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"J’assume pleinement le choix de travailler aux côtés d’entreprises du territoire"
Interview Lyon # Industrie # Politique économique

David Kimelfeld président de Lyon Métropole "J’assume pleinement le choix de travailler aux côtés d’entreprises du territoire"

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A la tête de la deuxième métropole de France après Paris depuis juillet dernier, David Kimelfeld, qui fut chef d’entreprise jusqu’en 2014, veut ancrer le territoire de 1,3 million d'habitants dans une dynamique industrielle forte. Création d'un campus dédié, soutien à la filière de la cybersécurité, candidature à un programme d'investissements d'avenir... Détails de son action économique pour 2018.

— Photo : Audrey Henrion

Vous avez lancé un projet baptisé « Campus industriel » à Vénissieux. Lyon Métropole adosse une initiative de Bosch à une autre initiative privée, l’événement « Entreprise du futur » porté par Visiativ. En matière d’économie, votre administration suit-elle le tempo donné par les entreprises?

David Kimelfeld : J’assume pleinement le choix de travailler aux côtés d’entreprises du territoire. Visiativ a lancé son événement « Entreprise du futur » il y a plus de trois ans, elle dispose d’une expertise et peut en faire bénéficier le territoire. Et après l’implantation réussie de la start-up industrielle BoostHeat sur son site de Vénissieux, Bosch a souhaité prolonger l’opération de revitalisation de son tènement industriel. Ce projet contribue à la dynamique autour de la « French Fab » : pousser l’industrie à exploiter les nouvelles technologies. Cette idée-là est beaucoup portée par Laurent Fiard en tant que dirigeant de Visiativ en effet. Il s’agit également de développer des retours d’expériences et d’échanges de pratiques entre entreprises, valoriser les savoir-faire industriels et les success stories. Enfin la Métropole qui recense 75 000 emplois industriels sur 2 900 sites dispose d’une base très solide mais qu’il faut sans cesse renforcer. Pour maintenir une industrie il ne suffit pas d’injecter 20 millions d’euros sur la préservation des zones industrielles, il faut bâtir quelque chose de plus conséquent. C’est ainsi que toutes ces initiatives ont convergé vers ce projet.

Quel visage prendra ce site ?

D.K. : Le Campus industriel de Vénissieux a pour objectif d’accueillir 10 à 15 start-ups et PMI innovantes, accompagnées par un centre de ressources « la Ruche industrielle » mobilisant des expertises d’ingénieurs de Bosch Rexroth et de Renault Trucks. J’ai proposé que celles-ci soient choisies par un comité de pilotage réunissant Bosch, Lyon Métropole et Visiativ afin qu’elles répondent bien aux critères de l’industrie du futur. À cela s’ajoute la Fabrique de l’Innovation de la Doua, financée par la Région et la Métropole et qui incarne aussi une réponse au besoin de proof of concept. Bientôt, la Halle Girard sera aussi dans la boucle du campus industriel Bosch, de même que l’Ecole 101 de la Région et demain son « Campus numérique » à Charbonnières. Le site de Vénissieux (11 hectares, NDLR) deviendra demain une vitrine de ce qui se fait de mieux en faveur des start-up et PME industrielles.

Quel budget Lyon Métropole va consacrer à ce projet ?

D.K. : En plus d’un accompagnement pour aménager les voies d’accès, l’arrivée de l’eau, électricité etc, nous allons mettre en œuvre une aide industrielle, d’une valeur globale d’environ 600 000 euros par an, à travers du soutien à l’animation du campus (mis en œuvre par « La Ruche »), l’acquisition de démonstrateurs et la valorisation du projet au niveau international à travers « le MOOVE », un showroom mobile créé par Capsa.

« Une politique industrielle forte, comme facteur d’innovation et d’attractivité. »

Est-ce le projet phare de 2018 ?

D.K. : Il ne s’agit que d’une première brique certes importante, qui s’ajoute à une politique plus vaste de capitalisation sur notre socle industriel et du développement de l’industrie du futur. On s’attache ainsi à créer une filière de la cybersécurité, notamment dans le domaine industriel et sécurité urbaine, on va accélérer sur l’innovation numérique avec la livraison prochaine de la Halle Girard, les pôles entrepreneuriaux… J’ajoute que nous avons candidaté avant l’été à l’action « Territoire d’Innovation de Grande Ambition » dotée d’une enveloppe de 450 millions d'euros, dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir. Sur 117 projets, 24 ont été retenus dont celui de Lyon Métropole. Il y a une cohérence dont le fondement est une politique industrielle forte, comme facteur d’innovation et d’attractivité.

