Cinéma : vers un retour des grands studios en Région Sud
Enquête # Activités culturelles # Attractivité

Cinéma : vers un retour des grands studios en Région Sud

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Du 14 au 25 mai, la Croisette a vécu au rythme des crépitements des flashs des photographes et des montées des marches. En coulisses, les professionnels locaux du cinéma s’organisent. À Cannes, à Nice, à Martigues, ils sont en train de créer de grands studios, pour davantage ancrer le business lié au 7e Art dans la région.

A Nice, les historiques studios de la Victorine, qui fêtent cette année leur centième année d’existence, devraient entamer leur renaissance sous l’impulsion de la Ville — Photo : Photo : D.Gz.

Si le grand public ne retient que les faux pas ou la couleur des robes des stars qui montent les marches du Palais des festivals de Cannes, les professionnels de l’audiovisuel du monde entier, eux, se rendent sur la Croisette pour décrocher des financements et saisir des opportunités de business.

Rien d’étonnant à ce que la Région Sud devienne, tous les ans, l’épicentre mondial du cinéma. Depuis les tout premiers tours de manivelle des frères Lumière à La Ciotat, le territoire entretient une relation étroite avec le 7e Art. « Le cinéma et la création audiovisuelle sont dans l’ADN de notre région, qui, chaque année, fournit les décors naturels de dizaines de productions », souligne Renaud Muselier, président de la Région Sud. Ainsi, selon la Commission régionale du film, la région est la deuxième en France pour l’accueil de tournages et les 5 000 jours de tournage annuels génèrent plus de 130 M€ de retombées directes. En 2017, dans les Alpes-Maritimes, 460 projets, de toute nature (films, séries, documentaires, clips, pub…), ont été réalisés, engendrant 23 000 nuitées hôtelières, 51 M€ de retombées économiques directes et plus de 117 M€ de retombées indirectes.

L'engouement pour les séries a changé la donne

Du côté de Marseille, la commission locale annonce 481 tournages, pour 1 100 journées de tournage et près de 70 M€ de retombées économiques, notamment dans l’hôtellerie et la restauration. Les productions viennent chercher en Région Sud une incomparable lumière, 2 500 heures de soleil par an, et des paysages variés : des eaux turquoise des calanques marseillaises aux cimes enneigées des Alpes…

Mais trop souvent, les productions se contentaient de tourner en extérieur, puis réalisaient les scènes intérieures en studio, à Paris. L’engouement des séries a changé la donne. Les productions ont besoin de se fixer, de réaliser des extérieurs, mais également de retrouver des décors d’une saison sur l’autre et ce, parfois, pendant des dizaines d’années, à l'image de l’emblématique Plus belle la vie, dont les épisodes s’égrènent quotidiennement sur France 3 depuis le 30 août 2004, et qui occupe depuis cette date l’intégralité du studio du pôle Média de la Belle de Mai, à Marseille.

« Les séries télé ont sauvé les studios, mais les studios ont aussi sauvé les séries. »

Aujourd’hui, les projets de studios se multiplient dans la région. « Les séries ont sauvé les studios, mais les studios ont aussi sauvé les séries », confie Olivier Marchetti, créateur et directeur de Provence Studios, qui a fait le pari fou d’installer de véritables studios de cinéma à Martigues depuis maintenant six ans, dans un immense bâtiment logistique de 26 000 m², propriété de la famille Marchetti depuis 1995. Actuellement, six studios sont opérationnels sur le site, mais à terme Provence Studios devrait en proposer onze, sur 22 hectares de terrain, où peuvent être réalisés des extérieurs. La série franco-belge La stagiaire, diffusée sur France 3 depuis 2015 et jusque-là tournée dans le tribunal d’Aix-en-Provence, vient d’intégrer pour trois ans, l'un des plateaux de 1 500 m² de Provence Studios.

