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Suresh Radhakrishnan : « Le cœur de Remade doit rester en Normandie »
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Suresh Radhakrishnan repreneur de Remade et PDG de Fourth Wave Technology Suresh Radhakrishnan : « Le cœur de Remade doit rester en Normandie »

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Placée en redressement judiciaire en septembre dernier, puis en liquidation judiciaire le 18 novembre 2019, l’entreprise de reconditionnement de smartphones Remade, basée à Poilley, dans la Manche, a finalement été reprise par l'homme d'affaires britannique Suresh Radhakrishnan, PDG de Fourth Wave Technology. L’offre de reprise a été acceptée par le tribunal de commerce de Rouen, le 16 janvier 2020. Le nouvel homme fort de Remade nous confie ses projets pour relever la société normande.

Suresh Radhakrishnan, PDG de Remade, souhaite faire du site de Poilley un centre d’excellence et s’ouvrir au marché européen
— Photo : © Isabelle Evrard - Le Journal des Entreprises

Le Journal des Entreprises : Quelles sont les raisons qui vous ont motivé à reprendre l’entreprise Remade ?

Suresh Radhakrishnan : En étudiant le dossier pendant plusieurs mois, je me suis rendu compte que Remade avait vraiment un potentiel unique. Elle a été la première entreprise à transformer le reconditionnement de smartphones en une industrie organisée, avec de véritables processus de déconstruction, puis de reconstruction. Rien à voir avec les entreprises de nettoyage de smartphones, comme j’en ai pu en visiter ailleurs dans le monde.

Quels sont exactement les effectifs qui vont être conservés ?

S.R. : Cent seize salariés, sur les 328 de Remade SAS, sont repris. Un salarié du centre de formation Remade Academy et un autre de Remade Group se sont vu également proposer un transfert de contrat vers Remade SAS.

Quelles sont vos priorités, en tant que nouveau dirigeant ?

S.R. : Je suis conscient que, depuis plusieurs mois, l’entreprise et les salariés de Remade ont connu des moments très difficiles et je suis vraiment désolé pour les personnes qui ont perdu leur travail. Avant tout, ce qui est important, c’est de retrouver la confiance des salariés, des partenaires et des politiques, afin de reconstruire l’entreprise dans les meilleures conditions possibles.

« Nous devons changer la culture de l’entreprise et construire, ensemble, une vraie communauté Remade. »

Nous devons changer la culture de l’entreprise et construire, ensemble, une vraie communauté Remade. Je veux que la communication soit rétablie et prendre le temps d’écouter les problèmes des salariés : cela ne veut pas dire que nous allons dire oui à tout, mais nous ferons en sorte d’apporter une réponse à chacun.

Il n’y a plus qu’une seule équipe, c’est celle de Remade. Pour pouvoir embarquer tout le monde dans cette nouvelle aventure, il est essentiel que l’équipe se sente fière de travailler pour Remade. Tout le soutien que j’ai reçu depuis mon arrivée est absolument incroyable, les gens ont vraiment envie de construire quelque chose ici, à Poilley.

Suresh Radhakrishnan, lors de son arrivée dans l'entreprise: (ici entouré de Sophia Garcia, secrétaire du CSE et Martin Desseaux, responsable de la communication): le nouveau PDG souhaite investir dans la R & D et la formation des salariés — Photo : © Isabelle Evrard - Le Journal des Entreprises

Sur le site de Poilley, Remade comptait jusqu’à 328 salariés. Vous repartez avec moitié moins de salariés. L’outil industriel n’est-il pas surdimensionné aujourd’hui ?

S.R. : Non, car j’espère que nous allons vite grandir et même d’ici à la fin de l’année ! Mais il faut d’abord redémarrer l’activité et regagner la confiance de nos acheteurs. J’ai bien sûr des objectifs, mais il est trop tôt pour parler chiffres, nous devons travailler étape par étape.

Pourquoi conserver l’usine en France ? N’est-il pas plus simple de l’installer en Asie ?

S.R. : Je reconnais que la France n’est pas le pays le moins cher au niveau de la main-d’œuvre : mais s’installer en France a du sens, si l’on veut vraiment faire des produits de haute qualité.

« L’objectif n’est pas de rivaliser avec les prix asiatiques, mais de faire de ce site normand, un centre d’excellence. »

Par ailleurs, il faut savoir que l’activité du reconditionnement de téléphones est illégale en Chine. Est-ce que d’autres pays peuvent le faire ? Bien sûr, mais l’objectif n’est pas de rivaliser avec les prix asiatiques, mais de faire de ce site normand, un centre d’excellence. Et c’est pour cela que je souhaite que cette usine reste basée à Poilley, et ce, dans une optique de se repositionner sur le marché français, puis de s’ouvrir au marché européen.

