Quelle gouvernance pour les ports normands ?
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Quelle gouvernance pour les ports normands ?

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Dimensionnés pour être compétitifs à l’international, les ports normands souffrent d’un délicat problème de gouvernance. Si l’État veut donner plus d’importance à l’ensemble en y conservant toute sa place, Hervé Morin, président de la Région Normandie, veut prendre le leadership en matière stratégique et commerciale. Une recomposition à venir pour laquelle les unions maritimes et portuaires ne veulent pas rester en rade.

— Photo : JDE

Avec sept ports de commerce sur son territoire, la Normandie dispose d’un outil global de dimension internationale par lequel transitent environ 100 millions de tonnes de fret maritime par an. Un gisement important certes, mais représentant moins de 10 % de la masse traitée sur l’ensemble de la rangée portuaire continentale nord-européenne, qui s’égrène entre Le Havre et Hambourg.

Une gouvernance qui a atteint ses limites

A la suite de la réunification administrative de la Région et dans la perspective d’une nouvelle politique de la Mer, présentée par le Premier ministre Édouard Philippe, en novembre 2017, au Havre, devant le monde maritime et portuaire français, on peut s’attendre à une redistribution des cartes dans la gouvernance des ports normands entre l’État, les opérateurs privés, et la Région qui a affiché de grandes ambitions en la matière.

« Je ne m’habitue pas à ce qu’Anvers soit le premier port de France », déclarait alors le Premier ministre, avant d’évoquer « les trois systèmes portuaires français qui ont clairement un intérêt européen et international (Axe Seine (Le Havre-Rouen-Paris), Marseille- Axe Rhône, Dunkerque, NDLR), et qui, pour cette raison, doivent demeurer dans le giron de l’État ». En premier lieu, « l’ensemble portuaire de l’Axe Seine qui commence à la digue sud du Havre et qui continue jusqu’au Pont-Neuf à Paris et même bien au-delà ». Mais, ajoutait Édouard Philippe, même si le GIE Haropa lui a conféré une meilleure lisibilité, « on sent bien que sa gouvernance a atteint ses limites ; qu’il faut plus d’intégration, un pilotage beaucoup plus unifié qui inclut au même niveau les trois ports : Le Havre, Rouen et Paris ». Toutefois, à mi-octobre, rien n’avait fuité du rapport demandé à ce sujet et remis fin mars par le préfet François Philizot, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine.

>> Lire notre interview d'Alain Verna, président de Logistique Seine Normandie : « Notre ambition est qu'Haropa soit plus que le port de Paris »

La Région Normandie reprend la main

Quelques jours avant l’intervention du Premier ministre, Hervé Morin, président de la Région Normandie, avait choisi Port-Jérôme pour exposer, devant un large auditoire, sa thérapie de choc, visant à « faire du complexe portuaire normand la colonne vertébrale de l’économie, et non plus une priorité parmi d’autres ».

« Je crois que l’État sait gérer des ports d’un point de vue technique, mais pas d’un point de vue stratégique et commercial, et qu’il ne sait pas en faire les puissants vecteurs de développement économique et territorial » estimait-il. Avant d’en déduire : « C’est donc à la Normandie d’être le chef de file de ses ports, de son hinterland, et d'être l’ensemblier de tous les maillons de la chaîne de l’économie portuaire ».

Cette approche politique s’appuie globalement sur la compétence donnée aux Régions en matière économique par la loi Notre, et plus spécifiquement sur la participation, souvent déterminante, de la collectivité locale normande dans le financement des infrastructures des ports de Rouen et du Havre, aux côtés de l’État.

La Région Normandie soutiendra les programmes d’investissement adoptés par les conseils de surveillance de chacun des deux établissements publics. Leur montant s’élève à 610 millions d’euros (dont 550 millions pour le développement) au Havre, et 290 millions (dont 180 millions de développement) à Rouen. Le 21 septembre, Hervé Morin s’est engagé à ce que la Région finance en totalité (hors subventions européennes) la chatière d’accès fluvial à Port 2000, dont le coût est évalué à 125 millions d’euros.

Les unions maritimes et portuaires ne veulent pas rester en rade

La vision de la gouvernance des ports normands exprimée par Hervé Morin reflète aussi l’influence des Unions maritimes et portuaires. Regroupant les syndicats professionnels (transitaires, manutentionnaires, agents maritimes…), attachées viscéralement à leur port, et très représentatives des sensibilités du terrain, celles-ci font régulièrement valoir l’importance des investissements portuaires privés (silos céréaliers, parcs logistiques, terminaux de manutention, stockage de produits pétroliers et chimiques…). Avec des retombées dans le tertiaire qui valorisent fortement l’image des places portuaires, comme la présence de l’assurance maritime et transports (Helvetia) au Havre, ou l’implantation annoncée du siège social de Sénalia à Rouen.

« Nous devons participer à la gouvernance portuaire. Pas sur un strapontin pour être entendu, mais avec un siège avec pouvoir de décision, pour être véritablement écouté et respecté » soulignait Michel Segain, récemment reconduit à la tête de l’Umep du Havre. Une volonté partagée à Rouen, où Christian Boulocher a été élu président de l’UPR, pour succéder à Philippe Dehays au terme de son mandat.

En attendant la « révolution copernicienne » qu’il appelle de ses vœux pour la gouvernance des ports normands, Hervé Morin devrait logiquement prendre la présidence du Syndicat mixte Ports de Normandie qui va regrouper Dieppe, Caen-Ouistreham, et Cherbourg. Les départements et agglomérations concernées seront partenaires de la Région dans cette structure qui sera opérationnelle le 1er janvier 2019.

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