« Le Green New Deal va définir des trajectoires d’avenir pour nos industries »
Interview # Services # Politique économique

Nadia Pellefigue vice-présidente de la Région Occitanie en charge du Développement économique « Le Green New Deal va définir des trajectoires d’avenir pour nos industries »

S'abonner

Depuis le début de la crise sanitaire, la Région Occitanie a mobilisé plus de 580 millions d’euros pour soutenir dans l’urgence le tissu économique local. Une nouvelle phase vient de s’ouvrir avec l’adoption du Green New Deal, qui doit favoriser l’émergence de nouveaux modèles économiques sur le territoire. Explications.

Photo : Emmanuel Grimault

Le conseil régional d’Occitanie doit adopter ce 19 novembre en session plénière le Green New Deal. Quelles sont les objectifs de ce plan ?

Nadia Pellefigue. Rappelons d’abord que le Green New Deal s’inscrit dans la lignée de ce que la Région Occitanie a initié depuis le début de la crise pour soutenir l’économie locale. Quelques semaines à peine après le premier confinement, un certain nombre de nos TPE et PME se sont retrouvées en rupture de trésorerie. Nous avons alors placé notre action sur la gestion de l’urgence, avec le lancement de dispositifs de soutien aux entreprises et aux dirigeants, notamment via des fonds régionaux complémentaires au fonds de solidarité nationale. Cette première phase a mobilisé 371 M€, au bénéfice exclusif des TPE et PME du territoire. La Région Occitanie a ensuite travaillé à la relance avec une enveloppe totale de 211 M€, décline dans plusieurs plans de soutien sectoriels sur l’aéronautique, la viticulture, le tourisme, le BTP... Le Green New Deal constitue la troisième phase de notre action, positionnée sur le moyen et le long terme, avec l’objectif de bâtir un nouveau projet de société.

La présidente de la Région Occitanie Carole Delga (à gauche) et sa vice-présidente au Développement économique Nadia Pellefigue — Photo : Région Occitanie

Quelle serait la traduction de ce plan pour les entreprises ?

NP. L’objectif global du Green New Deal est de préparer le territoire à une transformation durable de ses modèles. La durabilité s’entend pour nous dans la création d’un modèle plus respectueux de l’environnement – l’Occitanie a été la première région à se donner l’objectif de devenir région à énergie positive en 2050 – mais aussi sur la localisation des emplois et la création de valeur locale. C’est ce que nous allons mesurer avec un indicateur de « valeur ajoutée territoriale » que nous jugeons plus probant, en matière d’orientation des politiques publiques et d’aménagement du territoire, que la seule indication de croissance du PIB. Le Green New Deal doit donc positionner des aides sur des trajectoires économiques durables pour le territoire, et en même temps répondre à des besoins qui n’ont pas été satisfaits pendant la crise.

Vous pensez à la production d’équipements sanitaires ?

NP. C’est l’un des principaux enjeux. Une question a hanté tous les esprits au printemps : où sont les masques ? Le constat a été unanime : malgré son outil productif industriel, la France n’a pas été en capacité de répondre à un besoin essentiel pour sa population, et s’est retrouvée suspendue aux importations. Cela a interrogé notre modèle économique mais aussi la façon dont les pouvoirs publics anticipent les situations de crise. Le Green New Deal doit aider à repositionner les industries sur trois secteurs essentiels pour nos populations : la santé, l’alimentation et l’énergie. Sur ces trois domaines, même s’il n’y a pas encore de modèle économique, la Région Occitanie a vocation à aider des acteurs privés à se développer. Quand on mène des politiques publiques, c’est bien d’avoir un objectif d’industrialisation, c’est encore mieux de mettre en place des modalités qui le rendent possible.

« Sur les marché émergents, la Région pourra intervenir en soutien des acteurs privés l’Agence régionale des investissements stratégiques (Aris). »

Comment la Région Occitanie va-t-elle prioriser ses interventions ?

