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Les PME du Sud s'appuient sur l'Afrique pour se développer
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Les PME du Sud s'appuient sur l'Afrique pour se développer

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Le sommet France-Afrique, qui s'est tenu en octobre à Montpellier, a entériné un changement de regard sur l'Afrique. Avec des pays en croissance malgré la crise sanitaire, avec près d'un tiers de la jeunesse mondiale, le continent africain, à quelques encablures de la région Paca, se présente comme une terre d'opportunités sur laquelle les entreprises doivent construire des relations durables.

L'Afrique représente 11 % des exportations de la région Paca et 17 % de ses importations — Photo : Didier Gazanhes

Fin septembre, le Club Immobilier Marseille Provence (CIMP) organisait sa 14e Journée de l'immobilier autour des relations avec le continent africain, en préambule au 28e sommet France-Afrique qui s'est tenu à Montpellier le 8 octobre 2021. Sommet où, à la place des traditionnels chefs d'État, la France a, pour la toute première fois, invité près de 3 000 jeunes entrepreneurs, des activistes de la société civile, des artistes et des sportifs. Un changement de regard, qui donne un rôle essentiel aux entreprises dans les relations entre les deux continents.

"Il est essentiel de faire tomber les préjugés des regards occidentaux sur l'Afrique", a notamment rappelé Fabrice Alimi, ex-président du CIMP. Le Club avait déjà organisé un voyage à Dakar en février 2020, juste avant que le confinement ne bloque le monde, en conduisant les professionnels de l'immobilier à Dakar à se lancer dans la création d'un club similaire, le Cidao.

Mais les relations entre les professionnels de l'immobilier des deux rives de la Méditerranée ne datent pas de 2021. Ainsi, Renaud Tarrazi, l'un des associés de Map (Marseille Architecture Partenaire) et d'autres confrères de l'immobilier ont créé en 2016 la société des Mia's (Marseillais de l'immobilier en Afrique). Ils ont monté une plateforme de compétences intervenant dans différents pays d'Afrique francophone. "Depuis 2015, nous nous sommes déplacés plus de 60 fois en Afrique subsaharienne, où nous avons découvert les marchés de l'Afrique centrale et de l'Afrique de l'Ouest. Bien que confrontés initialement à des différences culturelles, nous nous sommes rapidement retrouvés dans un environnement familier par la langue, le contexte juridique et l'organisation administrative ", commente Renaud Tarrazi.

Développer l'initiative privée

Pourtant, malgré l'enthousiasme, les entreprises demeurent timides. Avec 2,5 milliards d'euros d'exportations régionales, l'Afrique arrive au quatrième rang des destinations, après l'Europe, l'Asie et l'Amérique. Elle ne représente que 11 % des exportations de la région et 17 % de ses importations, selon les chiffres de la douane. Afin de doper les exportations vers le sud de la Méditerranée, la Team France Export (CCI International, Business France et Bpifrance) a conçu un programme - le Booster Afrique Sub-Saharienne - qui accompagne de façon individualisée, sur dix mois, les entreprises vers la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Kenya, l'Angola ou encore l'Afrique du Sud.

"Nous sommes au bord de la Méditerranée depuis 2 600 ans. Le territoire de la métropole d'Aix-Marseille a une carte à jouer pour être le hub entre l'Afrique et l'Europe. Aujourd'hui, ce n'est plus aux politiques de montrer la voie. C'est à nous, chefs d'entreprise, d'y aller et de créer les partenariats gagnant/gagnant. Le développement de l'Afrique passera par l'initiative privée", lance par ailleurs le président de la CCI Aix-Marseille Provence, Jean-Luc Chauvin. "Marseille, c'est le New York de la Méditerranée. C'est ici que les choses doivent se dérouler", ajoute de son côté David Sussmann, fondateur et dirigeant de l'entreprise Seafoodia, qui commercialise des produits de la mer, durables et responsables. Seafoodia travaille dans douze pays africains et compte deux filiales sur ce continent.

Africalink fédère les entreprises

Depuis quatre ans, à l'initiative de la CCI Aix Marseille Provence, des chefs d'entreprise des deux rives de la Méditerranée se sont regroupés dans une association, baptisée Africalink et présidée par Yves Delafon. "Nous sommes voisins et nous avons une histoire partagée, même conflictuelle. Mais désormais ce n'est plus l'Afrique qui a besoin de nous, c'est nous qui avons besoin d'elle. Ignorer ce continent serait une erreur", commente le président.

1,3 milliard d'individus, soit un peu moins de 20 % de la population mondiale, sont désormais situés en Afrique. Il y a quarante ans, le PIB européen était de 40 fois supérieur à celui de l'Afrique. La famine, les guerres, les épidémies frappaient ce territoire. Aujourd'hui, l'écart de PIB s'est réduit à six fois. Il y a peu, l'Afrique était le continent de l'avenir, elle est aujourd'hui celui du présent. "Pour nous, dans une quinzaine d'années, l'Afrique sera une puissance agricole incontournable. Elle l'est déjà pour le cacao", confie de son côté Jérôme Fabre, président de la compagnie Fruitière, spécialiste de la production et de la distribution de fruits, dont notamment la banane, installée en Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Ghana et au Sénégal. "Il faut accompagner l'émergence d'agri-entrepreneurs en Afrique. Ils devront, demain, contribuer à nourrir l'Afrique et à exporter. Ils seront ainsi nos fournisseurs et nos clients de demain. Par ailleurs, le fait que l'agriculture soit de moins en moins chimique et de plus en plus technologique n'est pas un frein. L'Afrique peut intégrer et acquérir des sauts technologiques bien plus vite que nous avec nos réseaux vieillissants."

