"Nous sommes au début d’une histoire", confie Philippe Lavoisier, président d’Eranova, une entreprise créée au Bourget-du-Lac (Savoie) en 2016 et basée à Marseille depuis début 2021, avec Philippe Michon. Une start-up plus que prometteuse quand on voit les immenses bassins de collecte et de culture d’algues ainsi que les équipements industriels inaugurés mi-février à Port-Saint-Louis-du-Rhône, près de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). En associant à leur projet de multiples partenaires industriels et institutionnels, les deux fondateurs de la start-up ont mené à bien cet investissement de 6 millions d’euros destiné à offrir différentes valorisations aux macro-algues qui prolifèrent dans l’étang de Berre.
De l’algue à la résine biosourcée
Employant six personnes, Eranova s’engage à récupérer les algues, après leur ramassage par les communes, à les transférer dans ses bassins pour les cultiver et les enrichir en amidon, puis à les transformer, par un procédé breveté, en une résine biosourcée que des plasturgistes pourront retravailler afin d’en faire tous types de produits finis souples ou rigides : contenants, films, sacs… "Nous avons mis au point une méthode et des applications, mais notre pilote et son laboratoire sont ouverts à d’autres acteurs qui étudient les potentialités des algues, souligne Philippe Lavoisier. Notre actionnariat compte des industriels."
D’autres pistes s’ouvrent, comme celle, par exemple, de la valorisation d’algues produites à partir de la récupération du CO2 des fumées des unités industrielles de la zone de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, dans le cadre du projet Vasco 3 sur le Grand Port Maritime. "Il y a beaucoup à imaginer", assure encore Philippe Lavoisier.
Pour le directeur général Philippe Michon, le démonstrateur va aider à standardiser des formulations et des productions. "Nous fabriquons les différents types de résines en fonction de leur fin de vie possible : réutilisation, recyclage, compostage, biodégradabilité. Notre résine est déjà validée pour le compostage domestique. Elle a aussi servi à la fabrication de caillebotis rigides et durables. Nous pouvons adresser plusieurs marchés, comme ceux du BTP, de la grande distribution…"
Ambition décuplée
Les deux dirigeants se projettent déjà sur un futur site de 100 hectares avec des bassins d’algues de 3 000 à 4 000 m2 et une usine de transformation à grande échelle. "Nous travaillons sur son financement par tranche de 30 hectares, indique Philippe Lavoisier. Avec ce pilote, nous avons posé les briques du développement d’une filière industrielle et environnementale. Nous espérons convaincre de nouveaux investisseurs et être soutenus par le Programme Investissements d’Avenir 4 de l’État ou les programmes européens pour appuyer ce projet, évalué à 63 millions d’euros".
Eranova va devoir aussi structurer sa chaîne d’approvisionnement. "Tout ce que nous pourrons collecter, nous le prendrons", assure Philippe Michon. Parmi leurs multiples supports et partenariats (Ademe, CEA, Ceva, Ifremer, Bpifrance, Région Sud, Métropole Aix-Marseille…), Eranova peut se targuer d’avoir su séduire dès 2017 TotalEnergies, qui lui a apporté une aide de 200 000 euros. "Cet appui a accru la crédibilité de notre projet auprès des banques qui savaient qu’il avait été scrupuleusement étudié et évalué", confie Philippe Lavoisier.