Les pôles de compétitivité de dimension régionale qui portent justement depuis 2005 des branches industrielles stratégiques craignent de voir l’Etat se désengager financièrement. Quelle serait alors la position de Lyon Métropole ?

D.K. : Ce débat n’est pas clôt, mais en effet certains pourraient voir leurs aides versées par l’Etat suspendues. Pour l’instant les choses ne sont pas claires, il a une interrogation mais pas encore d’inquiétude. Si les subventions devaient être coupées, notre métropole ne prendrait pas le relais de l’Etat, on a déjà maintenu pendant de nombreuses années nos aides quand celles de Paris baissaient.

« Après un volume de transaction immobilière de 700 millions d’euros en 2017, dans la moyenne des cinq dernières années, 2018 s'annonce déjà plus conséquente. »

Les prix de l’immobilier d’entreprise ont largement augmenté en 2017, ce qui expliquerait selon une récente étude publiée par PWC une dégringolade de Lyon dans le classement des 30 métropoles européennes les plus attractives. Votre analyse ?

D.K. : Cela montre peut être que l’on est d’une certaine façon victime de notre succès car nous un prix de marché assez élevé mais il faut relativiser. Des classements il y en a tous les jours… L’étude dénote par ailleurs une économie lyonnaise robuste et un marché immobilier sécurisé et diversifié, nous restons la seule métropole française hors Paris à figurer parmi les trente métropoles européennes attractives en matière d’investissement immobiliers. Les prévisions 2017 qui ne sont pas encore officielles mais enregistrent un volume de transaction immobilière de 700 millions d’euros, dans la moyenne des cinq dernières années. 2018 sera plus conséquente, car la transaction du To Lyon sera enregistrée pour un montant d’environ 450 millions d’euros. Et l’on verra naitre Silex 2 et ses 130 000 m² à la Part-Dieu, 95 000 m² dans le quartier du Biodistrict (Gerland), 70 000 m² à Confluence. Enfin, la présentation du Plan d’urbanisme et d’habitat montrera aussi notre engagement sur les 15 prochaines années à réserver des tènements fonciers pour continuer à développer l’activité tertiaire et industrielle.

Concernant le Pacte PME et le pourcentage de PME locales qui bénéficient des marchés de Lyon Métropole : n’y a-t-il pas un effet saupoudrage qui pénalise des entreprises qui ont vu le volume de marché diminué pour en faire profiter un plus grand nombre ?

D.K. : Il y a une concurrence qui s’exerce ici, nous ne sommes pas en Union Soviétique. Mais c’est sans doute une alerte qu’il faut regarder de près, même si à mon avis elle n’est pas si prégnante. Mais le Pacte PME c’est surtout un outil qui permet à des PME de rencontrer physiquement des grands donneurs d’ordres privés, et pour le coup les chiffres montrent que les rencontres auxquelles plus de 1 000 entreprises ont participé débouchent sur des contrats, y compris à l’international.

« Lyon est une jeune métropole qui vit ses toutes premières années. »

Comment définissez-vous votre mode de gouvernance après six mois d’exercice du pouvoir ?

D.K. : Le fait que je sois chef d’entreprise est une originalité. Je suis entré dans l’entreprise en 1987 et jusqu’en 2014 je consacrais plus de temps à l’entreprise qu’au reste. Quand à mon style de présidence, je ne me réveille pas tous les matins en me demandant comment m’inscrire dans un leadership différent de celui de Gérard Collomb... Je m’inscris dans la continuité de son mandat, car j’étais son premier vice-président en charge de l’économie. Je m’inscris aussi dans ma capacité à m’adapter au monde qui change tous les jours et à un phénomène nouveau : celui d’une jeune métropole qui vit ses toutes premières années.

Votre « rapport d’étonnement » concernant son fonctionnement ?

D.K. : Le 22 janvier lors de la présentation du budget je redirai que (…) Lyon Métropole bénéficie d’une opportunité rare de pouvoir à la fois percevoir des revenus fiscaux grâce à son attractivité (sans augmenter les taux) tout en étant attentive aux plus fragiles. Cette année on peut se permettre de mettre 21 millions d’euros de plus qu’en 2017 sur les « dépenses » sociales.

Les rapports - assez tendus - entre Lyon Métropole et la Région Auvergne-Rhône-Alpes se sont-ils apaisés ?

D.K. : Je fais une grande distinction entre Laurent Wauquiez, patron des Républicains dont je ne partage en aucun cas les convictions, et celui qui préside la Région. Ma responsabilité de patron de la Métropole est de trouver des terrains d’entente avec l’entité régionale pour avancer sur les dossiers. Le Campus Industriel est un bel exemple de ce qui peut nous réunir.

Propos recueillis par Audrey Henrion

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