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Digital Vision : « La vraie reprise ne se fera pas avant 2021 »
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Jean-François Boutin dirigeant de Digital Vision Digital Vision : « La vraie reprise ne se fera pas avant 2021 »

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Prestataire technique audiovisuel né à Nice en 2004, Digital Vision (10 salariés, CA : 2,2 M€) n’a toujours pas redémarré son activité. Après quatre mois à l'arrêt, l'entreprise est toujours dans l’attente de la reprise des matches de football, concerts, réunions de l’OCDE ou grands séminaires d’entreprise. Mais dans ce secteur événementiel particulièrement meurtri par la crise, son fondateur et dirigeant, Jean-François Boutin parvient à rester philosophe.

Prestataire technique en audiovisuel, l'entreprise niçoise Digital Vision est quasi à l'arrêt depuis le 7 mars — Photo : Digital Vision

Quelle est actuellement l’activité de Digital Vision (10 salariés, CA : 2,2 M€) ?

Jean-François Boutin : Nous sommes à l’arrêt depuis le 7 mars. A priori, à partir du 1er septembre, il n’y aura plus de restrictions sur les rassemblements de personnes. Cela ne veut pas dire pour autant que nous allons travailler. Nous savons que nous allons reprendre, mais pas dans quelles conditions.
Concernant nos prestations dans le football, une fois que le verrou réglementaire aura sauté, nous ne savons pas si les gens auront le cœur et l’envie de revenir au stade, s’ils n’auront plus de crainte à l’idée de se rassembler. Je ne suis pas très inquiet, même si cela doit prendre du temps. Mais concernant les concerts et les activités d’entreprise, nous sommes davantage dans l’expectative. Quelle grosse entreprise prendra le risque de mettre 400 collaborateurs dans une même salle de réunion pour leur parler de l’avenir ? Pour l’heure, nos clients nous disent attendre. Enfin, pour la partie artistique, quand un concert se tient à Bercy ou dans une grande salle de ce type, l’organisation se fait très en amont, entre trois et cinq mois à l’avance, il y a des répétitions, il y a un temps incompressible. El les artistes internationaux ne peuvent toujours pas voyager.

"Nous sommes toujours à 5 % de notre activité en termes de chiffre d’affaires."

En attendant, comment vous préparez-vous à cette reprise ?

Jean-François Boutin : Nous vivons actuellement grâce à l'organisation internationale d'études économiques OCDE. Pendant le confinement, nous avons à nouveau remporté leur appel d’offres, nous restons donc leur prestataire exclusif pour les quatre années à venir. Cela nous a redonné un peu de baume au cœur. Pour autant, même l’OCDE aujourd’hui ne sait pas comment se déroulera l’activité en septembre. En attendant, il n’y a plus de réunions physiques donc nous travaillons en mode dégradé.
Certaines petites choses se sont mises en place. Nous travaillons par exemple pour le centre de design de Toyota, basé à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes). Nous partons en Belgique fin juillet pour une prestation que nous menons régulièrement mais, là encore, ce sera en mode dégradé. Les dirigeants venant habituellement du Japon ne seront pas là cette année. Quant à notre activité liée au football, notre activité s’est résumée au déroulement technique de deux conférences de presse de l’OGC Nice… Nous sommes toujours à 5 % de notre activité en termes de chiffre d’affaires.

"Ce qui a fait notre force est que nous n'avions aucun endettement."

La pérennité de votre entreprise est-elle engagée ?

Jean-François Boutin : Nous ne gagnerons pas d’argent cette année mais nous n’en perdrons pas non plus. Les quinze premiers jours ont été extrêmement angoissants car tout était verrouillé et nous ne voyions pas la fin du tunnel, puis en analysant la situation de manière plus mathématique, je me suis un peu détendu. J’ai calculé les charges, les rentrées. Nous souffrons, comme tout le monde, mais dans le malheur collectif, je tire malgré tout mon épingle du jeu. L’événementiel est sans doute le secteur le plus sinistré en France et ce n’est pas fini. Ce qui a fait notre force est que nous avions aucun endettement, aucune ligne de crédit. Depuis, j’ai eu recours au prêt garanti par l'État sur les conseils de mon banquier. J'ai emprunté 300 000 euros que je n’utilise pas aujourd’hui, mais c'est une soupape de sécurité qui nous permettra certainement de pouvoir accélérer au redémarrage plutôt que pour combler des trous qui se seraient creusés pendant cette période.

Qu’en est-il de vos salariés ?

Jean-François Boutin : Mes 10 salariés permanents sont tous en chômage partiel, que je compense en partie pour atteindre plus de 90 % de leur salaire. Nous échangeons beaucoup depuis le début de la crise, et nous nous voyons régulièrement. Dans nos métiers, c’est un peu particulier, c’est assez familial. Mais il y a de nombreux intermittents, entre 30 et 40 chaque mois habituellement, que je n’emploie pas et qui sont dans une situation très compliquée.

"Nous attendons juste que le téléphone sonne."

À votre avis, quand reprendra vraiment votre activité ?

Jean-François Boutin : Cela reste indéfini. Il y aura quelques petites choses en septembre, notamment les assemblées générales des grandes entreprises. Nous sommes en train de développer un système de vote à distance sécurisé. Nous allons proposer cela à nos clients que sont Orange, Natixis, BNP Paribas. Le Forum Économique de l’OCDE, qui se déroule chaque année fin mai, a été reporté à décembre mais sans certitude, les ministres qui y assistent venant des quatre coins du monde.
Nous n’avons rien dans les tuyaux pour le dernier trimestre. Le calendrier aurait dû s’enclencher en ce moment. La vraie reprise ne se fera pas avant 2021. Le deuxième effet pervers de la crise est que les entreprises qui seront en capacité financière d’organiser des événements seront forcément moins nombreuses. L’angoisse du début passée, nous en sommes surtout aujourd’hui à trépigner car nous voulons y retourner. Nos métiers sont des métiers de passion, ils nous manquent. Le matériel a été révisé, le plein a été fait dans les camions… Nous attendons juste que le téléphone sonne.

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