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Rue de la République : L'avenir se couvre d'incertitudes
Enquête Marseille # Immobilier

Rue de la République : L'avenir se couvre d'incertitudes

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Avec l'annonce de la possible cession par le groupe Eurazeo de sa filiale ANF immobilier, propriétaire de la majeure partie de la rue de la République, à Marseille, l'avenir de l'artère haussmannienne se couvre d'incertitudes. Tandis qu'élus et investisseurs affichent leur confiance, les commerçants, eux, restent partagés.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Tout a commencé par une rumeur. ANF Immobilier, l'un des deux grands propriétaires de la rue de la République, à Marseille, serait à vendre, et plusieurs investisseurs seraient même déjà sur les rangs. La confirmation d'Eurazeo, le groupe qui contrôle ANF, est finalement tombée le 23avril dernier, lapidaire: «À la suite de marques d'intérêts non sollicitées concernant ANF Immobilier, la Banque Lazard a été mandatée afin d'étudier les différentes options de cessions possibles. À ce jour, ni le principe, ni le périmètre, ni a fortiori les termes d'une telle cession n'ont été décidés». Eurazeo ne nous en dira pas plus. «Rien n'est encore décidé, donc pas de commentaire», se contente-t-on de nous seriner. Purement capitalistique, cette opération pourrait pourtant avoir des effets concrets sur le processus de redéploiement commercial qui anime la rue de la République, sous le contrôle étroit de la Ville de Marseille.

Message de confiance

Face aux craintes que génèrerait un bouleversement dans la stratégie de concertation dessinée par les deux grands propriétaires de l'artère haussmannienne - ANF et Atemi -, le message se veut rassurant. À la mairie de Marseille, l'adjointe chargée du commerce, Solange Biaggi, estime que «la vente éventuelle d'ANF ne remettrait pas en cause le développement de la rue. D'une part parce qu'ils ont presque terminé leur travail de commercialisation, et d'autre part parce que la Ville travaille de manière positive avec tous ceux qui investissent». Même son de cloche chez Jérôme Le Grelle, président de la société Convergences CVL, chargée de la commercialisation du patrimoine d'Atemi: «Idéalement, cette vente potentielle ne devrait pas modifier la politique de commercialisation de la rue. L'intérêt des deux parties est en effet de conserver la vision commune définie depuis plusieurs mois. Tout acquéreur du patrimoine d'ANF devrait à mon avis continuer dans ce sens à collaborer avec Atemi. Car c'est la meilleure solution pour optimiser la valeur de la rue». Sur ce dossier, l'homme rejette toute crainte: «Au contraire, un changement de mains ne pourrait produire qu'un élan supplémentaire». Du côté d'Euroméditerranée, qui inclut le territoire de la rue de la République, on affiche une sérénité similaire: «ANF a bien rempli sa part du contrat. La commercialisation de leur patrimoine est quasiment terminée. Qu'ils souhaitent sortir est dans la logique des choses». Contacté par nos soins, le principal intéressé, ANF Immobilier, n'a pas souhaité s'exprimer sur son engagement présent et futur dans le processus de réhabilitation et de commercialisation de la rue marseillaise.

Arrivée de locomotives

Un processus qui pourrait s'achever avec succès dès 2014, à condition qu'Atemi, l'autre grand propriétaire de la rue, respecte son nouveau calendrier, après avoir accumulé les retards. Et si sur ce point, Euroméditerranée se dit «vigilant», pour Solange Biaggi, «les choses sont bien parties». C'est en tout cas le message d'Atemi, qui voit d'un très bon oeil l'arrivée imminente de locomotives commerciales comme Mac Donald's, Monoprix, Air France ou encore Picard. «Ces grands noms sont autant de points d'ancrage qui vont générer des flux et qui vont naturellement attirer d'autres enseignes, estime Jérôme Le Grelle. Peu à peu, la rue trouvera sa spécificité, sa dynamique propre». Le président de la société Convergences CVL ne nie cependant pas les difficultés: un contexte économique morose, la multiplication actuelle, à Marseille, de projets commerciaux concurrents, le turnover des premières enseignes installées dans la rue haussmannienne qui est plus important que d'ordinaire, du fait de l'ampleur de l'opération de réhabilitation... Une situation qui, pour les commerçants déjà installés, est vécue de manière contrastée.

Les commerçants inquiets

« En deux ans, nous avons enregistré 35% de piétons en plus dans la première partie de la rue», rappelle Solange Biaggi. « Il y a incontestablement une amélioration du traitement urbain de cette artère. Si la fréquentation semble avoir chuté, en revanche, le panier moyen dépensé a augmenté. Mais tant que la rue n'est pas entièrement rénovée sur toute sa longueur, il est difficile de tirer des conclusions », souligne de son côté Frédéric Jeanjean, président de l'association Colbert Bourse République, créée il y a trois ans et qui regroupe une trentaine de commerçants de ce périmètre. «Il manque un peu d'animation afin d'attirer les acheteurs et de donner envie aux promeneurs de venir rue de la République. ANF et Atemi font un peu la sourde oreille. Nous avons donc décidé d'organiser quelques événements, comme la rue de l'aïoli que nous allons mettre en place pendant quatre mois à partir du 1er juin », poursuit-il. «Il n'y a pas de raison pour que ça ne marche pas, mais trop de Marseillais ignorent encore que la rue a changé de look. Il faut faire évoluer les réflexes, rue de Rome, rue Saint-Ferréol et rue Paradis. Heureusement, nous comptons près de 40 % de touristes dans notre clientèle. Le développement de la seconde partie de la rue apportera un effet posititif», note Grégory Boloni, responsable du magasin Clarks, qui a ouvert en décembre 2010.

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