NP. Prenons un exemple sur l’alimentation. Pendant le premier confinement, il n’y a pas eu de rupture majeure sur les approvisionnements, on a pu avoir le sentiment que tout s’est bien passé. Mais l’exemple de la farine est éclairant : les rayons de nos supermarchés ont été vides pendant plusieurs jours alors que l’Occitanie est la première région française pour la production de blé dur. Ces ruptures temporaires n’étaient pas dues au manque de matières premières ou de capacités de transformation, mais à la pénurie de sachets pour vendre la farine. Nous lançons, pour le secteur agroalimentaire, un chantier pour réinstaller des capacités de production d’emballages et de conditionnements des farines produits en Occitanie. Cela pourra créer de nouveaux débouchés pour d’autres acteurs locaux : quand on parle d’emballage, l’Occitanie dispose d’une filière bois-forêt mais aussi de capacités de production de pâte à papier. La démarche sera la même pour les autres secteurs jugés prioritaires : repérer de manière précise les manques dans la chaîne de production et essayer de les combler. Nous nous appuierons sur nos services et notre agence de développement économique Ad’Occ pour identifier les besoins et prioriser nos interventions.

Quels seront concrètement les mécanismes de soutien ?

NP. Sur des marchés inconnus, il est logique qu’il y ait peu d’acteurs privés qui veuillent porter seuls le risque financier. La Région pourra intervenir avec un outil créé au sortir de la crise, l’Agence régionale des investissements stratégiques (Aris). Une fois identifiés les maillons manquants dans la chaîne de production, nous sommes en capacité avec l’Aris de monter au capital des entreprises jusqu’à 49%, avec un comportement d’investisseur patient qui permettra à l’entreprise d’avoir le temps de monter son activité et de trouver ses marchés. Une fois l’activité stabilisée, l’Aris pourra retirer ses capitaux et les investir dans un autre secteur prioritaire.

Outre la réponse aux besoins essentiels, quelles autres filières économiques souhaitez-vous soutenir ?

Décidée fin avril, la création d’une Agence régionale pour les investissements stratégiques (Aris) doit favoriser la mobilisation des acteurs privés sur des secteurs essentiels aux besoins des populations — Photo : Région Occitanie

NP. Le Green New Deal va proposer des trajectoires d’avenir pour des secteurs sur lesquels notre territoire peut devenir un leader européen, sinon mondial. Citons d’abord les mobilités durables et intelligentes, pour lesquelles notre région possède de nombreux atouts : une recherche académique soutenue et un maillage de PME, de start-up et de grands groupes qui ont développé des technologies rapidement transférables, notamment pour les entreprises du secteur aéronautique. Nous estimons que ces mobilités durables et intelligentes représentent une réelle capacité de transferts d’emplois depuis des secteurs industriels plus sinistrés. De la même manière, nous considérons que l’Occitanie est en position de prendre leadership sur la filière émergente de l’hydrogène vert. Le numérique est une autre filière d’avenir pour la région, notamment sur l’intelligence artificielle, même si à court terme le secteur souffre des difficultés du secteur aéronautique, qui pèse 50% des commandes des ESN dans la région.

La crise sanitaire a donné un second souffle au thème de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Le Green New Deal prend-il en compte cet enjeu ?

NP. Nous souhaitons effectivement accompagner les entreprises modèles en matière d’entrepreneuriat engagé, ou dit autrement des entreprises à impact positif. L’objectif est de soutenir les PME les plus audacieuses en matière sociale ou environnementale, et qui s’intègrent au mieux dans la chaîne de valeur régionale. Le Green New deal va donner aux entreprises la possibilité de réaliser un diagnostic sur leurs pratiques d’achats, avec l’objectif d’identifier des fournisseurs régionaux en capacité de répondre aux besoins, pas seulement sur les commandes publiques mais sur l’ensemble de leur activité. Nous envisageons des aides spécifiques pour prendre en charge les surcoûts engendrés dans un premier temps par le changement des fournisseurs. En agissant ainsi, la Région accroît la valeur ajoutée créée sur son territoire, et les entreprises ont le temps de définir un modèle basé sur des relations de proximité, de circuit court, dont on a vu l’importance pendant le confinement. Le bénéfice est immédiat pour l’environnement, il peut l’être à terme pour l’emploi. Ces derniers mois le débat public s’est orienté sur la relocalisation : en réalité, nous affirmons avec le Green New Deal que l’enjeu majeur est sur la localisation de l’activité économique.

# Services # Industrie # Politique économique