À Nice, le renouveau de la Victorine

Du côté de Nice, les historiques studios de la Victorine, qui fêtent cette année leur centième année d’existence, devraient entamer leur renaissance sous l’impulsion de la Ville de Nice. Elle a repris, depuis un an, la gestion des lieux en régie. Le site de 7 hectares, où ont été tournés Les Enfants du Paradis, La Nuit américaine ou Brice de Nice, est, depuis de nombreuses années, tombé en désuétude. Pourtant, « Nice n’a jamais cessé d’être une terre de tournages. Il y a toujours eu des tournages à la Victorine mais c’est épisodique. Il n’y a pas de réelle direction commerciale », explique Eric Garandeau.

Ancien président du Centre National du Cinéma, l’homme est à la tête du Comité Victorine, qui doit définir les orientations stratégiques pour le renouveau des studios. Dans son rapport, il décrit les lieux comme « un village fantôme. Ses installations sont vétustes. » Précisant encore : « Avec 10 plateaux offrant une surface cumulée de 6 000 m², les Studios de la Victorine sont des studios de taille très moyenne au regard de leurs concurrents. Il semble pertinent de concentrer la stratégie sur des segments qui ne nécessitent pas des surfaces de travail considérables : films d’auteurs, films à effets visuels ou films publicitaires. » Le maire de Nice, Christian Estrosi, souligne : « Nous avons fait inscrire qu’à tout jamais, plus rien ne pourra être aménagé ni bâti qui soit en contradiction avec l’histoire et l’avenir du cinéma sur l’emprise de la Victorine. »

Confié au cabinet d’architectes Oxo, le projet de cette nouvelle Victorine n’a pas encore été dévoilé. On sait en revanche qu’il prévoit, entre autres, la construction d’un plateau de 3 000 m². Le business plan a été confié à EY. Un projet que soutient le ministre de la Culture, Franck Riester : « Ces studios doivent revivre. Nous avons besoin de pouvoir tourner des films et des séries en France, sinon, cela se fera ailleurs. Et nous manquons actuellement de studios en France. »

Une synergie entre la Victorine et Provence Studios semble se dessiner. « Il y a moyen de mutualiser des moyens techniques et commerciaux entre les deux sites. Nous sommes en complémentarité, évoque Olivier Marchetti. Des choses devraient se décider dans le courant de l’année. La Victorine a un peu été laissée à l’abandon, le site sent le fantôme et les équipes de tournage aiment ça. Il y a un réel potentiel… »

Bientôt le plus grand studio d’Europe à Cannes

À quelques kilomètres de Nice, la ville du Festival ne veut pas se contenter des strass et des paillettes et souhaite s’affirmer comme un lieu de production de contenus. « Il y a quatre ans, mon associé Laurent Aurion a été contacté par le maire de Cannes David Lisnard, pour faire vivre un projet dans un ancien bâtiment industriel », nous explique Karim Succar. Les deux hommes, qui évoluent dans la production audiovisuelle, portent l’Avant-Garde. Mais ils voient aussi plus grand, avec un projet de studios à l’ouest de la ville, dans le quartier de la Bocca, sur l’ancien site de l’usine de rénovation ferroviaire AnseldoBreda. Une friche de 5,7 hectares en bord de mer.

« L’avant-projet est validé, on entre dans la phase d’étude », détaille Karim Succar. « Il comprend 9 plateaux d’une superficie totale de 24 000 m². Le plus grand mesurera 8 000 m² et sera le plus grand d’Europe ». Budget total : 140 M€. « Les financements sont internationaux, mais la Caisse des Dépôts et Bpifrance sont aussi intéressés. À Cannes, il y a une vraie attractivité qu’il n’y a pas ailleurs… »

Entre la dépollution du terrain, le démontage des structures et la construction, ces studios ne verront pas le jour avant cinq ou six ans. Pendant ce temps, sur un terrain tout proche se crée la Bastide Rouge, un technopôle comprenant un campus universitaire et un hôtel d’entreprises dédiés à la filière.

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