Le Mans
Thierry Gomez : « Le Mans FC n’est pas une danseuse »
Interview Le Mans # Sport

Thierry Gomez président de Le Mans FC Thierry Gomez : « Le Mans FC n’est pas une danseuse »

S'abonner

Arrivé en sauveur en 2016 à la tête d’un club de football manceau relégué en championnat amateur, Thierry Gomez voit aujourd’hui Le Mans FC retrouver le chemin du professionnalisme avec sa remontée en championnat National. Un retour synonyme de nouveaux défis économiques pour le dirigeant du club.

Évoluant depuis 30 ans dans le monde du football, Thierry Gomez dirige la société francilienne Stimulation Marketing Communication. Entre 2004 et 2009, il a présidé le club de Troyes, accompagnant sa remontée en Ligue 1. Depuis 2016, il est aux commandes de Le Mans FC — Photo : LMFC 2018/David Vallée

Le Journal des Entreprises : Quels changements impliquent cette remontée en National dans la gestion du club ?

Thierry Gomez : C’est la division de tous les dangers. Le championnat National est une Ligue 3 professionnelle déguisée, où des clubs amateurs rencontrent des professionnels. Compte tenu des déplacements, des temps de récupération, on doit recourir à des joueurs professionnels. Jusqu’à présent, ils étaient à temps partiel. En passant à plein temps, automatiquement la masse salariale du club va être multipliée par deux. Dans le recrutement, nous allons être en concurrence non plus avec des clubs amateurs, mais professionnels. Certains descendent de Ligue 2 et touchent encore des droits TV, et ils peuvent offrir des salaires que nous ne pouvons pas proposer. Tous ces éléments font que nous avons les charges d’un club professionnel avec le produit d’un club amateur.

Quel sera le budget pour la saison 2018-2019 ?

T.G. : Si on veut être ambitieux et répondre aux attentes du public, il faut atteindre au moins 5 millions d’euros. Sachant que ce ne sera pas le plus gros budget de National. Le plus important cette saison, c’est celui du Red Star, à plus de 7 millions d’euros. Notre budget étant d’environ 2 millions d’euros, il faut trouver 3 millions. C’est pour ça que nous avons besoin de tout le monde, partenaires publics et privés, pour y parvenir. Je dois présenter un bilan net positif à la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion, chargée de la surveillance des comptes des clubs – NDLR), c’est le cas aujourd’hui. Le budget doit être cohérent et je dois y apporter certaines garanties financières. La marche est importante, mais c’est comme ça à chaque fois que vous montez d’une division. Il faut mettre en place un nouveau modèle économique.

Et ce nouveau modèle économique, en quoi consiste-t-il ?

T.G. : C’est déjà expliquer qu’investir dans Le Mans FC n’est pas une charge. Pour les collectivités, mettre 1 euro dans un club comme Le Mans, c’est en retirer 10 fois plus. Par la création d’emplois et de rentrées fiscales, mais aussi indirectement avec des retombées en termes d’immobilier, de sécurité, de transport. Un club de football joue un vrai rôle dans le développement économique d’un territoire, dans sa médiatisation et aussi dans sa cohésion sociale. Pour les entreprises, c’est un investissement d’image et d’attractivité pour les salariés. Le message que je veux leur transmettre, c’est qu’il est encore temps d’associer leur image à celle de Le Mans FC. On est en train d’écrire une histoire unique avec cette remontée de la division d’honneur vers le professionnalisme.

« Nous avons les charges d’un club professionnel avec le produit d’un club amateur »

Ces partenaires privés, est-ce compliqué de les reconquérir ?

T.G. : Entre le jour de mon arrivée en 2016 où je ne connaissais personne et aujourd’hui, c’est un peu plus facile ! Il y a un engouement. Au début, les gens venaient pour voir comment c’était. Actuellement, nous avons 300 chefs d’entreprise lors de certains matches. Nous allons même rouvrir les loges la saison prochaine. Une centaine de partenaires privés nous soutiennent et trois entreprises sarthoises sont actionnaires du club. D’ailleurs, le capital reste ouvert pour celles qui souhaitent nous rejoindre.

Allez-vous réinvestir dans le club ?

T.G. : Je l’ai déjà fait à hauteur d’un million d’euros à mon arrivée au Mans. Ma démarche reste celle d’un investisseur. Je suis venu ici avec mon vécu, une certaine compétence et une expérience importante en partant du principe que Le Mans FC n’est pas une danseuse. Je vais garantir le budget du club auprès de la DNCG. Si je ne tiens pas mes engagements, c’est moi qui paierait. C’est une responsabilité vis-à-vis du public, des salariés et des partenaires du club. Au regard de son histoire récente, on ne peut pas se permettre un refus d’accès en National pour des problèmes économiques. Ce serait dramatique.

Thierry Gomez préside Le Mans FC depuis l'été 2016 — Photo : Cédric Menuet - Le Journal des entreprises

Est-ce que le retour du club au MMArena a joué dans le succès de Le Mans FC ?

T.G. : Même si on m’a pris pour un fou au début, jouer au MMArena était l’une des clés pour parvenir à la réussite du projet. C’était un signe fort, montrant notre ambition. Il faut être cohérent, ce stade a été construit pour Le Mans FC, il faut donc y jouer. L’histoire reste à écrire car il n’a pas connu de belles épopées et de grandes soirées. Mais avec ce stade, notre centre d’entraiment et de formation, nous avons tous les ingrédients pour réussir.

Votre démarche et la remontée de Le Mans FC suscitent-elles l’intérêt du milieu du football professionnel et de vos réseaux ?

T.G. : Très sincèrement, depuis ces dernières semaines j’ai plus de sollicitations que lors de la remontée en Ligue 1 avec Troyes ! On attire les médias nationaux, des agents de joueurs, c’est de la folie. Des gens qui m’avaient perdu de vue ont même retrouvé mon numéro de téléphone ! Mais ma priorité reste d’assoir davantage le club sur un socle d’entreprise sarthoises.

En termes de gestion, est-ce qu’un club de football est comparable à une entreprise ?

T.G. : Un club de football professionnel doit gagner de l’argent, comme n’importe quelle entreprise. Certains de mes collègues présidents ne le disent pas assez ou ont peur de le dire, mais il doit même en gagner plus.

La gestion est beaucoup plus complexe avec de nombreux facteurs externes. C’est la seule activité où vous pouvez un jour bien travailler, avoir une année malheureuse et être rétrogradé. Ce qui signifie perdre d’un coup l’essentiel de votre chiffre d’affaires. La descente sportive fait partie du jeu mais elle peut tuer le club. Il faut donc avoir des réserves. Le danger existe même quand vous avez les résultats. Vous savez, le football rend fou. Quand vous croyez détenir la vérité et que vous perdez l’humilité, le retour de boomerang fait très mal. Il faut toujours garder du recul. Je suis à la fois président, gestionnaire et décisionnaire, mais pas supporter. Je ne peux pas me le permettre, il y a trop d’enjeux. Le soir de la prochaine montée, je serai forcément heureux. Mais je sais aussi ce que cela signifie. L’attente est tellement forte qu’il y a une énorme pression au quotidien.

Le Mans # Sport