils, 68 en 2019 et ce sera certainement moins cette année. Combien, il est trop tôt pour le dire, ces données seront sûrement disponibles en juillet. Pour l’instant, nous n’avons enregistré aucune annulation de commande. Nous discutons beaucoup avec nos clients afin d’évaluer combien d’avions nous serons capables de produire et de livrer et à quelle échelle de temps.

Qu’en est-il des activités de Recherche & Développement ?

S. B. : Sur avril et mai, environ 30 des salariés d’ATR de la région toulousaine sont au chômage partiel. La plupart des 300 ingénieurs et experts continuent les activités de développement principalement en télétravail. Nous continuons notamment à travailler sur le nouvel ATR 42-600S, capable d’atterrir sur des pistes courtes. Depuis fin 2019, quatre commandes ont été passées pour 23 avions en tout : nos équipes planchent en particulier pour un client sur une version « VIP » avec la porte d’entrée des passagers à l’avant et non à l’arrière de l’appareil. Les dernières études suivent aussi leur cours sur l’ATR 72-600 F, un avion cargo dont FedEx nous a commandé 30 exemplaires, et dont le premier doit être livré cette année.

Deux shifts ont été mis en place pour respecter la distanciation sociale sur la ligne d'assemblage d'ATR. — Photo : ATR

Proposez-vous des offres ou des services spéciaux à vos clients pendant cette période ?

S. B. : Tout à fait, nous recommandons notamment une transformation transitoire des avions de transport de passagers en avions cargo. En effet aujourd’hui, les 40 % d’aéronefs ATR qui volent encore servent à des liaisons cargo pour le transport de médicaments, de matériel médical ou encore au rapatriement humanitaire. Tous les autres avions qui transportent habituellement des passagers sont à l’arrêt. Nous proposons donc à nos clients de transformer leurs avions passagers en avions de livraison de marchandise. L’opération est peu coûteuse et prend moins d’une journée pour retirer tous les sièges et équipements superflus.

L’épidémie de Covid-19 a commencé en Asie, votre plus gros marché. Selon vous, était-ce la pire configuration possible ?

S. B. : L’Asie-Pacifique représente effectivement 37 % de la flotte totale d’ATR. Il est vrai que l’épidémie est née là-bas, mais c’est aussi dans cette zone que le marché redémarre avant tous les autres. Dans beaucoup de pays, les liaisons domestiques dont l’aviation régionale sont parmi les premières à reprendre. De plus, certains États d’Asie, comme le Japon par exemple, sont moins touchés que d’autres par la crise sanitaire. Je suis donc confiant pour la reprise de nos activités dans cette zone.

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