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Les ports d'Haropa veulent jouer dans la cour des grands
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Les ports d'Haropa veulent jouer dans la cour des grands

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Sujet récurrent depuis des décennies, la fusion portuaire Rouen - Le Havre deviendra une réalité le 1er juin 2021, avec l’officialisation d’Haropa, nouveau grand port maritime d’État, auquel se joindra Ports de Paris au sein d’un même Établissement public. Avec un trafic annuel global de 110 Mt de fret maritime et fluvial, l’établissement qui succédera au Gie Haropa emploiera 1 800 personnes.

Le 22 janvier dernier au Havre où il est venu présider les travaux d’un Comité Interministériel de la Mer (CIMer) très attendu, le Premier ministre Jean Castex a confirmé que la nouvelle entité Haropa y aurait son siège — Photo : JDE

Nommé en novembre 2020 préfigurateur du futur Grand Port Maritime d’État, Stéphane Raison (qui dirigeait auparavant le GPM de Dunkerque) conduit avec détermination la gestation de la nouvelle structure d’Haropa, réunion des ports de l’Axe Seine (Rouen, Le Havre et Paris). Avec pour objectif majeur de reprendre des parts de marché à la concurrence représentée par les ports d’Anvers en Belgique (qui vient d’annoncer sa fusion avec celui de Zeebrugges) et de Rotterdam (Pays bas) très incisifs sur l’hinterland des ports de l’Axe Seine. Notamment en matière de trafic conteneurisé où le différentiel entre Le Havre et ses grands rivaux n’a cessé de se creuser au fil des années.

Dès sa nomination, et sur la base des travaux de la Mission de préfiguration conduite par Catherine Rivoallon (devenue présidente de Ports de Paris), Stéphane Raison s’est employé à "affiner les orientations du projet stratégique à l’horizon de cinq ans et à finaliser les propositions d’organisation institutionnelles". Cela avec le concours des directeurs généraux des trois établissements concernés Pascal Gabet à Rouen, Baptiste Maurand au Havre, et Antoine Berbain à Paris.

Le Havre devient le siège d’Haropa

Le 22 janvier 2021, au Havre, où il est venu présider les travaux d’un Comité Interministériel de la Mer (CIMer) très attendu, le Premier ministre Jean Castex a confirmé que la nouvelle entité y aurait son siège. À la grande satisfaction de l’influente place portuaire havraise particulièrement partisane de la fusion. Fédérée autour de l’Umep (Union maritime portuaire) que préside Philippe Segain, celle-ci a bénéficié du soutien de son maire, Édouard Philippe, qui l’avait politiquement mise sur rail quand il était lui-même à Matignon.

Longtemps très réservée quant à la perspective d’une telle union, la place portuaire rouennaise s’y est finalement ralliée, briguant même ce siège prestigieux. Christian Boullocher, président de l’Union Portuaire Rouennaise (Upr) et Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et président de la Métropole Rouen Normandie, avaient défendu avec pugnacité les avantages de la centralité de Rouen dans l’Axe Seine. S’ils n’ont pas été entendus sur ce point, les Rouennais ont obtenu le soutien du Premier ministre pour que l’un des leurs, Daniel Havis, le président d’honneur de la Matmut, préside le futur Conseil de surveillance du nouvel établissement public dont la gouvernance reste à boucler.

Un atout majeur pour la politique portuaire française

La structure mise en place pour l’intégration des trois ports séquaniens apparaît déjà comme devant jouer un rôle pilote dans la nouvelle politique portuaire du pays dont les professionnels concernés attendent maintenant la présentation officielle. On sait que parmi les objectifs adoptés par le CIMer de janvier figure celui de "porter de 60 % (actuellement) à 80 % la part du fret conteneurisé à destination ou en provenance de la France manutentionnée dans nos ports à l’horizon 2050".

Un message reçu cinq sur cinq au Havre, principale place portuaire française de la spécialité qui, pour des raisons exogènes diverses, n’est pas parvenue à décoller du socle des 3 millions de conteneurs Evp (équivalent à l’unité standard de 20 pieds de longueur) frôlé en 2018. Dans le même temps, les ports d’Anvers et de Rotterdam n’ont cessé de prendre de l’altitude bien au-dessus des 10 millions de "boîtes".

Un plan d’investissement de près de 1,5 milliard d’euros

"Pour être à la hauteur des ambitions, l’État a décidé d’arrêter un plan d’investissement à hauteur de 1,450 milliard d’euros sur la période 2020 – 2027 qui va correspondre à un doublement dans les trois implantations", a indiqué Jean Castex. "Cette manne retombera donc sur Le Havre (800 millions d'euros), Paris (370 millions d'euros) et Rouen (280 millions d'euros) via 130 opérations", précise Stéphane Raison. Parmi celles-ci figurent des travaux de grande envergure comme les deux derniers postes à quai (11 et 12) de Port 2000, la chatière fluviale d’accès direct à ce terminal, Seine-Métropole Ouest à la confluence de la Seine, de l’Oise et du futur débouché sur le Canal seine Nord Europe dont la mise en service est prévue pour 2028…

Cette somme sera autofinancée à hauteur de 50 % par l’établissement public résultant de la fusion des trois ports. L’État contribuera à hauteur de 220 millions d’euros, les Régions Île-de-France et Normandie apporteront 200 millions d’euros. Les discussions se poursuivent avec les collectivités locales concernées. Les fonds européens seront également sollicités.

Pour rappel, sur l'ensemble des trois ports d'Haropa en 2020, les investissements publics ont totalisé 180 millions d'euros et ceux des entreprises privées 300 millions d'euros.

Des ports qui résistent dans la tempête

En attendant, avec 108 millions de tonnes de trafic au compteur - 54 millions de tonnes au Havre, 22,3 à Rouen et 33 à Paris - pour l’exercice 2020, les ports d’Haropa auront montré leur résilience dans un contexte chahuté par la pandémie. Un tonnage total en baisse de "seulement" 6 % grâce à la montagne de céréales (8,8 millions de tonnes) exportée via Rouen où les navires de taille Panamax sont de plus en plus nombreux grâce à l’amélioration du chenal. En chute de 17 %, le trafic conteneurisé est, quant à lui, revenu à 2,4 M d’EVP maritimes et 383 000 EVP fluviaux.

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