Quels sont vos projets de développement pour cette année ?

S.R. : Notre objectif est de repartir sur les bases construites et sur le savoir-faire acquis par Remade dans le passé, mais nous voulons aller encore plus loin. En mettant l’accent principalement sur la R & D. Car notre objectif est de créer des produits de très haute qualité.

Cela nécessitera plusieurs phases : l’amélioration de la qualité des composants inclus dans les téléphones, l’amélioration des process, la formation des salariés à la réparation des produits. Quand les gens achètent un produit Remade, ils doivent avoir la même confiance que s’ils achetaient un produit neuf.

Le marché du reconditionnement est-il un marché porteur ?

S.R. : Le reconditionné, au niveau mondial, aujourd’hui, n’est ni un marché reconnu, ni normé et pas du tout structuré. Avec Remade, nous avons l’occasion de bâtir un marché du reconditionnement qui soit respecté et organisé.

Ce qui est certain, c’est que ce marché grandit très vite, et ce, pour deux raisons : les innovations dans le marché des smartphones commencent à ralentir, donc les gens sont de plus en plus enclins à accepter des produits reconditionnés. De plus, le monde réalise aujourd’hui que c’est important d’être plus « vert » et de respecter l’environnement. Acheter du reconditionné est aussi l’occasion de baisser son empreinte carbone.

Quelle est votre stratégie vis-à-vis d’Apple ?

S.R. : Nous avons entamé un dialogue avec la direction d’Apple, qui, jusqu'ici, ne reconnaissait pas notre société. Mais c’est une démarche très longue et complexe, car il y a beaucoup de services impliqués. Nous devons être transparents avec Apple et arriver à leur faire comprendre que nous sommes une société légitime et qu’avec nos produits reconditionnés, donc à prix plus modéré que le modèle d’origine, nous touchons une clientèle jeune qui n’a pas forcément accès à leurs produits. Et lorsque les jeunes sont sensibilisés très tôt à l’iOS et aux logiciels Apple, ils y restent plus facilement fidèles à l’âge adulte.

Les difficultés juridiques et sociales ont mis Remade à l’arrêt pendant plus de six mois. Quand serez-vous prêt à redémarrer la production ?

S.R. : L’usine de Poilley dispose d’un stock de 15 000 téléphones, prêts à être remis sur le marché, mais ils devront, avant cela, subir tous les tests de vérification, afin de s’assurer de la qualité des produits. La production devrait redémarrer d’ici au mois de mars.

Connaissiez-vous la Normandie avant votre arrivée à Remade ?

S.R. : Bien sûr ! Qui ne connaît pas le Mont Saint-Michel et les plages du Débarquement ?! Je suis venu passer un mois complet avec ma famille en août 2019 et j’ai eu le temps de me familiariser avec la région…

Vous êtes de nationalité britannique et le siège de Fourth Wave Technology est à Londres. Combien de jours serez-vous présent dans l’usine de Poilley ?

S.R. : Tous les lundis. Et au moins quatre jours par semaine. Le reste du temps, il me faudra voyager, en Chine notamment, pour trouver des fournisseurs, des acheteurs… J’ai d’ores et déjà mis en place des équipes dans d’autres pays, prêtes à distribuer les produits Remade, notamment en Russie et au Moyen Orient…. Mais la France reste le pays le plus important : le cœur de la société est et doit rester ici.


Qui est Suresh Radhakrishnan ?

Âgé de 54 ans, Suresh Radhakrishnan est d’origine indienne et de nationalité britannique. Ingénieur de formation, il a fait ses premières armes en Inde, chez Danone et DHL, avant de fonder, en 2002, le groupe Meridian Telecom, et de lancer, en 2003, sa marque de téléphone « Fly », devenue numéro un de la téléphonie en Russie. Installé aujourd'hui à Londres, il a fondé Creative Technology Solutions (CTS) en 2019, initialement dans le but de développer une activité de grossiste destinée à revendre les produits Remade sur des marchés émergents et au Royaume Uni. Aujourd'hui, CTS travaille également pour Remade avec ses équipes en Chine afin de développer et améliorer le sourcing de composants et d'accessoires en Asie. CTS emploie une vingtaine de personnes reparties sur des marchés clés (UK, Moyen Orient, Russie, Chine...).

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