Un continent digitalisé

Indiscutablement, en termes de technologies de l'information et de la communication, les Etats africains n'ont en effet rien à envier aux autres pays. "L'Afrique est l'un des tout premiers continents à avoir adopter le paiement sans contact via le smartphone depuis maintenant plus de dix ans. Le continent compte plus de comptes d'argent mobiles que l'ensemble du reste du monde. L'adoption de nouvelles technologies permet d'aller plus vite. Les services numériques, en Afrique, sont portés par la téléphonie. Il n'y a pas de disparités entre les pays, 100 % de la population est équipée d'un smartphone. La 5G va transformer ce territoire", s'enflamme ainsi Jean-Daniel Beurnier, dirigeant d'Avenir Telecom, un distributeur marseillais de téléphonie mobile et accessoires.

Un enthousiasme partagé par Julien Fouriot, directeur export Afrique de Crosscall (CA : 80,5 millions d'euros ; 200 salariés), fabricant aixois de smartphone antichocs et étanches, présent depuis maintenant trois ans en Afrique et qui a fait partie du voyage présidentiel en Afrique du Sud en mai 2021. "Beaucoup de secteurs se digitalisent en Afrique : l'éducation, la police… Avec le Covid et le télétravail, les entreprises ont dû se réorganiser. Il y a une forte demande d'équipements numériques. L'Afrique est une zone d'intérêt majeure. Elle représente aujourd'hui 13 % de nos ventes export. Il existe des opportunités significatives pour nos produits non seulement en Afrique du Sud mais également au Bénin, en Tunisie, en Côte d'Ivoire et au Sénégal. Nous cherchons des partenaires en local pour la distribution. Pour cela, le relationnel est important. Il faut être patient, créer un réseau. Se développer sur l'Afrique prend du temps. Il ne faut pas attendre un retour sur investissement rapide ", explique Julien Fouriot.

En 2050, la population africaine aura doublé, 50 % des africains aura moins de 25 ans et 30 % des jeunes dans le monde seront sur ce continent, selon l'Agence française de développement. Une réalité et une opportunité qui n'ont pas échappé à l'association marseillaise Synergie Family, dont la vocation est de porter des innovations dans le monde de l'éducation et qui a participé à la co-création à Marseille de l'Epopée. La structure, qui a levé cinq millions d'euros pour son développement en France, mise également sur l'Afrique. Après une première expérience au Sénégal en mai, Synergie Family vient de nouer un partenariat de trois ans avec la Fédération camerounaise de Basketball, avec pour objectif de mobiliser les acteurs du développement du sport et des loisirs dans une visée socio-éducative. " Nous voulons former près de 1 000 éducateurs sportifs au Sénégal ", indique ainsi Naïm Zriouel, directeur général adjoint de Synergie Family.

De son côté, l'entreprise marseillaise MCES, spécialisée dans l'esport, qui compte une trentaine de joueurs professionnels répartis en sept équipes, dirigée par Romain Sombret, mise également sur l'Afrique. " Depuis un an et demi, nous avons ouvert une filiale MCES Africa que nous détenons à 60 %, installée au Maroc. Nous essayons de comprendre comment l'e-sport fonctionne là-bas. Nous avons constitué une équipe d'une dizaine de joueurs sur un jeu baptisé Free Fire. Nous déployons, comme en France, notre concept alliant esport et sport classique. Depuis Casablanca, nous aimerions nous développer sur l'Afrique francophone. Il y a une importante jeunesse, une forte utilisation du téléphone, des réseaux sociaux et les investissements en Afrique sont bien moins coûteux qu'en Europe. Si l'on se projette à cinq ans il y a un très fort potentiel. Au Sénégal, le gouvernement est ainsi impliqué dans l'e-sport ".

Admettre les lenteurs

Le potentiel de ce continent ne doit toutefois pas faire oublier les difficultés de s'y implanter. Tout d'abord à cause de la disparité des territoires. "Je connais quasiment tous les pays africains et il y a des différences énormes. Pour quelqu'un qui ne connaît pas l'Afrique, il vaut mieux débuter en Afrique francophone, comme au Sénégal ou en Cote d'Ivoire ", souligne Robert Petit-Jean, dirigeant de la société marseillaise de négoce Somexport, qui réalise 35 % de ses 3,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en Afrique. " Si les délais sont parfois aléatoires, ce n'est pas grave. C'est " à l'Africaine ", on s'adapte. Il faut avoir une certaine souplesse, une certaine flexibilité que nous avons toujours eu", commente Thierry Boucard, PDG de la société Exatec, basée à Menton, qui reconditionne des distributeurs de billets et est présente en Afrique depuis 15 ans. L'entreprise prévoit d'y implanter un réseau de filiales, en Cote d'Ivoire et au Sénégal. "Il y a une vraie transformation qui s'opère, mais il faut comprendre les codes. Le frein, c'est la présence. Il faut prendre le temps d'être sur place, d'y voyager, de découvrir les pays dans lesquels on veut s'implanter", confie de son côté Laurent Cohen, dirigeant de la société marseillaise Corania, qui conçoit et commercialise des parfums, notamment sans alcool qui connaissent depuis des années un grand succès dans certains pays africains. "Il y a une lenteur administrative indéniable, mais en France, sommes-nous les plus dynamiques dans ce domaine ? En Afrique, la relation humaine est très importante. C'est un marché empli d'opportunités. Un véritable défi à relever pour les entreprises ", conclut-il.

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